Grand oral du bac : Le structuralisme
Publié le 14/11/2018
Extrait du document
Lévi-Strauss définit la culture comme l'ensemble des systèmes symboliques que constituent par exemple les systèmes de parenté, les mythes, les manières de table et, bien entendu, le langage, qui est le plus performant de ces systèmes. Tristes Tropiques obtient un vrai succès public et suscite l'engouement pour la méthode structuraliste appliquée aux sciences humaines.
• Dans le structuralisme, la valeur d'un élément n'est ni absolue ni intrinsèque : elle est relationnelle, c'est-à-dire constituée par la fonction qu'elle occupe par rapport aux autres composantes de la structure, selon des règles qui peuvent être décrites de manière rigoureuse. Avec le structuralisme, une vision mécaniste et systémique de l'art succède à la vision positiviste et organique. Dans tous les cas, il est possible de décrire un objet comme un tout, de le caractériser par un certain nombre de fonctions et de prêter à la description obtenue une valeur heuristique (qui sert à la découverte).
LE PARADIGME FROID
Le structuralisme est un courant qui apparaît dans les années 1950 et qui applique aux sciences humaines une démarche cognitive, développée en linguistique notamment par Ferdinand de Saussure. Il existe un « moment structuraliste » dans les années I960, qui influence aussi bien des critiques littéraires comme Roland Barthes, Umberto Eco et Gérard Genette que des philosophes tels Michel Foucault, Louis Althusser et Jacques Derrida. Mais le structuralisme a aussi ses limites : il fait abstraction de l'homme, de son désir et de son individualité.
LES FONDEMENTS DU STRUCTURALISME
La linguistique saussurienne
• L'influence capitale du développement de la linguistique sur l’invention du structuralisme est incontestable. Le Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure (1857-1913), paru en 1916, définit certains concepts fondamentaux qui inspirent non seulement la linguistique ultérieure, mais aussi l’ensemble des sciences humaines.
• Ferdinand de Saussure définit le signe comme l'unité indissociable du signifié et du signifiant. Cette définition saussurienne du signe comme totalité fait échec à la conception traditionnelle du texte littéraire, lequel est censé donner forme à un fond préconstitué.
• Dans la linguistique saussurienne, tout signe est défini par rapport aux autres, par pure différence (négativement), et non par ses caractéristiques propres («positives») : ainsi s'affirme le caractère structural de la linguistique saussurienne.
• Ferdinand de Saussure établit également une distinction entre langue et parole. Cette opposition recoupe la distinction entre social et personnel. Pour Saussure, seule la langue est un objet qui peut donner lieu à rationalisation scientifique. La conséquence en est l'élimination du sujet parlant de l'investigation scientifique.
• Saussure privilégie une linguistique synchronique (qui se consacre à un état de la langue à un moment donné) à une linguistique diachronique (qui envisage la langue dans son évolution historique). Cet exemple d'étude synchronique a conduit la plupart des structuralistes à considérer les systèmes étudiés comme des ensembles clos et à récuser une démarche historisante. La démarche synchronique ouvre notamment la voie à une approche immanente de l'œuvre littéraire.
Le formalisme russe
• La linguistique saussurienne a d'abord influencé les «formalistes» russes. En 1915, quelques étudiants fondent le cercle linguistique de Moscou, qui se donne pour mission de favoriser l'étude simultanée de la linguistique et de la poétique; puis, en 1917, se constitue à Petrograd la «société d'étude du langage poétique », avec les mêmes ambitions que le groupe moscovite. Il s'agit de donner à la critique littéraire un cadre et une méthodologie scientifique.
• Les membres de ces deux cercles (louri Tynianov, Boris Eikhenbaum, Victor Chklovski, Roman Jakobson) sont connus sous le nom de «formalistes russes» -appellation due aux détracteurs du mouvement, qui stigmatisaient la méthode formelle.
• Parmi les textes fondateurs du structuralisme, La Morphologie du conte (1928, traduit en français en 1970) du folkloriste soviétique Vladimir Propp (1895-1970) est le livre le plus célèbre. Il propose une analyse des structures du conte merveilleux considéré comme genre. Les personnages se distribuent selon leurs fonctions, dont le nombre est limité, dont la succession est toujours la même au sein d'une structure qui rassemble tous les contes. Propp compte trente et une fonctions qui sont réparties entre les personnages selon sept sphères : celles de l'agresseur, du donateur, de l'auxiliaire, de la princesse, du mandateur, du héros et du faux héros.
«
est
essentiellement une activité.
Le but
de toute activité structuraliste est de
reconstituer un objet, de façon à
manifester dans cette reconstitution
les règles de fonctionnement de cet
objet." Même si Barthes prend une
large liberté par rapport aux canons de
la linguistique, le projet structuraliste,
grâce à lui, prend son envol.
UNE NOUVELLE QUERELLE
DES ANCIENS ET DES MODERNES
• La Sor bonne, positiviste et atomiste,
demeure longtemps sourde aux
sirènes du nouveau courant de
pensée.
Au contraire, l'École normale
de la rue d'Ulm, avec un jeune
professeur nommé Louis Althusser,
devient un important foyer
structuraliste.
