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Henri BERGSON (1859-1941) La Pensée et le Mouvant, chap. v

Publié le 22/04/2010

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bergson

« À quoi vise l'art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience ? Le poète et le romancier qui expriment un état d'âme ne le créent certes pas de toutes pièces ; ils ne seraient pas compris de nous si nous n'observions pas en nous, jusqu'à un certain point, ce qu'ils nous disent d'autrui. Au fur et à mesure qu'ils nous parlent, des nuances d'émotion et de pensée nus apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraient invisibles : telle l'image photographique qui n'a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera. Le poète est ce révélateur. Mais nulle part la fonction de l'artiste ne se montre aussi clairement que dans celui des arts qui fait la plus large place à l'imitation, je veux dire la, peinture. Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes. «

Le thème : Le sens de l'art, la fonction de l'artiste.

La thèse : L'art enrichit notre perception des choses, l'artiste nous dévoile un réel inaccessible sans lui.

Les enjeux : L'art peut être compris comme ce qui nous éloigne du réel, nous en détourne. Le texte défend l'idée contraire, à savoir que sans l'art une part du réel nous échappe. En quoi l'art participe-t-il de la réalité ? En quoi l'artiste est-il ce médiateur ?

La structure : Le premier mouvement du texte indique le sens de l'art. L'art nous montre le réel (l. 1 et 2).

Le second mouvement du texte expose la fonction de l'artiste comme une fonction de révélation. L'artiste dévoile l'invisible (l. 2 à 8).

Le troisième mouvement du texte affirme le caractère essentiel de l'artiste dans la perception des choses, l'imitation exhibe le réel pour tous (l. 8 à 11).

bergson

« b) L'artiste nous révèle le caractère essentiel de la réalitéCe second mouvement du texte explicite la fonction de l'artiste.

Si l'oeuvre d'art est une création, elle n'est pascréée « de toutes pièces », ce n'est pas une pure fiction.

L'artiste s'inspire de la réalité afin de créer selon lemodèle de cette réalité.

S'inspirer signifie que l'artiste est attentif, qu'il observe la réalité avec minutie afin d'enretirer ce qu'elle a d'essentiel, d'universel.

L'artiste crée à partir de ce qu'il y a d'universel.

C'est sur ce fondd'universel que l'homme perçoit l'oeuvre d'art, et donc accède à une perception du monde dans ce qu'il a de plusfondamental, de plus essentiel.

Sans l'art l'homme vivrait dans la méconnaissance des choses, et cela, selonBergson (Le Rire), pour deux raisons : l'homme est condamné à agir, il ne voit que les choses utiles en fonction deses besoins et le langage n'est envisagé que dans sa fonction de communication (« les hommes parlent pour ne rienvoir »).

Ainsi tout artiste (poète, romancier, peintre, etc.), apparaissant comme détaché de l'existence utilitaire,nous apprend à voir le monde.

La fonction essentielle de la poésie est, comme l'écrit Éluard, de « donner à voir ».L'artiste lutte contre l'indifférence du regard.

Les mots du poète et du romancier explorent notre impensé, nous fontrencontrer nos propres émotions qui sans leurs mots resteraient enfouies, ineffables.

Avec l'art notre rapport aumonde est libéré de l'action.

L'artiste nous « révèle » ce qui était « invisible » pour notre perception quotidienne.Bergson a recours à l'exemple de la photographie, à ce moment particulier de son développement, avant lerévélateur, où rien n'apparaît et pourtant tout est là.

La création artistique n'est donc pas l'invention d'un mondefictif, détaché de la réalité, mais le dévoilement de la réalité ainsi révélée.

En quel sens notre rapport au mondedevient-il contemplatif avec l'art ? Pourquoi la peinture est-elle exemplaire dans la conception de l'art chez Bergson? c) En quoi l'art de l'imitation fondeMI un nouveau rapport au monde ?Dans le troisième mouvement du texte la fonction de l'art a, selon Bergson, plus de sens dans la peinture, et plusprécisément chez les impressionnistes.

Si nous avons vu que la création artistique était dévoilement, révélation dela réalité, elle est d'autant moins une fiction que ce dévoilement de la réalité se fait par l'imitation de la réalité.

Onretrouve l'idée expliquée dans le second mouvement du texte selon laquelle l'artiste crée en imitant c'est-à-dire ensaisissant avec attention ce qui est proprement la réalité.

L'artiste doit reproduire dans son oeuvre le caractèreessentiel des choses.

Pour cela le rapport aux choses doit être contemplatif c'est-à-dire étranger à toute volontéde transformer la réalité.

L'art naît d'un rapport gratuit aux choses.

L'artiste est celui qui est disponible à laconstitution propre des choses, il cherche à les percevoir dans leur authenticité.

La perception des choses qu'induitl'art est une représentation authentique de la réalité grâce à la création imitative.

La peinture dote la réalité d'unevéritable authenticité.

Cette « certaine vision » des choses apparaît dans l'acte contemplatif, dans l'art d'imitation.Ainsi les choses sont débarrassées de leur vision utilitaire.

Regarder, contempler, imiter et donner à voir aux hommesle réel authentique, telle est la fonction du peintre, de l'artiste. Transition : L'intérêt philosophique du texte se situe dans la conception de l'art comme rapport authentique aux choses.

L'art nous permet d'accéder au réel.

Or l'art peut être entendu comme ce qui éloigne du réel.

L'art est-ilrapprochement ou éloignement du réel ? Deuxième partie Les rapports de l'art et du réel L'art nous détourne de la réalité, mais ce détournement est ambigu, ainsi que le terme de réalité.

On peut pensercomme Platon que l'art d'imitation nous détourne de la réalité, nous laisse dans le mensonge, nous interdit l'accès àla vérité.

Ici la réalité n'est pas le monde sensible mais le monde intelligible.

Tout accès au monde des Idées se faiten se détachant du monde des apparences, or l'imitation est fixation à l'apparence.

L'artiste en tant qu'imitateur nepeut être ni un modèle, ni un révélateur, son utilité même est mise en cause, il faut l'exclure de la cité.

Mais pourconcevoir l'art ainsi, il faut concevoir une réalité plus vraie que le réel.

De plus c'est le sens même du termed'imitation qui est en cause.

Imiter ce n'est pas reproduire, c'est exhiber l'invisible.

Si l'art nous détourne de laréalité, c'est un détournement d'une réalité pauvre, celle de nos besoins, l'oeuvre d'art nous met à distance dumonde bruyant des activités humaines et c'est par là que l'art peut être accès à la réalité.

L'art ne nous rapprochepas du réel, il nous le fait voir.

C'est bien une vision contemplative du monde dont il s'agit mais non au sens dePlaton.

Il n'y a qu'un seul monde et c'est les artistes qui portent leurs visions de celui-ci pour rendre visible ce quine l'est pas.

L'art nous affranchit de la réalité sensible.L'énigme de la nature se donne à voir dans l'art.

L'artiste en nous troublant par ces visions nous redonne le goût del'étrange, nous plonge au coeur même du réel et de l'existence.

Notre monde est un monde de mots decommunication, l'art bouleverse ce monde, au point de nous le rendre incompréhensible, mais c'est cette étrangetémême qui est rapport authentique au monde. ConclusionBergson nous montre dans ce texte que l'art enrichit notre perception des choses, l'artiste nous dévoile un réelinaccessible sans lui Ainsi le réel est un mystère, et l'artiste nous conduit au sein de cette énigme.

C'est par là quetroublé, étonné, émerveillé, agacé, l'homme grâce à l'artiste se détache de l'immédiateté pour enfin « voir ».. »

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