Hegel: Est-on libre de changer le monde ?
Publié le 17/03/2006
Extrait du document
«
de conscience », qu'il est conscience de soi.
Mais pour que la conscience de soi échappe au vide de la puretautologie : Je = Je (cf.
Phénoménologie de l'esprit, IV, I), elle doit avoir un contenu.
L'homme va donc prendreconscience de lui-même en prenant conscience de son être intérieur, des mouvements de son âme, de sessentiments.• En faisant de son être propre l'objet de sa conscience, il « en fait un objet pour soi » c'est-à-dire un objet à part,séparé de lui, un objet pour sa conscience.
Ainsi il se scinde, « il se dédouble », il se place en face de lui-même, «de ce qu'il est d'une façon générale ».
(L'homme en effet est un être générique, c'est-à-dire qu'en se pensant lui-même, l'homme individuel s'élève au-dessus de son individualité subjective et reconnaît en lui l'universel objectif queconstitue l'Homme, ou le genre humain, dont chaque homme est individuellement le représentant.) En tant donc quel'homme est conscience de soi, qu'il se pense lui-même, il se pose lui-même comme objet.
Il est par conséquentdoublement : en soi et pour soi, tandis que les choses de la nature, qui sont dépourvues de conscience, sontsimplement en soi.• Cet être-pour-soi, l'homme veut l'objectiver, le matérialiser dans les choses extérieures afin de l'offrir nonseulement à sa propre contemplation, mais aussi à celle des autres consciences.• Ainsi c'est ce besoin, cette volonté d'extérioriser l'être-pour-soi dans la forme d'un objet qui est la sourceuniverselle de l'art.
(Cet objet, note Hegel, sera d'abord le corps même de l'homme : par les peintures dont il secouvre, les tatouages, les mutilations, qui sont à mettre au nombre des premières manifestations artistiques,l'homme modèle son corps en inscrivant son être-pour¬soi sur et dans sa chair même.) Dans l'art donc, l'hommeextériorise immédiatement le fait d'être un être-pour-soi, c'est-à-dire une conscience, mais il tente aussid'extérioriser ce qu'est son être-pour-soi, c'est-à-dire le contenu de cette conscience.• Texte tiré de l'Esthétique, Introduction, II, 1 (coll.
Champs, I, p.
61).
HEGEL (Friedrich-Georg-Wilhelm).
Né à Stuttgart en 1770, mort à Berlin en 1831. Il fit des études de théologie et de philosophie à Tübingen, où il eut pour condisciples Hölderlin et Schelling.
Il futprécepteur à Berne de 1793 à 1796, puis à Francfort de 1797 à 1800.
En 1801, il devient privat-dozent à l'Universitéd'Iéna puis, les événements militaires interrompirent son enseigne- ment, et il rédigea une gazette de province.
En1808, il fut nommé proviseur et professeur de philosophie au lycée classique de Nuremberg.
De 1816 à 1818, ilenseigna la philosophie à l'Université de Heidelberg ; enfin.
à Berlin, de 1818 à sa mort.
due à une épidémie decholéra.
Peu de philosophes ont eu une influence aussi considérable que celle qu'exerça Hegel.
Peu aussi furent plussystématiques dans l'expression de leur pensée.
L'idéalisme hégélien part d'une conception de la totalité.
Le Toutest l'unité des opposés, la non-contradiction.
Mais la réalité est contradictoire, parce qu'elle est vivante, et viceversa.
L'étude du développement des notions universelles qui déterminent la pensée, constitue la logique.
Réel etrationnel (la réalité est raisonnable et le raisonnable est réel), être et pensée, se concilient dans l'idée, principeunique et universel.
L'idée, c'est l'unité de l'existence et du concept.
« Nous réserverons l'expression Idée auconcept objectif ou réel, et nous la distinguerons du concept lui-même, et plus encore de la simple représentation.» Le développement de l'Idée détermine l'être.
La science étudie ce développement la logique en précise les lois, quisont la contradiction et la conciliation des contraires.
Le mouvement de l'idée, qui se traduit par la marche de lapensée, procède par trois étapes successives : la thèse, l'antithèse qui est sa proposition con- traire, et lasynthèse, qui concilie les deux, les dépasse.« La synthèse, qui concilie les opposés, ne les nie pas.» Ce mouvementde la pensée est la dialectique.
Le développement dialectique de l'idée engendre la Nature (qui est le développe-ment du monde réel extérieur à l'idée) et l'Esprit ; il explique l'ordre et la suite nécessaire des choses.
La philosophiede l'Esprit, selon Hegel, se divise en trois parties : l'esprit subjectif (anthropologie, phénoménologie, psychologie),l'esprit objectif (droit, moralité, moeurs) et l'esprit absolu (art, religion, philosophie).
L'Esprit est l'intériorisation de laNature.
On retrouve dans les trois notions d'Idée, de Nature et d'Esprit, le schéma parfait de la dialectique.
L'Idéeest la pensée absolue, pure et immatérielle.
La Nature est sa dissolution, dans l'es- pace et dans le temps.
L'Espritest le retour de l'absolu sur lui-même ; il devient la pensée existant pour elle-même.
Hegel définit l'histoire « ledéveloppement de l'esprit universel dans le temps ».
L'État représente alors l'idée ; les individus ne sont que lesaccidents de sa substance.
Les guerres conduisent à la synthèse, qui est la réalisation de l'idée.
L'histoire a un sensdernier, auquel contribuent le passé et le présent.
Ce qui réussit est bien.
La force est le symbole du droit.
C'estcertainement par sa philosophie de l'histoire —« la philosophie est compréhension du devenir » — que Hegel a laissélibre cours aux plus diverses interprétations.
L'hégélianisme de droite (représenté de nos jours par M.
H.
Niel)effectue un retour vers un théisme chrétien traditionnel ; c'est le courant qui se développa surtout en Angleterre,avec Bradley et Boyce.
L'hégélianisme de gauche (que M.
A.
Kojève représente actuellement) s'est orienté versl'athéisme.
Il connut une grande faveur en Allemagne et en Russie, avec Feuerbach, Karl Marx et A.
Herzen.
On peutdire que les chrétiens traditionnels, les athées, les conservateurs, les socialistes, les humanitaristes ou lesrévolutionnaires se réclament tous de Hegel..
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