Hegel, Esthétique, introduction (Traduction S. Jankélévitch, Aubier-Montaigne, 1964, tome I)
Publié le 11/04/2012
Extrait du document
« S' il est un fait qu'on ne saurait contester, c'est que l'esprit possède le pouvoir de se considérer lui-même, qu'il est doué d'une conscience qui le rend capable de se penser lui-même et tout ce qui jaillit de lui C'est qu'en effet la pensée constitue la nature la plus intime et essentielle de l'esprit. Par cette conscience pensante qu'il a de lui-même et de ses produits, quelle que soit l'apparence de liberté et même d'arbitraire que puissent présenter ceux-ci, l'esprit, s'il y est vraiment immanent, se comporte conformément à son essence et à sa nature. Or, l'art et ses oeuvres, en tant que jaillis de l'esprit et engendrés par lui, sont eux-mêmes de nature spirituelle, alors même que leur représentation affecte une apparence sensible, si cette apparence est pénétrée d'esprit. Sous ce rapport déjà, l'art est plus proche de l'esprit et de sa pensée que la nature extérieure, inanimée et inerte; l'esprit ne retrouve que lui-même dans les produits de l'art. Et alors même qu'une oeuvre d'art, au lieu d'exprimer pensées et concepts, représente le développement du concept à partir de lui-même, une aliénation vers le dehors, l'esprit possède le pouvoir non seulement de s'appréhender lui-même sous la forme qui lui est propre et qui est celle de la pensée, mais aussi de se reconnaître comme tel dans son aliénation sous la forme du sentiment et de la sensibilité, bref de s'appréhender dans cet autre lui-même; et il le fait en transformant cette forme aliénée en pensée et en la ramenant ainsi à ainsi à lui-même. En se comportant ainsi à l'égard de cet autre que lui-même, l'esprit, loin de se rendre infidèle à ce qu'il est réellement, loin de s'oublier et de s'effacer ou de se montrer incapable de saisir ce qui diffère de lui-même, appréhende au contraire et lui-même et son contraire. Le concept est en effet l'universel qui subsiste dans ses manifestation particulières, qui déborde sur lui-même et sur l'autre que lui-même et possède ainsi le pouvoir et l'activité nécessaires pour supprimer l'aliénation qu'il s'est imposée. C'est pourquoi l'oeuvre d'art, dans laquelle la pensée s'aliène d'elle-même, fait partie du domaine de la pensée conceptuelle, et l'esprit, en la soumettant à l'examen scientifique, ne fait que satisfaire le besoin de sa nature la plus intime. La pensée étant ce qui constitue son essence et son concept, l'esprit n'est satisfait que lorsqu'il a pénétré de pensée tous les produits de son activité et les a ainsi faits vraiment siens.«
«
s'effacer ou de se montrer incapable de saisir ce qui diffère de lui-même, appré
hende au contraire et lui-même et son contraire.
Le concept est en effet l'universel
qui subsiste dans ses manifestation particulières, qui déborde sur lui-même
et
sur l'autre que lui-même et possède ainsi le pouvoir et l'activité nécessaires pour
supprimer l'aliénatio n qu'il s'est imposée.
C'est pourquoi l'œuvre d'art, dans
laquelle la pensée s'aliène d'elle-même, fait partie du domaine de la pensée concep
tuelle,
et l'esprit, en la soumettant à l'examen scientifique, ne fait que satisfaire le
besoin de sa nature la plus intime.
La pensée étant ce qui constitue son essence
et son concept, l'esprit n'est satisfait que lorsqu'il a pénétré de pensée tous
les
produits de son activité et les a ainsi faits vraiment siens.»
La philosophie s'affirme comme réflexion sur toutes les productions
humaines.
Le mot «esprit» peut alors servir à désigner non quelque puis
sance mystérieuse inassignable dans la matière, mais l'activité créatrice et
productrice de l'humanité, voire la culture qui en est tout à la fois la condi
tion et le résultat.
Art, science, religion, philosophie, disent quelque chose
de la variation de cette activité et de ses modalités.
Comment comprendre,
notamment, le statut propre de l'art au regard de l'esprit et de cette
«conscience pensante» qu'il a de lui-même?
Un texte tout à fait fécond de Hegel, qui permet d'envisager le rapport
entre l'art et la« pensée conceptuelle» autrement qu'en termes d'extériorité
ou d'étrangeté pure et simple.
Le rapport entre le sensible et l'esprit est
lui-même esprit dans cette médiation remarquable qu'est l'art.
D'où
l'effort à accomplir pour reconnaître l'esprit dans les productions artistiques
de chaque époque et de chaque grand type d'activité artistique.
La philo
sophie esthétique vise à ce savoir de soi de l'esprit dans les œuvres par
lesquelles il advient à lui-même..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Hegel, Esthétique (1835), traduit par S. Jankélévitch, Éd. Flammarion, coll. « Champs », 1979, tome III p. 31.
- "l'introduction a l'esthétique " de HEGEL
- «Esthétique », d’Hegel Introduction La conscience est une faculté qui permet d’être maître de ses actes tout en sachant ce que l’on fait.
- Explication de Texte : Hegel, Introduction à l'esthétique.
- Commentaire de texte : HEGEL, Introduction à l’esthétique