Les affrontements entre
les systèmes de pensée s'exacerbent
au début des années 1960.
• La rivalité avec la nouvelle critique
transparaît à travers la fameuse
querelle Barthes-Picard.
En 1963,
Barthes fait paraître Sur Racine.
En 1965, Raymond Picard, professeur
de littérature classique à la Sorbonne,
répond par un pamphlet : Nouvelle
Critique ou Nouvelle Imposture.
Cette
querelle découle de l'incursion d'un
représentant de la "nouvelle critique "•
Barthes, sur le terrain académique de
la littérature classique.
Elle mobilise
une bonne part de l'intelligentsia
littéraire.
• Raymond Picard fait plusieurs
reproches à Barthes.
L'imposture
majeure, selon lui, réside dans le
recours à la psychanalyse pour
analyser une œuvre où précisément
l'auteur s'est exprimé en conscience
et.
en outre, dans un genre
rigoureusement codifié.
Picard accuse
aussi Barthes d'avoir utilisé l'œuvre
comme un réservoir de signes où il
peut puiser à sa guise au mépris du
cadre formel de la tragédie.
li lui
reproche son penchant pour la
fragmentation de l'œuvre, son mépris
pour l'histoire littéraire classique, son
attitude irrespectueuse de l'œuvre et la
liberté excessive de son interprétation.
Derrière Barthes, toute une nouvelle
critique est visée : Lucien Goldmann,
Charles Mauron, Georges Poulet,
Jean-Pierre Richard, Jean Rousset, etc.
• Barthes répond avec Critique et
Vérité (1966) et proclame que la
critique doit devenir une science de la
littérature appuyée sur les nouveaux
langages et les nouvelles sciences
disponibles.
Déjà, à ce moment,
Barthes s'éloigne du structuralisme,
qui préconise une science de la
littérature plutôt d'obédience
linguistique.
1966, ANNtE STRUCTURALISTE
• En 1966, le structuralisme atteint son
apogée.
Un certain nombre d'ouvrages
majeurs de ce courant paraissent cette
année-là : Critique et Vérité de Roland Barthes,
Sémantique structurale
d'Aigirdas Greimas, Écrits de Jacques
Lacan.
Poéticien et philosophe bulgare
réfugié en France depuis 1963, Tzvetan
Todorov fait connaître l'œuvre des
formalistes russes avec sa Théorie de
la littérature.
Gérard Genette publie
son premier Figures, et Émile
Benveniste édite ses Problèmes de
linguistique générale.
• Surtout, Michel Foucault publie une
œuvre phare, Les Mots et les Choses.
Il écrit dans l'introduction :
"Le structuralisme est la conscience
éveillée et inquiète du savoir
moderne.» Dans cet ouvrage, Foucault
définit notamment le concept
d'ép istémé, c'est-à-dire la structure
du savoir qui rend possible le discours
scientifique à un moment donné de
l'histoire.
L:épistémé détermine ce
qu'une époque peut ou non penser.
Foucault met en évidence le passage,
au tournant des xvm• et xtx• siècles,
d'un épistémé classique à un épistémé
moderne, où l'homme devient objet
de sciences.
• En 1967-1968, le Tout-Paris devient
structuraliste.
Les ouvrages abondent :
Clefs pour le structuralisme de Jean
Marie Auzias, Comprendre le
structuralisme et Le Structuralisme en
procès de Jean-Baptiste Fagès, Qu'est
ce que le structuralisme? ouvrage
collectif dirigé par François Wahl.
• Moi 68 favorise l'accès des
Vincennes (Paris-VIII) où entrent
Michel Foucault, Michel Serres, Cilles
Deleuze.
Foucault puis Barthes en
1975 sont reçus au Collège de France.
GRANDES FIGURES
DU STRUCTURALISME
professeur de philosophie à l'École
normale supérieure.
Sa philosophie
s'inscrit autant dans le structuralisme que
dans une tradition marxiste
conflictuelle.
Il est l'auteur de Pour
Marx (1965) et Lire le Capital (1965).
paraître
Les Mots et les Choses (1966),
lu comme un texte essentiel du
structuralisme, et L'Archéologie du
savoir (1969), qui prend ses distances
Roland Barthes (1915-1980), penseur avec la méthode structuraliste.
et sémiologue, principal animateur
de la pensée structuraliste française.
Il publie Le Degré zéro de l'écriture
(1953), Mythologies (1957), Sur Racine
(1963), Essais critiques (1964), Critique
et vérité (1966), S/Z (1970).
Dans la
lignée des travaux de sémiotique
structurale conduits par Greimas,
Barthes publie en 1967 son Système
de la mode.
En 1973, il tourne le dos
au structuralisme avec un livre au titre
significatif : Le Plaisir du texte.
Claude Brémond (né en 1929),
directeur de recherche à l'École des
hautes études en sciences sociales
(EHESS).
Dans la lignée des travaux
de Propp, il publie notamment un
recueil consacré à l'analyse des formes
narratives intitulé Logique du récit
(1973).
