HEGEL: Le sensible dans l'art
Publié le 26/04/2005
Extrait du document
L'idée principale de ce texte est de soutenir que l'art poursuit des « intérêts spirituels supérieurs « à travers le traitement qu'il fait subir au sensible, ce terme désignant l'ensemble de ce qui est accessible aux cinq sens. Hegel développe sa thèse en plusieurs étapes. Dans un premier temps, jusqu'à « au chaud, au lisse «, il montre que l'art ne sollicite que la vue et l'ouïe car les trois autres sens sont trop matériels. Les impressions qu'ils nous procurent ne durent pas. La sensation de l'objet, un plat, une odeur, correspond nécessairement à sa disparition.
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en chair et en os.
Ils sont métamorphosés en un jeu de lignes et de couleurs et le tableau ne peut nous faire sentirleur odeur, leur saveur ou leur douceur au toucher.
La vue et l'ouïe permettent, au contraire, de se détacher de lamatérialité de la chose.
Certes, on pourrait faire remarquer qu'un son et une couleur sont aussi des qualitéssensibles.
Cependant, ces deux sens sont plus abstraits et s'exercent à distance.
La vue laisse subsister ce qu'elleperçoit, et si le son s'évanouit, la mémoire le recueille.
Un musicien entend ce qu'il lit ou écrit.
C'est pour cetteraison que ces deux sens ont, seuls, droit de cité dans l'art.
Les trois autres ne permettent pas à l'esprit de franchirle pas entre la présence physique de l'objet et sa représentation par l'esprit dans un « royaume d'ombres, deformes, de tonalités.
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b) L'agréable est, dans sa définition générale, le plaisir pris à l'expérience d'une qualité sensible.
Il exprime en prioritéune jouissance matérielle.
Platon le rattache ainsi aux « aphrodisia », aux plaisirs de la sensualité.
Remarquons quececi privilégie la sensibilité naturelle, immédiate, celle qui résiste à l'intellectualisation.
Par exemple, nous dirons sanspeine qu'un vin ou une senteur sont agréables.Le beau est une élévation, au sens où il propose des satisfactions plus raffinées.
Nous avons vu pourquoi Hegel nele juge accessible qu'à la vue et l'ouïe.
L'art vivant de représentations, le beau implique une attention portée à lacomposition de ce qui se donne à voir ou à entendre.
Un homme cultivé, éduqué par la fréquentation des oeuvres,apprend à distinguer la façon dont l'artiste élabore son sujet afin d'engendrer des émotions qui font « naître unerésonance dans les profondeurs de la conscience ».
Le plaisir pris à la contemplation ou à l'audition est donc filtrépar un long travail dont l'appréciation développe notre propre sensibilité.
- Question 3
L'explicitation des distinctions que propose ce texte conduit à vouloir cerner de plus près la nature du plaisir pris àune oeuvre d'art.
Ce sujet est difficile en raison du poids de l'opinion qui soutient que les goûts et les couleurs ne sediscutent pas.
Chacun apparaît donc fondé à réagir en fonction de son sentiment et toute volonté de hiérarchisersemble dogmatique.
Cependant, nous avons vu que l'oeuvre d'art est une représentation selon des règles àapprécier.
La satisfaction qu'elle nous procure n'est donc pas quelconque.
Qu'est-ce qu'un plaisir esthétique ?L'étymologie de ce terme fournit matière à réflexion.
En effet, il provient du grec « aisthêtikos » qui signifie lasensation.
L'art existe donc bien sous le signe du sensible.
La sensation est le produit d'une rencontre entre lesentant et le senti.
Ceci met d'abord en valeur l'aspect sensuel du plaisir, celui qui correspond à l'agréable.
Il estvrai que certaines oeuvres sont jugées exquises, délicieuses car la sensualité n'en est pas absente.
Une sculpturepeut déclencher une émotion érotique, une musique nous griser.
L'art n'est pas un monde d'idées pures, séparées ouséparables de leur présentation sensible.
L'allégresse qui nous saisit à l'écoute d'une mélodie fait corps avec elle.Elle croît en nous au fur et à mesure que nous l'écoutons.
Pensons au célèbre Hymne à la joie de Beethoven.L'activité artistique ne consiste pas à illustrer des théories.
Dans Le temps retrouvé, Proust le dit avec ironie, enaffirmant que cela reviendrait à offrir un objet en laissant le prix dessus.Cependant, la présence indispensable de la dimension sensible n'annule pas toute distinction quant à la nature duplaisir esthétique.
En effet, le plaisir naturel s'éprouve dans la consommation de son objet.
La chaleur bienfaisanteimplique que quelque chose soit en train de brûler donc de disparaître.
Or l'art n'est possible que si ses objetssubsistent.
C'est pourquoi la sensualité reste toujours liée à une dimension spirituelle qui apparaît comme sanégation.
En effet, l'art ne s'adresse pas à notre désir naturel car celui-ci a pour but de s'emparer de ce qu'il visepour supprimer le manque qui l'a fait naître.
Comme le dit Hegel dans un passage de son Esthétique, l'homme qui afaim ne veut pas qu'on lui montre des représentations d'animaux mais de la viande à consommer.
Par rapport à cela,l'art produit des apparences.
Il dématérialise ce qu'il montre car il cherche à manifester des valeurs spirituelles.
Lasensualité s'affine et devient sensibilité aux manifestations de la pensée.
Nous parlions de la joie, mais toutes lespassions peuvent être ainsi convoquées et le grand art exprime la vie d'un peuple, ses espoirs de liberté, sessouffrances.
Dès lors, les formes ou les sonorités sont l'expression d'un sens en lui-même invisible, et l'artiste, parson travail, clarifie notre perception.
Hegel a soutenu ainsi que les Madones des peintres italiens font apparaître auxyeux de tous l'essence de l'amour maternel.En conclusion, nous dirons que ce qui nous plaît dans une oeuvre est l'unité d'une forme sensible et d'un contenuspirituel.
Nous éprouvons la force d'une signification.
Cette satisfaction implique la sensibilité mais celle-ci s'élève àla manifestation d'une vérité qui ne disparaît pas comme un simple objet de la sensation.
HEGEL (Friedrich-Georg-Wilhelm).
Né à Stuttgart en 1770, mort à Berlin en 1831. Il fit des études de théologie et de philosophie à Tübingen, où il eut pour condisciples Hölderlin et Schelling.
Il futprécepteur à Berne de 1793 à 1796, puis à Francfort de 1797 à 1800.
En 1801, il devient privat-dozent à l'Universitéd'Iéna puis, les événements militaires interrompirent son enseigne- ment, et il rédigea une gazette de province.
En.
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