HEGEL: Passions-histoire
Publié le 23/04/2005
Extrait du document
«
ont dit les premiers ce que les hommes veulent [...] Il serait vain de résister à ces personnalités historiques parcequ 'elles sont irrésistiblement poussées à accomplir leur œuvre.
Il appert par la suite qu'ils ont eu raison, et lesautres, même s'ils ne croyaient pas que c'était bien ce qu'ils voulaient, s'y attachent et laissent faire.
Car l'œuvredu grand homme exerce en eux et sur eux un pouvoir auquel ils ne peuvent pas résister, même s'ils le considèrentcomme un pouvoir extérieur et étranger, môme s'il va à /'encontre de ce qu'ils croient être leur volonté.
Car l'Espriten marche vers une nouvelle forme est l'âme interne de tous les individus ; il est leur intériorité inconsciente, que lesgrands hommes porteront à la conscience.
»Remarque.
On voit que, pour Hegel, chez les grands hommes passion et réalisation de l'Universel sont liées : chezeux la passion est une ruse de la Raison.
2.
Hegel procède alors à une critique de l'explication traditionnelle (celle des « maîtres d'école ») :
a) Analyse : l'explication traditionnelle- voit à tort dans la passion une manie ;- inverse les rapports de cause à effet, en prenant les conséquences des actes des grands hommes pour les motifsde ces actes.
Un exemple : Alexandre le Grand.b) Explication de cette "explication" des maîtres d'école : c'est leur médiocrité et leur envie de rabaisser les grandshommes qui les poussent àcondamner ces derniers d'un point de vue moral pour justifier leur médiocrité.
Intérêt philosophique du texte
L'intérêt philosophique de ce texte est double ; en effet :- il remet en cause la dévalorisation classique des passions en posant qu'il est possible de dégager derrière le jeuapparemment irrationnel des passions et de leur affrontement chaotique, la poursuite d'un plan rationnel et d'unprocessus intégralement intelligible ;- il pose le problème du rôle des grands hommes dans l'histoire.
Il conviendrait donc de mener une réflexion critique sur ces deux questions.
On pourra notamment s'interroger surce rôle des grands hommes, en analysant en quel sens est défendable ce que Henri Berr nommait l'« atomismehistorique » c'est-à-dire la conception de l'histoire qui pose que ce sont certains hommes exceptionnels, certainsindividus qui ont fait l'histoire, soit en raison des circonstances, soit en raison de leur personnalité spécifique.
Pource faire, on se souviendra que cette conception s'inscrit dans la difficile question de la causalité et du déterminismeen histoire :a) Si à côté des différents types de causalité et de déterminisme (biologique, économique, sociologique,psychologique, etc.), l'historien admet qu'il faut bien laisser une certaine place au hasard, comme le voulait Cournot,alors on peut concevoir que certains hommes font effectivement, dans une certaine mesure, l'histoire.Selon Cournot, en effet, il existe dans le monde des phénomènes ordonnés, des systèmes, mais le monde lui-mêmen'est pas un système.
À côté de ces systèmes gouvernés par des lois (économiques, sociologiques, etc.), il existedes accidents dus au hasard, lequel est un désordre ou une absence d'ordre, c'est-à-dire l'intersection de sériescausales de phénomènes indépendants.
Chacune de ces séries obéit à un déterminisme rigoureux, mais leurrencontre échappe à toute loi.
Les grands hommes constitueraient pour ainsi dire un de ces "lieux" privilégiés derencontre qui orientent l'histoire.Dira-t-on qu'il y a une immense disproportion entre l'individu et l'Histoire, que donc aucun grand homme ne sauraitréellement la faire ? On répondra qu'« une dose infinitésimale d'un virus peut détruire un organisme ; pourquoi unindividu ne serait-il pas capable de bouleverser, de transformer une société ? »
b) Cependant, contre l'atomisme historique, les partisans du déterminisme général objectent que :- Le grand homme est lui-même un produit de l'histoire, puisqu'il est lui-même déterminé, que donc ce n'est pas luivéritablement qui fait l'histoire, mais l'histoire qui se fait à travers lui.- Tous les faits, tous les événements sont liés les uns aux autres : si la Révolution n'avait pas préparé les conditionssocio-politiques de l'empire, Napoléon n'aurait pu l'établir.- Les individus expriment, manifestent l'histoire, mais ils ne sont nullement irremplaçables : si Newton n'avait pasdécouvert la gravitation universelle, un autre l'eût fait à sa place, et vers la même époque (on observe en effet queles découvertes sont souvent faites à peu près simultanément mais indépendamment par plusieurs personnes) ; siJules César n'avait pas existé, l'établissement de l'empire romain aurait néanmoins eu lieu, etc.
c) La position de Hegel peut être considérée d'une certaine manière comme une synthèse de ces deux thèses,puisque selon lui ce sont bien les grands hommes qui font l'Histoire mais en tant qu'instruments de l'Histoire.
Mais, sans doute faut-il se ranger à l'avis de R.
Aron, qui estimait que cette controverse traditionnelle théoriquesur le rôle des grands hommes dans l'histoire est sans doute sans issue.
Car « tant que l'on s'en tient aux formulesabstraites, on parvient à justifier aussi bien le déterminisme que le culte des héros.
Il faut analyser l'individu et lasituation pour préciser ce que la réalité doit finalement à celle-ci et à celui-là.
Or, cette analyse (du même type quetoute enquête causale historique) doit être reprise à neuf dans chaque cas : le problème ne comporte pas desolution générale, il n 'est même pas authentiquement philosophique puisqu 'il relève de la recherche scientifique.
»(Introduction à la philosophie de l'histoire, p.
181)..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Hegel et le rôle des passions dans l'Histoire
- HEGEL: les passions et l'Histoire
- On peut appeler ruse de la Raison le fait que celle-ci laisse agir à sa place les passions, en sorte que c'est seulement le moyen par lequel elle parvient à l'existence qui éprouve des pertes et subit des dommages. Hegel, La Raison dans l'histoire, 10/18, p.129. Commentez cette citation.
- LEÇONS SUR L’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE, Georg Wilhelm Friedrich Hegel - résumé de l'oeuvre
- LEÇONS SUR LA PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE, Georg Wilhelm Friedrich Hegel - résumé de l'oeuvre