H. Bergson sur l’art
Publié le 26/01/2020
Extrait du document
A partir de son étude ordonnée, dégagez l'intérêt philosophique du texte suivant :
« A quoi vise l’art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l’esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience? Le poète et le romancier qui expriment un état d’âme ne le créent certes pas de toutes pièces; ils ne seraient pas compris de nous si nous n’observions pas en nous, jusqu’à un certain point, ce qu’ils nous disent d’autrui. Au fur et à mesure qu’ils nous parlent, des nuances d’émotion et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraient invisibles : telle, l’image photographique qui n’a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera. Le poète est ce révélateur. Mais nulle part la fonction de l’artiste ne se montre aussi clairement que dans celui des arts qui fait la plus large place à l’imitation, je veux dire la peinture. Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes. Un Corot, un Turner, pour ne citer que ceux-là, ont aperçu dans la nature bien des aspects que nous ne remarquions pas. Dira-t-on qu’ils n’ont pas vu, mais créé, qu’ils nous ont livré les produits de leur imagination, que nous adoptons leurs inventions parce qu’elles nous plaisent, et que nous nous amusons simplement à regarder la nature à travers l’image que les grands peintres nous en ont tracée? C’est vrai dans une certaine mesure; mais s’il en était uniquement ainsi, pourquoi dirions-nous de certaines œuvres - celles des maîtres - qu’elles sont vraies? »
H. Bergson
Appréciations d'ensemble et remarques
Excellente analyse, juste et documentée.
Le problème posé dans ce texte de Bergson comprend en fait deux questions solidaires :
1. Quelle est la fin de l’activité artistique?
2. Comment s’évalue sa réussite?
Or la réussite d’une œuvre d’art, analysée, doit nous rensei gner sur sa fin. Si l’on perçoit cette réussite comme ce qui se traduit dans le sentiment de « vérité » que nous éprouvons devant certains chefs-d’œuvre, comment pouvons-nous analyser ce qu’il en est de la « vérité » en art? Bergson suggère trois voies interprétatives, qu’il ne sépare pas, pour penser l’activité artistique en général :
- l’imitation
- l’invention '
- la « révélation »
C’est ce dernier thème qui apparaît en fait, dès le début du texte, comme l’objet privilégié par le choix théorique de Bergson. L’art est vrai lorsqu’il découvre une vérité intérieure; et le fait que ses productions réussies soient reconnues comme « vraies » prouve, dans cette logique, l’universalité de la vérité intérieure qu’on y découvre. Or Bergson place la plus haute réussite de cette fonction de « révélateur » qu’il assigne à l’artiste dans ce qu’il estime être l’art limitation par excellence : la peinture. Il n’y aurait donc pas contradiction entre « création » et « imitation », la création ou invention en peinture étant précisément imitation de la vérité intérieure et cachée. Il fallait donc ici être attentif au sens des mots : il n’y a pas non plus de contradiction entre « révéler » et « inventer », puisque révéler, c’est faire apparaître, dévoiler une vérité cachée, et inventer, c’est précisément aussi « découvrir ».
Le candidat, outre une excellente compréhension du texte, manifeste ici une particulière aisance dans l’articulation du texte commenté avec le commentaire, une grande netteté de problématisation, et une connaissance très appréciable du domaine esthétique. La langue cependant reste un peu maladroite.
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