Jacques Derrida (1930-2004),
sémiotique philosophe,
généralement défini comme
post
structuraliste.
Il publie De la
grammatologie
(1967),
L'Écriture et
italienne.
L:un des essais les plus
importants d'Umberto Eco est L'Œuvre
ouverte (1962).
Il casse le principe
d'immanence absolu en faisant entrer
en jeu le processus de consommation
de l'œuvre.
L'œuvre constitue pour Eco
un système relationnel que le lecteur
actualise à son gré.
Il a publié
également La Strudure absente (1972).
Gérard
Genette (né en 1930),
poéticien, figure clé du structuralisme
littéraire.
Dès 1966, dans Figures/,
Gérard Genette donne l'exemple d'une
nouvelle poétique structuraliste.
Le projet structuraliste genettien est
de concilier théorie des genres et
évolution historique, typologie et
diachronie.
Il a aussi publié Figures Il
(1969) et Figures Ill (1972).
Algirdas Greimas (1917-1992),
inspiré par les travaux du linguiste
danois Louis Hjelmslev (1899-1965)
et son structuralisme algébrisé (la
glossématique), il est le chef de file du
structuralisme sémiotique en France.
Il a publié Sémantique structurale
(1966) et Du sens (1970).
l'un des plus grands anthropologues
et penseurs du XX' siècle.
Structures
élémentaires de la parenté (1949),
Tristes Tropiques (1955),
Anthropologie structurale (t.
1 en 1958,
t.
Il en 1973), La Pensée sauvage
(1962) et les Mythologiques (4 vol.
de 1964 à 1972) sont ses œuvres
principales.
Tzvetan Todorov (né en 1939),
linguiste,
philosophe et
poéticien.
Pour Todorov,
le but de la
discours littéraire, qui présente un
tableau des possibles littéraires tels
que les œuvres existantes apparaissent
comme des cas particuliers réalisés.
À partir de la linguistique structurale,
Tzvetan Todorov constitue une
poétique du récit (Littérature et
signification, 1967; Poétique de la
prose, 1971 ; Qu'est-ce que le
structuralisme? Poétique, 1977).
Dans
la continuité de ses premiers travaux, il
publie également Introduction à la
littérature fantastique (1970) et Les
Genres du discours (1978).
APRÈS LE STRUCTURALISME
LA CRITIQUE DU STRUCTURALISME
• Dès 1967, des fissures apparaissent.
Ainsi, deux ouvrages du philosophe
Jacques Derrida interrogent le
structuralisme :De la grammatologie
et L'Écriture et la Différence qui
paraissent simultanément.
Jacques Derrida
préconise une nouvelle
méthode, la déconstruction, et montre
que les oppositions binaires qu'utilise
le structuralisme classique
représentent une manière de voir
caractéristique des idéologies.
Le
mode de lecture de Derrida consiste à
se saisir d'un fragment apparemment
périphérique de l'œuvre -une note
en bas de page, un terme récurrent
mineur, une allusion fortuite- et à le
travailler jusqu'à ce que ce fragment
menace de démanteler les oppositions
qui construisent le texte.
• Par ailleurs, Julio Kristevo (née en
1941), une linguiste venue de Bulgarie
en 1966 et rapidement entraînée au
cœur du mouvement structuraliste,
pointe dans ses travaux la double
aporie (contradiction insoluble) du
structuralisme : le sujet et l'histoire.
Dans un chapitre central de
Semeiotike.
Recherches pour une
sémanalyse (1969), Kristeva remet
en cause la notion structuraliste de
système, notamment en introduisant
la question de la genèse du texte et
de son intertextualité.
Il s'agit alors
d'un système démultiplié, fort différent
du système clos des structuralistes.
LE RETOUR DU SUJET
• La remise en question du
structuralisme vient aussi de
l'évolution de la linguistique et de
la montée en puissance des théories
de l'énonciation mises en place par le
linguiste Émile Benveniste (1902-1976).
Ce dernier, avec la distinction qu'il
pose entre récit et discours, remet le
sujet au centre de la linguistique.
• Oswald Ducrot (né en 1930), dans la
lignée des réflexions de Benveniste,
introduit la pragmatique en France.
• Les développements nouveaux de
la narratologie, s'ils s'appuient sur
les méthodes du structuralisme,
réintroduisent aussi le sujet au cœur
de la critique littéraire.
Avec Figures Ill
de Gérard Genette, on passe d'une
poétique structurale à ce que Genette
appelle une narratologie.
La
narratologie se présente comme
l'analyse des composantes et des
mécanismes du récit, qui expose une
histoire, transmise par l'acte narratif, la
narration.
La narratologie s'intéresse
au récit comme mode de
représentation verbale de l'histoire.
Elle répond à la question : qui raconte
quoi et comment?
• Dans les années 1970, l'ambition de
constituer une méthode commune à
toutes les sciences humaines paraît
abandonnée.
Le moment est à
l'éclectisme, au réveil de l'histoire et
à un renouveau de la quête éthique.
Todorov, Foucault, Barthes évoluent
vers un retour du sujet entraînant les
sciences humaines et la critique loin
du système et de la structure..
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