Hegel, Phénoménologie de l'esprit, trad. J. Hyppolite, Aubier, II, p. 261-262.
Publié le 19/03/2015
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Le panthéon de l'esprit
Muette est devenue la confiance dans les lois éternelles des dieux, aussi bien que la confiance dans les oracles qui devaient connaître le particulier. Les statues sont maintenant des cadavres dont l'âme animatrice s'est enfuie, les hymnes sont des mots que la foi a quittés. Les tables des dieux sont sans la nourriture et le breuvage spirituel, et les jeux et les fêtes ne restituent plus à la conscience la bienheureuse unité d'elle-même avec l'essence. Aux oeuvres des Muses manque la force de l'esprit qui voyait jaillir de l'écrasement des dieux et des hommes la certitude de soi-même. Elles sont désormais ce qu'elles sont pour nous : de beaux fruits détachés de l'arbre ; un destin amical nous les a offertes, comme une jeune fille présente ces fruits ; il n'y a plus la vie effective de leur être-là, ni l'arbre qui les porta, ni la terre, ni les éléments qui constituaient leur substance... Notre opération, lorsque nous jouissons de ces oeuvres, n'est donc plus celle du culte divin grâce à laquelle notre conscience atteindrait sa vérité parfaite qui la comblerait, mais elle est l'opération extérieure qui purifie ces fruits de quelques gouttes de pluie ou de quelques grains de poussière, et à la place des éléments de l'effectivité éthique qui les environnait, les engendrait et leur donnait l'esprit, établit l'armature interminable des éléments morts de leur existence extérieure, le langage, l'élément de l'histoire, etc., non pas pour pénétrer leur vie, mais seulement pour se les représenter en soi-même. Mais de même que la jeune fille qui offre les fruits de l'arbre est plus que leur nature qui les présentait immédiatement, la nature déployée dans ses conditions et dans ses éléments, l'arbre, l'air, la lumière, etc., parce qu'elle synthétise sous une forme supérieure toutes ces conditions dans l'éclat de son oeil conscient de soi et dans le geste qui offre les fruits, de même l'esprit du destin qui nous présente ces oeuvres d'art est plus que la vie éthique et l'effectivité de ce peuple, car il est la récollection et l'intériorisation de l'esprit autrefois dispersé et extériorisé encore en elles ; il est l'esprit du destin tragique qui recueille tous ces dieux individuels et tous ces attributs de la substance dans l'unique Panthéon, dans l'esprit conscient de soi-même comme esprit.
Hegel, Phénoménologie de l'esprit, trad. J. Hyppolite, Aubier, II, p. 261-262.
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