Henri Poincaré, La Science et l’hypothèse. pp.159-161
Publié le 02/05/2014
Extrait du document
«
Introduction à la logique
conception du monde, du langage, des idées préconçues et de la salutaire concurrence de
théories contradictoires.
En découle alors, de façon moins directement évidente l’idée de ce
que la construction repose avant tout sur la structuration qui met en rapport les matériaux.
L’objet de la science n’est pas tant le matériau isolé que les rapports entre les choses.
De la
prééminence des relations et des structures résulte par ailleurs que si l’accumulation n’est pas
une méthodologie scientifique, la progression de la science fait que les théories, même après
leur réfutation par les bâtisseurs peuvent s’avérer des pierres angulaires en ce que les rapports
exprimés par des équations dans l’une, celle de Fresnel par exemple qui attribuait la lumière
aux mouvements de l’éther, restent vrais malgré le changement théorique, comme le passage à
la théorie de Maxwell dans l’exemple .
Dès l’introduction, La Science et l’hypothèse dénonce l’in-faillibilisme des « gens du
monde », observateurs superficiels pour qui la vérité scientifique est hors d’atteinte du doute,
la logique de la science infaillible, les erreurs éventuelles des savants venant de leur
méconnaissance des règles 6
.
Les vérités mathématiques ne s’imposent pas à la nature, laissant
un choix entre des solutions relativement peu nombreuses pour permettre l’accès à une
compréhension de l’univers (ou au moins ‘un coin de l’univers ’) à partir de déductions
mathématiques impeccables tirées de quelques expériences ; bien au contraire derrière un
même phénomène une multitude d’explications sont possibles et toute explication repose sur
une hypothèse dont le choix est déterminant.
Poincaré distingue 3 sortes d’hypothèses : celles
qui sont vérifiables, reconnues « vérités fécondes » une fois confirmées par l’expérience,
d’autres, non littéralement vraies quoique sans pouvoir nous induire en erreur, sont utiles en
ce qu’elles permettent de décrire des phénomènes qui eux sont vrais ; d’autres enfin
(hypothèses mathématiques surtout) plus que de véritables hypothèses sont des définitions ou
« conventions déguisées 7
».
Le réel ne se transforme pas au fur et à mesure des révolutions
scientifiques et qu’elles soient ou non confirmées par l’expérience, les généralisations issues
des hypothèses du troisième type seront fécondes (pour peu qu’elles soient suffisamment peu
nombreuses et identifiables de façon isolées pour savoir quelles prémisses sont condamnées
ou validées) en ce qu’elles sont susceptibles d’atteindre un invariant objectif dont la
connaissance sera lue comme permettant un progrès cumulatif de la science : « au premier
abord les théories nous semblent fragiles, et l’histoire de la science nous prouve qu’elles sont
éphémères : elles ne meurent pas tout entière pourtant, et de chacune d’elles il reste quelque
chose » (SH26).
Chaque science détermine le type d’hypothèse et le langage nécessaire à son
exercice et la portée des conventions ne sera pas identique en géométrie, en mécanique ou en
mathématiques.
Quel que soit le fait observé il faut pouvoir en tirer une conclusion, une explication qui
aura recours à l’hypothèse, au raisonnement et au langage : « sauf à méconnaître
complétement le véritable caractère de la science 8
», l’hypothèse est inéluctable lorsque l’on
interroge la nature et la rigueur du raisonnement scientifique comme celle de la convention.
L’expérience qui nous permet de prévoir doit non seulement être généralisée mais cette
généralisation même vient de ce qu’elle est adaptée, corrigée (par exemple dans
l’interpolation de points à partir de points isolés donnés par l’expérience en réunissant ceux-ci
par un trait continu).
Un fait peut se généraliser d’une infinité de manière, un choix est
nécessaire et la commodité oriente le choix vers la simplicité (dans l’interpolation pour tracer
un trait continu entre les points donnés par l’observation on évitera par exemple les zigzags,
les points anguleux).
66 Id.
23
77 Id.
24
88 SH 158
2.
»
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