Grand oral du bac :Le matérialisme
Publié le 10/11/2018
Extrait du document
Une tradition ÉCLIPSÉE PAR L'IDÉALISME
• Au succès que le matérialisme connut dans l'Antiquité fait suite une longue période si ce n'est d'oubli, du moins de marginalisation.
• Pendant tout le Moyen Âge, l'épicurisme et ses textes tombent dans l'oubli, tandis que, du stoïcisme, seule la morale subsiste. Le matérialisme, en tant que courant philosophique donnant naissance à des doctrines, perd de sa richesse au profit de l'idéalisme.
• l'idéalisme s'accorde d'autant plus facilement avec les dogmes religieux qu'il fonde leurs origines; on retrouve dans ce courant philosophique le platonisme et le néoplatonisme de Plotin, ce dernier occupant une place de choix dans l'histoire de la constitution de la théologie chrétienne.
DES DOCTRINES PHILOSOPHIQUES DIVERSES
• Employé pour la première fois par Henry More dans ses Dialogues théologiques en 1668, le terme de «matérialisme» désigne des doctrines philosophiques très diverses, de l'Antiquité à nos jours.
• Elles présentent toutes comme point commun de trouver la réalité fondamentale dont dériveraient toutes les autres dans la matière, à la différence de leurs principales rivales, les philosophies idéalistes, qui prétendent la trouver dans l'idée.
• Cependant la généralité du terme «matérialisme» interdit une seule et même définition : il existe bien plutôt des matérialismes.
LES ORIGINES DU MATÉRIALISME
Le passage de la religion À LA PHILOSOPHIE
Les origines du matérialisme sont aussi anciennes que celles de la philosophie elle-même.
• Aux VIe et Ve siècles av. J.-C., le discours philosophique s'émancipe progressivement du discours religieux en substituant aux explications mythologiques du monde des explications rationnelles, remplaçant les volontés de divinités souvent capricieuses par l'action de principes éternels. On recherche ainsi ce qu'il y a de permanent ce qui demeure sous les modifications, ce qui pourrait rendre compte de la réalité de ce monde en perpétuel changement
• Ceux que l'on appelle les «physiciens» (du grec physis, la nature) défendent ainsi, à l'instar de Parménide, que rien ne naît du néant, mais au contraire qu'il existe quelque chose de permanent dont tout n'est qu'une transformation.
• Ce quelque chose, Aristote lui donne plus tard, au IVe siècle av. J.-C., le nom de«matière» (hylè). Cette matière, substance de toute chose, les «physiciens» l'envisagent de manières différentes : elle est l'eau selon
Thalès; l'air selon Anaximène; le feu selon Héraclite; la terre selon d'autres encore; ces quatre éléments selon Empédocle...
• Parent du concept de substance, le concept de matière répond à une exigence d'ordre, de raison, à la recherche de ce qu'il y a de solide dans ce qu'il y a d'évanescent, de constant sous le changement Aux explications religieuses ad hoc succèdent désormais des tentatives d'explication d'ensemble par le recours à un principe fondamental dont la matière est l'une des formes, à côté, par exemple, des «nombres» des pythagoriciens.
Gassendi, Descartes
Avec le développement des sciences qui caractérise l'époque moderne, le matérialisme reçoit un nouveau souffle dès la première moitié du XVIIe siècle.
• Pierre Gassend, dit Gassendi (1592 - 1655), promoteur de la mécanique nouvelle, renoue avec l'atomisme épicurien, dont il précise certaines thèses. Rejetant les formes substantielles de la scolastique, il réduit les formes à des associations déterminées d'atomes. Défendant les notions d'espace et de temps infinis, il fait de ceux-ci des entités réelles, incréées, qui ne sont ni substances ni accidents, mais conditions d'existence à la fois des unes et des autres. les lois de la physique sont, pour lui, celles du mouvement des atomes (d'où la mécanique, c'est-à-dire la science du mouvement). Mais si Gassendi renoue avec l'épicurisme, ce n'est cependant qu'une version compatible avec la religion qu'il défend. En effet, si le monde est constitué d'atomes, Gassendi refuse que ceux-ci soient en nombre infini. La finitude du nombre des atomes lui permet ainsi d'accepter, avec la finitude du monde, sa création : Dieu a créé un nombre fini d'atomes. De même, puisque le matérialisme conduit inévitablement à la doctrine de la mortalité de l'ame, dans la mesure où celle-ci ne serait que le produit d'une configuration particulière et nécessairement passagère de la matière, Gassendi ne l'accepte que dans son interprétation de la psychologie des animaux, afin de sauver l'immortalité de l'âme humaine. Ainsi, sa psychologie matérialiste se limite aux animaux et aux fonctions inférieures de l'activité intellectuelle humaine, tandis qu'il fait correspondre une psychologie immatérialiste aux fonctions supérieures de la pensée qui sont propres à l'homme.
