HEGEL: les passions et l'Histoire
Publié le 25/04/2005
Extrait du document
QUESTIONNAIRE INDICATIF
• Quelle est la fonction du premier paragraphe ? - Quelle attitude cela peut expliquer — selon Hegel — si ce n'est justifié ? • Pourquoi disons-nous, selon Hegel, « II en a été ainsi; c'est le destin; on n'y peut rien changer «? - Convient-il de distinguer entre : « pour la rendre supportable « et « pour nous arracher à son emprise «? • Y a-t-il contradiction entre la dernière phrase et le reste du texte ? (Cf. « la question se pose nécessairement «). Importance de la notation : « dans la mesure où l'histoire nous apparaît pour... «? • Quel est l'enjeu de ce texte ? Faire apparaître « la caducité en général et se lamenter « ? Justifier l'idée de « destin «? Justifier une position « égoïste « (ou « altruiste «)? Ou d'autre chose ? Qu'est-ce que Hegel veut faire apparaître ? • Sur quel(s) présupposé(s) surgit sa question fondamentale ? • En quoi ce texte présente-t-il un intérêt philosophique ?
«
individuelles, maintenant, c'est l'histoire abstraite qui commande et nous considère comme des spectateurs («l'histoire nous met devant les yeux »).
Les personnages du théâtre deviennent des entités : le mal, la corruption desmœurs (« l'iniquité »).
Le décor : la ruine des empires.
L'histoire, avec ses ruines, est toujours plus forte quel'homme avec ses empires.
Enfin nous entendons les plaintes bruyantes (« les lamentations ») des individus quipleurent sur la ruine de leurs cités, tout comme Jérémie pleurait sur la destruction de Jérusalem par les Chaldéens.La contagion des cris de douleur, présents ici-même (« nous l'entendons »), est plus forte que le spectacle.
Nous-mêmes ne pouvons « qu'être remplis de tristesse ».
C'est le moment de la réflexion, nourrie des mouvementsprécédents, exprimant la pensée la plus générale : tout menace d'être ruiné.
Cette « pensée de la caducité engénéral » reprend de manière laïque « la vanité des vanités, tout est vanité » de L'Ecclésiaste.Le second mouvement nous conduit à l'affliction morale.
Il désigne les acteurs de l'histoire, d'une part la nature,d'autre part les hommes (avec leur volonté du mal).
D'où un double sentiment humain, d'une part l'affliction morale,d'autre part une révolte.
Il est possible de faire autrement.
Certes nous pouvons pleurer sur les ruines provoquéespar une nature à la fin toujours plus forte que l'homme, mais pour ce qui est de l'homme, et de ses exactions, uneautre histoire est sans doute possible.Bien qu'un instant nous puissions en douter (« si tant est »), le spectacle du monde ne nous a-t-il pas appris qu'iln'y a pas, dans tout ce que nous avons vu, d'esprit du bien.
Alors échapperions-nous à la règle commune.
Oui, sansdoute, les sentiments qui sont les nôtres (tristesse, affliction, douleur) témoignent de notre moralité.Le troisième mouvement, où nous passons du spectacle au tableau, est encore plus terrifiant.
Loin de l' «exagération oratoire » - qui emporterait peut-être l'adhésion, mais qui, manipulatrice, est ici parfaitement inutile – ilsuffit, dit Hegel, seulement (« rien qu'en ») de relater (c'est le propre de l'histoire d'être une relation avecexactitude… Autrement dit, ce qui pourrait être décrit est exact.
Plus de dénonciation de la nature, commeresponsable des ruines.
Mais une accusation portée cette fois uniquement contre l'homme.
Car c'est bien uneactivité humaine qui « inflige » délibérément… Triomphe du mal, avec son cortège de malheurs, du vice sur la vertu,de la perversion contre l'innocence.
Et qui fait de l'histoire un malheur généralisé, où tout est corrompu, puisque lemal, comme la peste, porte tout aussi bien sur les personnes, sur les peuples, sur les États.
Et qui en vise « les plusbeaux échantillons ».
Rien n'est épargné, aussi rien ne saurait nous apaiser.
Au malheur le plus haut répond ladouleur la plus profonde.
2.
Mais , avec ironie, Hegel note que cette douleur, qui certes nous frappe, mais qui est relative aux souffrancesdes autres, dans le passé, ne nous laisse pas sans voix.
Elle ne nous empêche pas de formuler en nous-mêmes lessentences toutes faites du sens commun.
Car ce spectacle, tout horrible qu'il fut, nous n'y participons pas, il étaitpensé, plutôt que vu.
Et, en fin de compte, c'est cette pensée seulement (« cette douloureuse réflexion ») qui étaitpénible.
Les sentences (prononcées en forme d'épitaphes) viennent déjà atténuer les choses.Formulation creuse qui ne fait rien que répéter ce qui est déjà : « il en a été ainsi ».
Invocation d'une force plusforte que nous, qui nous déresponsabilise : ce n'est pas nous, « c'est le destin ».
Démission avouée : « on n'y peutrien changer ».
Que le monde continue dans le futur comme il a été dans le passé.D'ailleurs le monde nous appelle, mais un autre monde, non pas celui, terrible, de l'histoire universelle, mais celuiterre à terre, lié strictement à la sphère de nos activités actuelles (« présentes »).
Celui dont nous sommes lecentre : nos affaires, nos buts, nos intérêts.
Monde quotidien qui s'oppose par sa tranquillité aux troubles del'histoire, qui se manifeste par sa proximité contraire au lointain des désastres (« la masse des ruines »), quis'impose par la clarté de son évidence si différente de la confusion de tout le reste.Ce contraste entre notre histoire universelle est si fort que, nous prenant pour le centre de tout (ce qui définitl'égoïsme), nous venons à « considérer » cet autre monde, comme quelque chose de lointain, qui se situe ailleurs,d'où l'idée de spectacle.
Tout à l'heure il nous effrayait (mais nous effrayait-il vraiment tant que cela ?), maintenantnous en jouissons.
Cela se passe si loin dans le temps, si loin dans l'espace.
De l'autre côté.
Tout un fleuve, touteune mer nous sépare de cela.
On songe aux vers de Lucrèce : « Il est doux, quand la vaste mer est soulevée par lesvents, d'assister du rivage à la détresse d'autrui.
»Mais est-ce bien le même homme qui est capable de jeter un regard sur l'histoire du monde extérieur, et qui enmême temps, incapable de rien comprendre, s'enferme dans son monde intérieur ?
HEGEL (Friedrich-Georg-Wilhelm).
Né à Stuttgart en 1770, mort à Berlin en 1831. Il fit des études de théologie et de philosophie à Tübingen, où il eut pour condisciples Hölderlin et Schelling.
Il futprécepteur à Berne de 1793 à 1796, puis à Francfort de 1797 à 1800.
En 1801, il devient privat-dozent à l'Universitéd'Iéna puis, les événements militaires interrompirent son enseigne- ment, et il rédigea une gazette de province.
En1808, il fut nommé proviseur et professeur de philosophie au lycée classique de Nuremberg.
De 1816 à 1818, ilenseigna la philosophie à l'Université de Heidelberg ; enfin.
à Berlin, de 1818 à sa mort.
due à une épidémie de.
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