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HEGEL: Passions-histoire

Publié le 23/04/2005

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hegel
Ces grands hommes semblent obéir uniquement à leur passion, à leur caprice. Mais ce qu'ils veulent est l'universel. (... ) C'est la psychologie des maîtres d'école qui sépare ces deux aspects. Ayant réduit la passion à une manie, elle rend suspecte la morale de ces hommes; ensuite, elle tient les conséquences de leurs actes pour leurs vrais motifs et leurs actes mêmes pour des moyens au service de ces buts : leurs actions s'expliquent par la manie des grandeurs ou la manie des conquêtes. Ainsi par exemple l'aspiration d'Alexandre est réduite à la manie de conquête, donc à quelque chose de subjectif qui n'est pas le Bien. Cette réflexion dite psychologique explique par le fond du coeur toutes les actions et leur donne une forme subjective. De ce point de vue, les protagonistes de l'histoire auraient tout fait, poussés par une passion grande ou petite ou par une manie, et ne méritent donc pas d'être considérés comme des hommes moraux. Alexandre de Macédoine a conquis une partie de la Grèce, puis l'Asie; il a donc été un obsédé de conquêtes. Il a agi par manie de conquêtes, par manie de gloire, et la preuve en est qu'il s'est couvert de gloire. Quel maître d'école n'a pas démontré d'avance qu'Alexandre le Grand, Jules César et les hommes de la même espèce ont tous été poussés par de telles passions et que, par conséquent, ils ont été des hommes immoraux? D'où il suit aussitôt que lui, le maître d'école, vaut mieux que ces gens-là, car il n'a pas de ces passions et en donne comme preuve qu'il n'a pas conquis l'Asie, ni vaincu Darius et Porus, mais qu'il est un homme qui vit bien et a laissé également les autres vivre. » HEGEL
Hegel fait un double constat:
* Apparemment les grands hommes (ceux qui font l'histoire) semblent n'agir qu'en fonction de leurs passions, de leur caprice, de leur égoïsme.
* En réalité, ils "veulent l'Universel", cad s'efforcent de contribuer à une avancée de l'Histoire en tant que celle-ci est une manifestation et une réalisation de l'Absolu, de la Raison, de l'Esprit, de l'Universel dont les grands hommes ne sont que les instruments. Pour Hegel, passion et réalisation de l'Universel sont liés. Chez les grands hommes, la passion (guerrière, conquérante) est une ruse de la Raison.
Hegel procède alors à une critique de l'explication traditionnelle (celle de ceux qu'ils nomment, avec un brin d'ironie, les "maîtres d'écoles").
* Analyse: l'explication traditionnelle voit à tort dans la passion un vice, une manie. Elle inverse les rapports de cause à effet, en prenant les conséquences des actes des grands hommes pour les motifs de ces actes. C'est l'exemple d'Alexandre le Grand. * Explication de cette "explication" des maîtres d'école, leur médiocrité et leur envie de rabaisser les grands hommes qui les pousse à condamner ces derniers d'un point de vue pseudo moral pour se justifier de leur médiocrité.

hegel

« ont dit les premiers ce que les hommes veulent [...] Il serait vain de résister à ces personnalités historiques parcequ 'elles sont irrésistiblement poussées à accomplir leur œuvre.

Il appert par la suite qu'ils ont eu raison, et lesautres, même s'ils ne croyaient pas que c'était bien ce qu'ils voulaient, s'y attachent et laissent faire.

Car l'œuvredu grand homme exerce en eux et sur eux un pouvoir auquel ils ne peuvent pas résister, même s'ils le considèrentcomme un pouvoir extérieur et étranger, môme s'il va à /'encontre de ce qu'ils croient être leur volonté.

Car l'Espriten marche vers une nouvelle forme est l'âme interne de tous les individus ; il est leur intériorité inconsciente, que lesgrands hommes porteront à la conscience.

»Remarque.

On voit que, pour Hegel, chez les grands hommes passion et réalisation de l'Universel sont liées : chezeux la passion est une ruse de la Raison. 2.

