HEGEL et la Critique de Kant
Publié le 22/02/2012
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En second lieu (Or, bien que...
des antinomies), entre Kant et Hegel cette fois, sur le statut des antinomiescomme telles, il y a la même opposition qu'entre le simplement négatif et le positif, qu'entre l'inconnaissable etle vraiment connu.
Vient alors (Or, la signification...
--> déterminations opposées) l'explicitation de la thèse hégélienne, indiquant ce qu'il faut approfondir s'il s'agitde faire un bon usage des antinomies — à savoir, ce que signifie : concevoir un objet.
Mais ici, nous sommes au coeur de la philosophie de Hegel.
3.
Pour y accéder, il faut donc passer par les antinomies kantiennes.
Rappelons très brièvement comment elless'articulent et quels en sont les thèmes.
Dans la forme systématique d'un antagonisme où chaque thèse exclutson antithèse — et réciproquement — en même temps qu'elle la requiert, Kant soutient successivement :
que le monde est fini / infini dans l'espace et le temps, a. qu'il est divisible / indivisible en parties simples, b. qu'il y a / qu'il n'y a pas une causalité libre pour l'explication de ses phénomènes, c. qu'il implique / n'implique pas un être absolument nécessaire. d.
Chacune de ces affirmations (ou négations) pouvant être prouvée, nous avons là quatre conflits des idées transcendantales, conflits de la raison avec elle-même, issus de sa prétention à se donner l'intégralité de la série des conditions des phénomènes, à embrasser « l'absolue totalité de l'ensemble des choses existantes » — c'est-à-dire, justement, ce qu'on appelle le « monde », d'où le cadre cosmologique de cette « antithétique », comme Hegelnous le remémore au passage 1.
Et c'est vrai, comme Hegel le rappelle encore, que ces « quatre idées cosmologiques » procèdent des « quatre titres des catégories » de l'entendement (quantité, qualité, relation,modalité) dont Kant a dressé la tableau dans son Analytique transcendantale .
A la forme générale de cette antinomie, Hegel reconnaît donc le mérite fondamental d'attester qu'il y a un rapport consubstantiel entre la nature de la pensée et l'inéluctable de la contradiction (et c'est bien ce qu'estl'antinomie, si se contredire, c'est dire que A et non-A sont également vrais) dès lors que la pensée ne s'arrêteplus aux limites des choses finies.
Dans l'antinomie, la vérité n'est plus « soit A», « soit non-A», disjoints l'unde l'autre par le principe de (non) contradiction — mais l'inséparabilité (l'unité de fait) des deux déterminationsopposées; et l'essence de la pensée ne consiste plus dans l'adhésion (fixe) à l'une ou l'autre, mais se vérifiedans ce mouvement nécessaire qu'est le passage de l'une à l'autre, malgré la preuve de chacune, et dans latension de cette coexistence.
On comprend que cette inquiétude de la pensée signifie l'élimination du dogmatisme, si le dogme est fait d'assertions exclusives de leur contraire.
Et si l'histoire de la philosophie(depuis que la métaphysique dogmatique a refoulé ou recouvert la leçon de Parménide et d'Héraclite) s'estproduite sous la conduite d'une raison elle-même assujettie au modèle de la mathématique, et placée sous lesigne du principe de contradiction qui la gouverne, on comprend aussi que le mérite de Kant soitincontestablement historique.
4.
Reste que, philosophiquement, l'oeuvre de Kant, aux yeux de Hegel, est restée inachevée.
Donnons-en tout de suite la raison, qui s'esquisse, bien que très allusivement, dans notre texte : dans sa critique de la raison, Kant estdemeuré prisonnier de la pensée d' entendement, celle-là même qui « maintient ferme dans la séparation ».
De là vient que, tout en « renvoyant au mouvement dialectique de la pensée », il n'a eu qu'une vue négative sur la dialectique comme telle.
De fait, Kant n'a voulu y voir qu'une « logique de l'apparence », provenant de « l'illusion d'une extension de l'entendement pur » (de ses catégories, citées supra), prenant « la nécessité subjective d'une liaison de nos concepts exigée par l'entendement, pour une nécessité objective de la détermination des choses ensoi » — illusion « naturelle » et « inévitable » toutefois, qui fait qu'il y a pour Kant une dialectique « naturelle etinévitable », propre à l'usage de la raison, qu'il faut constamment dissiper sans pouvoir jamais l'annuler 3.
Pour comprendre la critique de Hegel, replaçons-nous alors au plan le plus « technique » : dans cette « logique del'apparence », comment trouverait-on autre chose que de simples apparences de preuves et l'apparence d'unemédiation? En un sens, tout est là : dans l'antithétique kantienne, le principe de contradiction et sa puissance dedisjonction continuent de faire la loi, l'entendement continue d'opérer sous le couvert de la raison, car la démarchey est apagogique (le raisonnement s'y fait « par l'absurde » : chaque argument ne se prouve que par l'impossibilitéde sa contradictoire, dans une circularité qui réduit chacun à n'être, en dernière analyse, que sa propreréaffirmation — d'où la redondance).
Sous le mouvement dialectique subsiste, chez Kant, la ferme séparation que l'entendement a établie entre lesujet de la connaissance et l'en-soi des choses, qui n'est précisément dépassable, pour lui, que dans une «illusion » (transcendantale); une séparation qui explique que la dialectique, inséparable de l'activité de la raison, si elle est objectivée dans la révélation des antinomies, demeure proprement subjective, enfermée dans les bornes de la subjectivité finie, face à l'objectivement inconnaissable...
On voit mieux, maintenant, ce quevise la critique hégélienne du criticisme kantien : le pouvoir de l'entendement; et à quoi elle aspire : à libérerde cette tutelle qui ne maintient que dans l'apparence le mouvement dialectique, c'est-à-dire, en effet, lepropre de la raison (voire : la Raison elle-même).
Il s'agit bien, en niant le simplement négatif de la position kantienne, de produire la vraie positivité de la dialectique,que l'antinomie n'expose, chez Kant, que pour critiquer la Raison; en supprimant la séparation entre la pensée etl'être des choses, et pour commencer entre toutes les déterminations finies, de rendre possible la connaissance de l'in-fini; en faisant naître, de la contradiction elle-même, la médiation (le passage effectif de l' un dans l'autre qui, tout en conservant les marques de la finitude, déplace ses limites et supprime ses bornes, dans un enchaînement.
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