«
l'épicurisme,
ce n'est cependant qu'une
version compatible avec la religion
qu'il défend.
En effet, si le monde est
constitué d'atomes, Gassendi refuse
que ceux-ci soient en nombre infini.
La finitude du nombre des atomes lui
permet ainsi d'accepter, avec la
finitude du monde, sa création : Dieu
a créé un nombre fini d'atomes.
De même, puisque le matérialisme
conduit inévitablement à la doctrine de
la mortalité de l'ame, dans la mesure
où celle-ci ne serait que le produit
d'une configuration particulière et
nécessairement passagère de la
matière, Gassendi ne l'accepte que
dans son interprétation de la
psychologie des animaux, afin de
sauver l'immortalité de l'âme humaine.
Ainsi, sa psychologie matérialiste se
limite aux animaux et aux fonctions
inférieures de l'activité intellectuelle
humaine, tandis qu'il fait correspondre
une psychologie immatérialiste aux
fonctions supérieures de la pensée qui
sont propres à l'homme.
• Si la philosophie de Gassendi est,
dans son ensemble, un matérialisme,
en revanche, celle de René Descortes
(1596-1650} ne l'est qu'en partie.
En
effet, Descartes distingue deux
substances (dualisme) : la substance
pensante, l'âme, et la substance
étendue, le corps.
En séparant ainsi ces
deux ordres de réalité, qu'il rend
indépendants l'un de l'autre, Descartes
se pose en idéaliste lorsqu'il fait de la
métaphysique et traite de la substance
pensante, et en matérialiste lorsqu'il
fait de la physique et traite de la
substance étendue.
Identifiant la
matière à l'étendue, Descartes nie
l'existence du vide : il n'y a plus
-comme chez Gassendi -d'atomes,
mais seulement des corps, qui sont des
déterminations de la matière dont
l'univers est plein.
Toute la physique
se ramène à l'étude de l'étendue et
du mouvement.
Ce matérialisme se
retrouve donc dans les explications
de tout ce qui est étranger à l'âme
humaine :dans les relations entre
les corps (mouvements et chocs), dans
ce qui se passe au sein de ces corps,
animaux et humains (théorie de
l'«animal-machinen dans le Traité de
l' Homme).
LE MATtRIALISME MÉTAPHYSIQUE :
S PINOZA
Alors que, selon Descartes, Dieu a
créé deux substances ayant comme
attributs respectifs la pensée et
l'étendue, selon Boruch Spinozo
{1632-1677}, il
n'existe
qu'une
seule
substance (monisme),
à la fois
pensante et
étendue,
qu'il identifie
à la nature et à Dieu (Deus
sive natura).
Selon lui, la matière est
non seulement éternelle-elle n'a
jamais été créée-, mais elle est aussi
pensante :c'est la même chose qui
pense et qui s'étend.
Tandis que
Descartes avec son dualisme limitait
son matérialisme au seul ordre
physique, Spinoza avec son monisme
le généralise.
L'ordre physique ne
s'explique que par lui-même, sans rien
qui le transcende, mais il en est de
même avec ce qui est métaphysique,
puisque physique et métaphysique
sont deux aspects d'une seule et
même réalité.
Pour Descartes, il y avait
deux réalités distinctes : d'un côté, une
substance pensante; de l'autre, une
substance étendue.
Pour Spinoza, il n'y
a qu'une seule réalité se présentant à
nous sous deux aspects : la substance
en tant qu'elle est pensante et en tant
qu'elle est étendue.
Tout arrive de
manière nécessaire, en fonction de la
nature des choses.
Mais l'homme lui
même n'est qu'une « affection n, un
«mode fini n, une détermination
particulière de l'unique substance
qu'est la Nature.
Si Descartes est
un métaphysicien idéaliste et un
physicien matérialiste, Spinoza peut
être considéré à la fois comme un
métaphysicien et un physicien
matérialiste, du point de vue de
l'attribut «étendue de la substance n;
mais Spinoza est également un
métaphysicien et un physicien
idéaliste, si l'on se place du point de
vue de l'attrib ut« pensée n.