Hegel procède alors à une critique de l'explication traditionnelle (celle des « maîtres d'école ») : a) Analyse : l'explication traditionnelle- voit à tort dans la passion une manie ;- inverse les rapports de cause à effet, en prenant les conséquences des actes des grands hommes pour les motifsde ces actes. Un exemple : Alexandre le Grand.b) Explication de cette "explication" des maîtres d'école : c'est leur médiocrité et leur envie de rabaisser les grandshommes qui les poussent àcondamner ces derniers d'un point de vue moral pour justifier leur médiocrité. Intérêt philosophique du texte L'intérêt philosophique de ce texte est double ; en effet :- il remet en cause la dévalorisation classique des passions en posant qu'il est possible de dégager derrière le jeuapparemment irrationnel des passions et de leur affrontement chaotique, la poursuite d'un plan rationnel et d'unprocessus intégralement intelligible ;- il pose le problème du rôle des grands hommes dans l'histoire.

Il conviendrait donc de mener une réflexion critique sur ces deux questions.

On pourra notamment s'interroger surce rôle des grands hommes, en analysant en quel sens est défendable ce que Henri Berr nommait l'« atomismehistorique » c'est-à-dire la conception de l'histoire qui pose que ce sont certains hommes exceptionnels, certainsindividus qui ont fait l'histoire, soit en raison des circonstances, soit en raison de leur personnalité spécifique.

Pource faire, on se souviendra que cette conception s'inscrit dans la difficile question de la causalité et du déterminismeen histoire :a) Si à côté des différents types de causalité et de déterminisme (biologique, économique, sociologique,psychologique, etc.), l'historien admet qu'il faut bien laisser une certaine place au hasard, comme le voulait Cournot,alors on peut concevoir que certains hommes font effectivement, dans une certaine mesure, l'histoire.Selon Cournot, en effet, il existe dans le monde des phénomènes ordonnés, des systèmes, mais le monde lui-mêmen'est pas un système.

À côté de ces systèmes gouvernés par des lois (économiques, sociologiques, etc.), il existedes accidents dus au hasard, lequel est un désordre ou une absence d'ordre, c'est-à-dire l'intersection de sériescausales de phénomènes indépendants.

Chacune de ces séries obéit à un déterminisme rigoureux, mais leurrencontre échappe à toute loi.

Les grands hommes constitueraient pour ainsi dire un de ces "lieux" privilégiés derencontre qui orientent l'histoire.Dira-t-on qu'il y a une immense disproportion entre l'individu et l'Histoire, que donc aucun grand homme ne sauraitréellement la faire ? On répondra qu'« une dose infinitésimale d'un virus peut détruire un organisme ; pourquoi unindividu ne serait-il pas capable de bouleverser, de transformer une société ? » b) Cependant, contre l'atomisme historique, les partisans du déterminisme général objectent que :- Le grand homme est lui-même un produit de l'histoire, puisqu'il est lui-même déterminé, que donc ce n'est pas luivéritablement qui fait l'histoire, mais l'histoire qui se fait à travers lui.- Tous les faits, tous les événements sont liés les uns aux autres : si la Révolution n'avait pas préparé les conditionssocio-politiques de l'empire, Napoléon n'aurait pu l'établir.- Les individus expriment, manifestent l'histoire, mais ils ne sont nullement irremplaçables : si Newton n'avait pasdécouvert la gravitation universelle, un autre l'eût fait à sa place, et vers la même époque (on observe en effet queles découvertes sont souvent faites à peu près simultanément mais indépendamment par plusieurs personnes) ; siJules César n'avait pas existé, l'établissement de l'empire romain aurait néanmoins eu lieu, etc. c) La position de Hegel peut être considérée d'une certaine manière comme une synthèse de ces deux thèses,puisque selon lui ce sont bien les grands hommes qui font l'Histoire mais en tant qu'instruments de l'Histoire. Mais, sans doute faut-il se ranger à l'avis de R.

Aron, qui estimait que cette controverse traditionnelle théoriquesur le rôle des grands hommes dans l'histoire est sans doute sans issue.

Car « tant que l'on s'en tient aux formulesabstraites, on parvient à justifier aussi bien le déterminisme que le culte des héros.

Il faut analyser l'individu et lasituation pour préciser ce que la réalité doit finalement à celle-ci et à celui-là.

Or, cette analyse (du même type quetoute enquête causale historique) doit être reprise à neuf dans chaque cas : le problème ne comporte pas desolution générale, il n 'est même pas authentiquement philosophique puisqu 'il relève de la recherche scientifique.

»(Introduction à la philosophie de l'histoire, p.

181).. »

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