Hannah Arendt et les origines du totalitarisme
Publié le 16/04/2024
Extrait du document
«
Un constat : le XXème siècle voit l’avènement du totalitarisme
Arendt part d’un constat : au XXème siècle sont apparues des formes étatiques
inédites comme les régimes communistes et nazis, lesquelles constituent une nouvelle
forme de despotisme baptisée totalitarisme, véritable « rupture du fil de la Tradition »
dans notre histoire dont il faut rendre compte.
Il s’agit pour elle de comprendre cette apparition, non pas pour la pardonner, mais
pour se situer en tant qu’acteur dans la situation qui est la nôtre : comprendre donc
pour agir.
Entendons par totalitarisme du latin totus, le tout, l’idée que ce despotisme inédit
s’exerce dans tous les domaines, dans la sphère politique évidemment, mais aussi
s’exerce dans la vie privée, voire dans la sphère intime.
Le totalitarisme s’immisce
dans le psychisme.
Le despote est généralement la vie politique, la vie sur l’agora.
Mais pas que !
Mais aussi privée voire intime (emprise psychique) = PARTOUT
Il exerce une mainmise sur tous les individus vivant dans cet état = TOUS
Il contrôle toutes les activités de cet état, économiques, sociales, culturelles,
artistiques, spirituelles, éducatives, scolaires… = TOUT
Où enfin règne sur tout et sans partage un parti unique = UN POUR TOUS/TOUT POUR
L’UN.
Nous n’existons que par rapport au parti.
Le totalitarisme : un despotisme inédit
Le totalitarisme, s’il emploie les mêmes voies et les mêmes moyens que le
« despotisme classique », s’en distingue pourtant radicalement par les buts poursuivis
:
le despote voulait juste régner seul sans opposants dangereux, sorte de
privatisation du pouvoir politique, de confiscation de l’espace politique public
On l’a vu avec Machiavel, le despote veut conduire seul les affaires de l’Etat à son
unique profit.
Met l’Etat au service de son intérêt particulier.
A l’opposé, le totalitarisme vise à détruire complètement la dimension publique de la
politique.
C’est la mort de la conception de la politique pensée comme agora, comme
cet espace public d’échanges, de dialogue, de confrontations d’opinions.
Pour Aristote,
c’est cela la politique : le fait de se retrouver et de discuter des affaires, des lois…
plus d’échange, plus de confrontation d’idée.
-> dans un régime totalitaire, la société tout entière est dirigée par un seul
parti, le parti unique, communiste ou nazi : c’est la mort du multipartisme, et avec lui
de la liberté politique
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-> prenant sa source dans les masses, le totalitarisme vise à transformer
toute société en masse homogène, sans cesse soumise au parti, afin de ne pas tarir
sa source
Partant des masses, il s’agit pour l’état totalitaire par un cercle vertueux de produire
les masses dont il se nourrit comme on va le voir infra.
là encore la liberté individuelle est mise à mal puisqu’on condamne toute initiative
individuelle, c’est le parti seul qui dirige, il n’y a plus de politique encore.
Le parti
commande.
-> enfin, c’est l’aspect qui n’a échappé à personne, les totalitarismes
exterminent massivement leurs opposants.
Si on sort de ce cercle vertueux, on se fait exterminer.
Leur reproche éhontément d’entraver la bonne marche en avant de la société vers des
lendemains qui chantent.
Là où le despote éliminait « simplement » le chef des
opposants, au pire quelques contestataires… en termes de « quantité », c’est très
différent.
« Les éléments du totalitarisme » (et non pas cause => déterminisme)
On ne peut parler de cause dans le cadre de l’action humaine, car la cause porte en
elle l’idée de déterminisme.
Dans les actions humaines, pas de déterminisme =
d’autant plus grave dans l’émergence du totalitarisme.
La causalité (= un événement a toujours une cause) est contraire à l’histoire qui traite
du domaine de l’action et non du faire = processus dont la fin est prévue/prévisible
Parce que l’histoire traite de l’événement, elle est à ce titre imprévisible (part de
liberté, d’imprévisible, de hasard ?), les évènements éclairent leur passé mais ils ne
peuvent jamais être déduits a priori comme dans le faire.
Paradoxal : histoire
imprévisible, mais cherche à prévenir d’un avènement.
A Arendt donc de se lancer dans l’étude des conditions d’apparition du totalitarisme et
son premier constat est sans appel : les totalitarismes s’appuient tous sur des masses
Pas de masses, pas de totalitarisme !
Le propre des totalitarismes est d’obtenir la confiance des masses, de leur donner
l’envie d’organiser la vie politique mais pour ensuite les diriger selon leurs vues, c’est
une duperie ; il faut donc travailler ce concept de masse, il est central.
