HEGEL: y a-t-il une pensée sans langage ?
Publié le 25/03/2011
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«
Différence articulée à l'intérieur même de l'énoncé, ensuite, dans la mesure où tout discours signifiant se présentecomme une unité articulée, c'est-à-dire comme un ensemble de termes se différenciant d'une façon déterminée.
L'articulation du discours renvoie donc à ce système de différences qui constitue un langage.
En conséquence, il nous faut affirmer que seul le mot est susceptible de réaliser l'acte de la pensée.
Vouloir pensersans le mot, c'est vouloir penser en dehors de toute effectuation de la pensée, en ôtant à la pensée touteexistence expressive ; en bref, c'est vouloir penser sans pensées.
« C'est une tentative insensée.
»
L'activité de penser se distingue donc de l'immédiate et vide conscience de soi, exactement comme s'opposentl'expressif et l'inexpressif, la pensée réelle et l'absence de pensée, le linguistique et le non-linguistique.
Par lelangage, la pensée accède à une existence réelle qui est celle de son acte.
* * *
Pourtant, nous avons tous fait l'expérience de la difficulté du travail d'expression : le langage nous semble inadéquatà ce que nous voulons exprimer.
Au terme d'un effort d'expression linguistique, nous avons souvent l'impression que nos énoncés trahissent notrepensée plus qu'ils ne l'extériorisent et que quelque chose d'ineffable, d'indicible, demeure au-delà de touteexpression linguistique.
Cet ineffable nous paraît alors être « ce qu'il y a de plus haut x> dans notre pensée et, enmême temps, ce qui n'a pu être traduit par son activité.
Ainsi apparaît l'inexprimable comme donné au-delà de toutlangage, comme intuition non linguistique.
Ce qu'il faut remarquer, selon Hegel, c'est que ce donné n'est ineffable qu'en ce qu'il est obscur, qu'il n'apparaîtcomme au-delà du langage que dans la mesure où il n'est pas pensé.
A la limite on pourrait penser que ce « quelquechose qui n'a pas trouvé de mot » constitue la limite de la pensée et de la conscience.
S.
Freud ne caractérise-t-ilpas le système les.
par l'absence d'investissements de mots ? (Cf.
article sur Y Inconscient in Métapsychologie.
)
Ainsi, l'opposition linguistique—non linguistique se superposerait à l'opposition conscience claire—inconscient.
Il n'yaurait de vérité que discursive et de pensée claire qu'exprimée dans un langage.
Mais on peut se demander si le clivage entre pensée et obscurité, conscience et inconscience, langage et obscuritéest aussi univoque.
N'existe-t-il pas une clarté du donné sensible qui, pour être conscient, n'en demeure pas moinsirréductible à toute expression linguistique ?
Et inversement le langage est-il tout entier du domaine de la conscience et de la clarté ? L'impensé et l'exprimé
s'opposent-ils comme le clair et l'obscur ?
* * *
Le donné sensible est toujours accompagné d'une représentation de mots.
La sensation de rouge est désignée par lemot cc rouge » qui l'exprime et nous permet de la « reconnaître ».
Mais de là, il ne s'ensuit pas que cette sensationse réduise au mot qui l'exprime.
Sentir du rouge, ce n'est pas penser le mot rouge ; c'est faire une expérienceconcrète d'un certain rapport à l'objet, intransmissible par le langage, et dont le caractère d'être ineffable semarque en ce que le mot cc rouge » ne saurait signifier, pour qui n'aurait jamais fait lui-même cette expérience.
Etpourtant, cette conscience du rouge ne le cède en rien en ce qui concerne la clarté, aux plus rigoureusesexpressions discursives.
On voit que si l'identification de la pensée à l'exprimable ne semble pas pouvoir être remise en question, il n'en vapas de même de l'identification de la conscience à la pensée.
La conscience qui sent n'est certes pas une penséeen acte, mais elle possède une clarté propre qui ne doit rien à la fonction linguistique.
C'est ce que remarquait E.Kant, lorsque, réagissant contre l'intellectualisme des cartésiens, il affirmait que l'intelligible ne se distinguait pas dusensible par un degré supérieur de clarté.
Inversement, il ne semble pas exact de dire que le langage est essentiellement une forme marquée du caractère decc l'activité interne la plus haute », c'est-à-dire qu'il est tout entier du domaine de la pensée, de la conscienceclaire en acte.
La psychanalyse nous apprend que le discours est le lieu d'apparition de significations inconscientespour celui-là même qui le prononce et que le langage est porteur de significations qui relèvent davantage del'inconscient que de la pensée claire.
Le langage n'est pas le produit artificiel d'une conscience maîtresse de sesactes et des significations dont le discours est porteur ; la pensée ne peut s'exercer en dehors du langage mais sonexercice est fonction de l'obscurité et de l'inconscient dont celui-ci est le véhicule.
Dire est toujours exprimer, maistant s'en faut que l'exprimé ne se confonde avec le pensé — et cela n'est possible que dans la mesure où le lien del'expression, le langage, est lui-même irréductible à un produit de la conscience dans lequel celle-ci pourrait
reconnaître son absolue transparence..
»
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