Hobbes: félicité et désirs
Publié le 13/09/2018
Extrait du document

Celui dont les désirs ont atteint leur terme ne peut pas davantage vivre que celui chez qui les sensations et les imaginations sont arrêtées. La félicité est une continuelle marche en avant du désir, d'un objet à un autre, la saisie du premier n'étant encore que la route qui mène au second. La cause en est que le désir de l'homme n’est pas de jouir une seule fois et pendant un seul instant, mais de rendre à jamais sûre la route de son désir futur. Aussi les actions volontaires et les inclinations de tous les hommes ne tendent-elles pas seulement à leur procurer, mais aussi à leur assurer une vie satisfaite. Elles diffèrent seulement dans la route qu’elles prennent : ce qui vient, pour une part, de la diversité des passions chez les divers individus, et, pour une autre part, de la différence touchant la connaissance ou l'opinion qu’a chacun des causes qui produisent l’effet désiré.
Aussi, je mets au premier rang, à titre d’inclination générale de toute l'humanité, un désir perpétuel et sans trêve d'acquérir pouvoir après pouvoir, désir qui ne cesse qu'à la mort. La cause n’en est pas toujours qu'on espère un plaisir plus intense que celui qu’on a déjà réussi à atteindre, ou qu'on ne peut pas se contenter d'un pouvoir modéré : mais plutôt qu'on ne peut pas rendre sûrs, sinon en en acquérant davantage, le pouvoir et les moyens dont dépend le bien-être qu'on possède présentement.
Hobbes
■ Analyse du sujet
Texte qui mérite d’être lu avec soin plusieurs fois, pour y repérer l’entrelacement des thèmes. On peut ainsi y distinguer :
— une définition de la « félicité » (synonyme de bonheur ?) ;
— une analyse du désir comme relance permanente ;
— une insistance sur la diversité des individus, de deux points de vue complémentaires ;
— le repérage final d’un << désir de pouvoir » fondamental chez tous ;
Il convient en conséquence d’établir une différence entre se procurer et s’assurer une vie satisfaite. « Se procurer >> désigne ici l’obtention de satisfactions renvoyant à un désir antérieur qui se trouve ainsi comblé. Mais, puisque le désir lui-même renaît immédiatement au-delà de sa première visée, la vie redevient ausitôt insatisfaisante, dès lors que s’y ouvre la possibilité d’une nouvelle brèche. C’est pourquoi « s’assurer >> une vie satisfaite implique que l’on se préoccupe d’un désir toujours renaissant, et donc toujours nouveau, qui demande toujours davantage ou autrement. On doit alors admettre qu’il n’y a de satisfaction réelle qu’à la condition de pouvoir garantir que l’on aura les moyens de satisfaire le désir prochain. Le bonheur est ainsi moins un acquis qu’une conquête permanente, 1 ’élaboration progressive de situations nous apportant toujours davantage, pour répondre au mouvement du désir passant d’un objet au suivant.

«
la mise en valeur de l'objet de ce désir de pouvoir: il s'agit, non de
rechercher un plaisir plus intense, mais de garantir le bien-être acquis par
la quête de moyens supplémentaires.
• Pièges à éviter
- Ne profitez pas de la signature de ce texte pour faire état des théo
ries politiques du Léviathan, qui ne sont pas ici en cause.
- Rien ne doit vous inviter à énumérer les différentes conceptions du
désir que vous pouvez connaître, sous prétexte de confirmer ou contredire
ce que dit ici Hobbes.
• Plan
Introduction
1.
Félicité et désir
II.
Le dynamisme du désir
III.
Acquérir « pouvoir après pouvoir »
Conclusion
CORRIGÉ
[Introduction] Souligner l'importance du désir dans l'existence humaine n'a plus rien
de surprenant depuis la mise au point des théories freudiennes.
Mais, pour
Hobbes, le désir est lié étroitement à la recherche de ce qu'il nomme
la «félicité >>, c'est-à-dire le bonheur.
Comment, toutefois, assurer la
constance de ce dernier, alors même que le désir semble animé d'un dyna
misme permanent, qui l'amène à changer inlassablement d'objet ? Plus
radicalement, Hobbes repère dans cet extrait la présence première, dans tout
individu, d'un «d ésir de pouvoir >> qui doit sans cesse garantir le maintien
de la satisfaction acquise contre ce qui risque de la faire diminuer .
[1.
Félicité et désir ]
Qu' est-ce qu'un homme malheureux ? Hobbes en indique deux repé
rages dès le début de cet extrait : est malheureux celui dont les désirs
n' existent plus (parce qu'ils ont «atteint leur terme >> : soit qu'ils se trou
vent tous comblés ; soit, ce qui semble plus vraisemblable, que la faculté
même de désirer ait disparu), aussi bien que celui qui ne peut plus bénéfi
cier de > ou d'>.
Cette proximité dans le mal
heur suggère une relation entre désir, sensation et imagination.
Autrement.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Hobbes et les désirs
- Commentaire du texte de Hobbes sur la félicité
- L'oisiveté est la mère de la philosophie (Hobbes)
- L'accomplissement de tous nos désirs s'oppose-t-il à une bonne règle de vie ?
- Quelle conception de la nature humaine vous semble la plus crédible? La guerre de chacun contre chacun de Hobbes ou la bonté naturelle de Rousseau? L’état de nature est hobbésien ou rousseauiste?