Toutefois,
la lecture du spinozisme n'est pas
complètement réversible, ce qui
interdit de le considérer comme un
idéalisme, au même titre que l'on peut
le considérer comme un matérialisme.
En effet, l'homme est aussi un esprit
(une «idée du corps n), une idée
parmi les autres idées.
Toutefois, le
renversement de la formule n'a pas
lieu, et le corps n'est pas défini comme
un corps de l'idée.
Si un corps produit
son idée, il semble impossible qu'une
idée produise son corps.
Chez Spinoza,
la matière se pense, mais la pensée ne
se matérialise pas.
LE MATÉRIALISME SCEPTIQUE :
LE XVIII" SIÈCLE
Le XVIII' siècle se caractérise par
la dénonciation des autorités
traditionnelles, tant philosophiques
que religieuses.
Le matérialisme,
dont la spécialité a été dès les temps
les plus anciens une défiance à l'égard
des préjugés, joue ici un rôle de
premier plan.
• Julien Offray de La Mettrie {1709-
1751), Denis Diderot {1713-1784},
Cloude
Adrien
Helvétius (1115- 1771} et
Paul Henri
Th iry,
baron d'Holbach
(1123-
1789 },
sont les
principales figures de ce matérialisme
du siècle des Lumières.
• Alors que leurs prédécesseurs
matérialistes fondaient sur un primat
de la matière des systèmes visant à
interpréter le monde dans toute sa complexité,
ces philosophes, dans le
souci de s'affranchir des idées reçues
et afin de ne pas leur en substituer
de nouvelles, convergent vers le
scepticisme.
Il est impossible, selon
eux, de connaître ce qu'est la matière,
pas plus qu'une substance, car on n'en
saisit toujours que des propriétés, par
l'intermédiaire des sensations et des
idées que l'on en possède.
• Mais s'ils ne poursuivent pas leurs
prédécesseurs dans les voies que ceux
ci avaient ouvertes, ces philosophes
usent de leurs arguments pour
critiquer les notions fondamentales.
Le spinozisme leur sert ainsi d'arme
contre la conception traditionnelle
de Dieu et contre la théorie de la
Création divine; le gassendisme et
le cartésianisme, contre l'immatérialité
et l'immortalité de l'âme.
• Le xvu• siècle fut le siècle de la
physique et du matérialisme
mécaniste.
Le xvm• siècle est celui
de la biologie naissante et d'un
matérialisme dynamique.
L'intérêt
porté au mouvement s'estompe
derrière celui porté aux forces qui
l'engendrent.
• C'est en politique que les
matérialistes du XVIII' siècle font preuve
de la plus grande innovation.
Suivant
leur élan, ils démystifient, outre la
religion et la métaphysique, également
la politique et la morale, dont ils
recherchent la version laïque.
• Les morales impliquées par le
matérialisme au XVIII' siècle ont
en commun de rejeter toute
transcendance des normes, mais
elles diffèrent quant à la justification
de celles-ci.
Pour le baron d'Holbach,
par exemple, les lois morales ne
reposent que sur leur utilité; pour
La Mettrie, au contraire, seules
importent les lois de la nature, les
autres n'étant que tromperie.
• De telles positions auront pour
conséquence que leurs détracteurs
fustigeront leurs auteurs sous le nom
de «libertins n, et les accusations
d'immoralisme se multiplieront au
point de faire de l'adjectif
cc matérialiste» un quasi-synonyme
d'« immoraliste"·
• La poursuite du développement
de la biologie, au XIX' siècle, est
responsable de l'apparition du
matérialisme naturaliste.
Dépassant
le simple cadre de la biologie, ce
matérialisme propose des explications
biologiques aux comportements
humains.
Le déterminisme trouve
ici une nouvelle forme : à la suite
de l'engouement que suscite la
phrénologie de Franz Josef Gall {1758-
1828}, qui explique le comportement
par la morphologie du crâne, les
médecins qui étudient le cerveau font
de celui-ci ce qui détermine la pensée
de l'individu.
Encouragés par les
découvertes des aires du cerveau et
des activités mentales qui leur
correspondent, par l'étude de ses
lésions et des conséquences que
celles-ci entraînent.
ils voient dans
le cerveau l'organe de la pensée, au
même titre que le rein est celui de la
sécrétion de l'urine.
• Parmi les matérialistes naturalistes figurent
aussi
bien Cesore
Gobineou
{18 16-1882}
qui, dans
son Essai sur
l'inégalité
des races humaines {1853-1855),
développe un racisme qu'il tente de
rendre scientifique.