Sa thèse doit être ainsi formulée : pas de mouvement totalitaire sans masses même
s’il n’apparait que lorsque des masses se découvrent un appétit d’organisation
politique
Condition nécessaire = masses, mais pas condition suffisante ! les masses peuvent
demeurer inactive, sans désir de prendre en main la politique.
Condition nécessaire et suffisante = masses se découvrant un appétit
d’organisation politique, que le chef va orienter dans le sens qui les intéresse.
On
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essaye de leur faire croire qu’elles orientent leur propre destinée, alors que c’est le
chef qui dirige.
Sournoiserie.
Définition de la masse :
« Le terme de masses s'applique seulement à des gens qui, soit du fait de leur seul
nombre, soit par indifférence, soit pour ces deux raisons, ne peuvent s'intégrer dans
aucune organisation fondée sur l'intérêt commun, qu'il s'agisse de partis politiques,
de conseils municipaux, d'organisations professionnelles ou de syndicats.
» (Les
origines du totalitarisme)
Masse à entendre comme nombre = faire masse et/ou comme indifférence = noyé
dans la masse,
Non unie par un intérêt commun, aucun objectif précis, intégrée dans aucune
organisation politique ou sociale, neutre, non votante, majoritaire, présente dans tous
les pays.
Pas d’objectif.
Pas intégré à un parti, syndicat, œuvre sociale, ne vote pas =
neutre, mais est majoritaire.
Masses présentes dans tous les pays.
Il est caractéristique des totalitarismes du XXème siècle de recruter dans cette
masse en suscitant chez elle l’envie de prendre part à l’organisation politique.
Remarquons la tromperie à l’œuvre dans tout totalitarisme : aller recruter la masse
avide d’organisation sociale, alors que le totalitarisme va la priver de toute initiative
politique voire à terme de toute vie politique ! une fois intégrée dans le parti, la masse
ne choisit rien.
Ces béotiens (cf.
La Boétie) politiques sont vierges de toute pratique démocratique
parce qu’abandonnés et violemment moqués par les partis traditionnels qu’ils
n’intéressent pas.
Se révèlent lorsqu’ils se mettent à agir indifféremment aux méthodes démocratiques
habituelles et aux opposants puisque n’en faisant pas partie (parti !), ils ignorent le
jeu démocratique.
=> sans expérience démocratique, ils se convainquent que l’opposition ne se situe
pas sur le terrain politique de la raison, de l’échange d’opinions, de la discussion.
On
les a rejetés, donc ils rejetteront ceux qui appartiennent à un autre parti que le parti
unique.
Exclus du débat, ces méprisés recourent alors à ce qu’ils croient être les seuls outils
politiques à leur disposition, savoir 1) la violence et 2) la propagande (plus du tout
respectueux de la vérité) = méthodes nouvelles du totalitarisme.
Cette nouvelle façon de faire de la politique ruine les deux illusions propres à la
démocratie/multipartisme :
Illusion (étymologie, illudere, jeu, se jouer de) 1 = l’action politique : on
croyait jusque-là que le peuple prenait majoritairement part au gouvernement de
l’Etat, qu’il agissait politiquement.
Mais c’est en fait cette masse neutre et apolitique
jusque-là silencieuse et inconnue qui possède véritablement les rênes de l’action ! les
masses seules agissent, pas le peuple qui passif se contente d’être gouverné.
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Illusion 2 = la représentation : le pouvoir de cette minorité reposait en
fait sur une approbation silencieuse de la masse.
Comme elle ne disait rien, on
croyait qu’elle n’existait pas et qu’elle n’avait pas de pouvoir.
De facto le pouvoir n’appartenait donc ni aux institutions ni au peuple, mais
indirectement à cette masse (// Marx, la prise de conscience de sa classe).
On se
rend compte que les masses laissaient faire sans rien dire ! Les masses se rendent
alors compte de leur pouvoir.
=> les partis parlementaires ne représentent pas la majorité (une minorité était
donc au pouvoir en démocratie)
Reste
quand
même
à
comprendre
comment
à
partir
d’un
système
démocratique/libéral, on puisse via l’appétit des masses installer un totalitarisme
antilibéral antidémocratique !
Comment passer d’une démocratie à un totalitarisme ?
C’est la liberté qui va permettre cette transition (!!!) : certes les
« totalitaristes » savent habilement retourner la liberté contre elle-même (Hitler a été
en quelque sort élu), pour apparaître sur la scène politique.
Ce qui rend effective en
démocratie la liberté c’est, pour Arendt, le système des classes.
S’il y a des classes,
il y a de la liberté.
C’est la disparition du système des classes qui a été l’élément principal de
l’avènement des totalitarismes.
Pourquoi ? Comment ? Cette disparition a entrainé
avec elle la disparition de la liberté parce que celle-ci n’est réelle que si elle s’exprime
dans une classe et par un parti qui la représente :
Pas de classe => pas de parti....
»
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