Henri Bergson, Matière et mémoire
Publié le 31/01/2020
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Henri Bergson, Matière et mémoire
Il y a, disons-nous, deux mémoires profondément distinctes : l’une, fixée dans l’organisme, n’est point autre chose que l’ensemble des mécanismes intelligemment montés qui assurent une réplique convenable aux diverses interpellations possibles. Elle fait que nous nous adaptons à la situation présente, et que les actions subies par nous se prolongent d’elles-mêmes en réactions tantôt accomplies tantôt simplement naissantes, mais toujours plus ou moins appropriées. Habitude plutôt que mémoire, elle joue notre expérience passée, mais n’en évoque pas l’image. L’autre est la mémoire vraie. Coextensive à la conscience, elle retient et aligne à la suite les uns des autres tous nos états au fur et à mesure qu’ils se produisent, laissant à chaque fait sa place et par conséquent lui marquant sa date, se mouvant bien réellement dans le passé définitif, et non pas, comme la première, dans un présent qui recommence sans cesse.
PUF, collection « Quadrige », 1997, p. 292.
«
COMMENTAIRE DE TEXTE
-2.
Du côté de l'esprit: la mémoire pure
(lignes 8 à la fin du texte}
A La mémoire pure valorisée.
Elle est en effet la« vraie>> mémoire, c'est-à-dire la mémoire à proprement
parler.
Peut-être faut-il souligner ici la supériorité de l'esprit sur le corps qui rat
tache Bergson au dualisme spiritualiste.
B.
Cette mémoire est« [c]oextensive à la conscience)> (ligne 8), c'est-à-dire
qu'elle est entièrement constituée des représentations conscientes que suscite en
nous le présent et qu'elle les conserve à l'état de représentations lorsqu'elles appar
tiennent au passé.
Elle s'oppose donc à l'habitude car elle conserve un souci de
représentation exacte du passé.
Se souvenir, c'est ici rappeler à soi une représen
tation et non préparer des actions.
C.
La supériorité de la mémoire pure tient aussi au fait qu'elle distingue clai
rement le passé du présent.
Le passé vers lequel elle se tourne n'est pas recherché
pour être reproduit sous forme d'actes ou de réflexes.
li est évoqué comme ce qui
est révolu : il est un « passé définitif>> (ligne 11 } .
.., Discussion
l..'.enjeu du texte est proprement métaphysique.
La distinction entre les deux
mémoires peut, certes, faire l'objet d'une discussion à part entière; mais cette dif
férence est introduite comme une preuve de la distinction entre l'âme et le corps.
Mais la nouveauté de Bergson par rapport au dualisme classique, cartésien par
exemple, est de s'appuyer sur des faits psychologiques pour soutenir une thèse
métaphysique.
Vous devez donc tirer de ce texte tous les éléments qui permettent d'oppo
ser les deux notions : le corps est un centre d'actions, alors que l'esprit est un flux
de représentations, Je corps fonctionne en se passant de la conscience, alors que
l'esprit en est solidaire.
Mais vous pouvez surtout rechercher ce qui permet à
Bergson d'articuler les deux..
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