LE MATÉRIALISME DE fEUERBACH
Ludwig Feuerboch {1804-1872}
critique la conception traditionnelle
de la religion et dénonce en elle
l'aliénation de l'homme qui projette
en Dieu les qualités inhérentes à sa
propre espèce.
Feuerbach propose
une réappropriation par l'homme de
ces qualités dont il se dessaisit.
Son
matérialisme, exprimé surtout dans
L'Essence du christianisme ( 1841) et
Les Principes de la philosophie de
l'av enir {1843), place l'homme au cœur
de sa pensée et inspirera la critique de
la religion faite à son tour par Marx.
LE MARXI SME
La doctrine philosophique de Korl
Morx {1818-1883} est un matérialisme
qualifié
d'« historique n
du point de
vue de l'objet
de son étude
et de
"dialectique"
du point de
vue de sa
méthode.
• Reprenant à Friedrich Hegel {1770-
1831} le mouvement dialectique de la
pensée, qui dépasse ses contradictions
(thèse et antithèse) en s'élevant à un
niveau supérieur (synthèse), Marx en
fait le mouvement de la réalité même
des choses, et il retrouve l'illustration
de ce mouvement dans les différents
âges historiques.
• Son matérialisme est historique,
puisqu'il invite à une réinterprétation
totale de l'histoire, pour laquelle le
«moteurn n'est que la cdutte des
classes n.
• Selon Marx, les forces productives
(« infrastructuresn) et l'organisation
économique d'une société à une époque
donnée définissent des classes
sociales distinctes, qui ont des intérêts
divergents et inconciliables (d'où la
lutte entre elles).
Les contradictions
entre ces classes sociales finissent
toujours par être surmontées par une
transformation de la société et un
changement de la répartition des
moyens de production.
• Les rapports de production
("structuren de la société),
assimilables à des rapports de force,
déterminent le mode de production
des sociétés (esclavage dans
l'Antiquité, servage à l'époque féodale,
salariat à l'âge capitaliste), mais
également ce que Marx appelle la
«superstructure n de la société.
Cette
superstructure, dont le rôle est de
légitimer la structure de la société et
les inégalités qu'elle comporte entre la
classe dominante et la classe dominée,
est à la fois politique et juridique
{l'État, le Droit), mais aussi idéologique
(la religion, la morale, et même la
philosophie ne sont elles-mêmes
que le reflet d'opinions dominantes
contribuant au main tien de la société
telle quelle).
• Le matérialisme historique de Marx
connut dès ses débuts un vif intérêt
politique qui culmina au XX' siècle
avec des partis politiques (partis
communistes) et des régimes
politiques (démocraties populaires)
qui se revendiquaient ouvertement
de son héritage.
• Bien que l'effondrement de la
plupart de ces régimes puisse
apparaître comme un échec du
marxisme dans son interprétation de
l'histoire à venir, il n'en demeure pas
moins que ses "grilles de lecture>>
sont encore très utilisées en sciences
humaines et présentent un intérêt
jamais démenti.
• Cet intérêt est d'ailleurs commun
aux différents matérialismes : il est
celui de la défiance à l'égard des
discours qui ne cherchent pas à se
rationaliser ou à se confronter à la
réalité qu'ils prétendent décrire.
Le
matérialisme perd de son efficacité
dans la lutte contre les préjugés
lorsque lui-même, comme ce fut le cas
avec certains penseurs marxistes,
devient un préjugé (le biologiste et
agronome soviétique Trofim D.
Lyssenko [1898-1976] rejeta par
exemple la génétique sous prétexte
qu'elle était une science
«bourgeoisen).
LES ŒUVRES DE KARL MARX
• Différence entre la philosophie de la
no ture chez Démocrite et chez Épicure
{1841} • Contribution à la critique de la
philosophie du droit de Hegel ( 1844)
• La Sainte Famille {1845, en collab.
avec Friedrich Engels)
· L'Idéologie allemande {1845-1846, en
collab.
avec F.
Engels)
• Misère de la philosophie {1847}
• Le Manifeste du Parti communiste
(1848, en collab.
avec F.
Engels)
• Travail salarié et Capital (1849)
• Les Luttes de classes en France
{1850}
• Contribution à la critique de
l'économie politique (1859}
• Le Capital (1.
1, 1867, 1.
Il et Ill publiés
par F.
Engels d'après ses brouillons en
1885 et 1894}
• La Guerre civile en France (1871}..
»
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