Gaston Bachelard: Savoir scientifique critiqué et contrôlé...
Publié le 29/03/2005
Extrait du document
«
l'énergie… sont…des choses… participant au caractère de la chose en soi ».
Pour Brunschvicg, la science quisubstitue à l'épaisseur énigmatique du monde un réseau translucide de relations mathématiques, justifierait plutôtl'idéalisme.
Ne transforme-t-elle pas la matière en idées, en formules algébriques transparentes pour l'esprit ? PourBergson, la science représente un ensemble de conventions commodes mais artificielles qui permettent plutôt demanipuler le monde que de le comprendre.
Merleau-Ponty, plus proche de Bergson qu'il ne le pense, écrit dans cetesprit que « la science manipule les choses et renonce à les habiter ».
C'est là une interprétation nominaliste de lascience.
La philosophie de Bachelard n'est pas une réflexion a posteriori sur la science déjà faite.
Elle veut tirer desenseignements du travail lui-même, de la science en train de se faire.
C'est pourquoi elle apparaît plus complexe etplus nuancée.
Elle ne saurait être unilatérale et retient quelque chose tout à la fois du réalisme, de l'idéalisme, dunominalisme.• « Si nous étions livrés à nous-mêmes, c'est du côté du pittoresque, du pouvoir évocateur que nous chercherionsla connaissance ; le monde serait notre représentation.
»La connaissance immédiate, préscientifique n'est pas une connaissance objective.
Elle est au contraire chargée desubjectivité car nous nous projetons inconsciemment sur le monde.
« Je vois le monde comme je suis avant de levoir comme il est » disait Eluard, cité par Bachelard.
Le monde de la connaissance immédiate coloré et divers,bruyant, pittoresque est « notre représentation ».
Il sourit de nos joies et grimace de nos angoisses.
Le spectaclede la flamme aux formes bizarres, aux couleurs éclatantes, à la morsure cruelle ne nous dit pas ce qu'est vraimentune combustion.
Il ne nous parle que de nous-mêmes, sollicite nos rêveries, réveille et nourrit nos désirsinconscients.
Il tourne le dos à la connaissance objective.
L'édification de la science exigera que nous «psychanalysions » cette connaissance immédiate qui n'est que notre représentation.
Pour parvenir au savoirscientifique il sera indispensable d'éliminer de la connaissance les projections psychologiques spontanées &inconscientes, d'opérer une psychanalyse de la connaissance.
Devant le monde des choses nous devons « arrêtertoutes les expansions, nous devons brimer notre personne ».
Le monde qui est notre représentation c'est le mondesubjectif du poète, aux antipodes du monde objectif du savant : « les axes de la poésie et de la science sontinverses » Bachelard, dans ses ouvrages poétiques explore ce monde subjectif.
Dans ses ouvrages d'épistémologie, illui tourne le dos.
L'expression : « le monde est notre représentation » qui définit le subjectivisme involontaire de laconnaissance immédiate est empruntée, semble-t-il, au titre célèbre de l'ouvrage de Schopenhauer : «Le mondecomme volonté et comme représentation ».
• « … Si nous étions livrés tout entiers à la société c'est du côté du général, de l'utile… que nous chercherions laconnaissance ; le monde serait notre convention… »Pour Bergson, l'intelligence scientifique est celle de l'homo faber et de l'homo politicus.
Elle découpe le monde en vuede l'utilité collective.
Elle est un ensemble de conventions qui réussissent.
Bachelard ne nie pas, loin de là cetaspect social de la recherche scientifique.
Le savant travaille en équipe, c'est un citoyen de la « cité scientifique »,cité qui exige tout à la fois des travailleurs de plus en plus spécialisés, et en même temps la solidarité de tous cesspécialistes qui forment ce que Bachelard nomme magnifiquement « l'union des travailleurs de la preuve ».
mais ladimension sociale de la science ne nous livre pas la clef du travail scientifique lui-même.« La vérité scientifique est une prédiction, mieux une prédication ».
Voilà une très belle formule, caractéristique dustyle dense et brillant de Bachelard.
La science est prédiction car le moteur de la découverte c'est l'hypothèse,définie par Bernard comme « explication anticipée et rationnelle des phénomènes ».
Le savant ne répond pas directement et définitivement à la question « pourquoi » par une proposition affirmative.
Mais il procède par ledétour d'une nouvelle question.
Il demande, selon Bachelard : « pourquoi pas ? ».
C'est le savant qui va au- devant de la nature, qui risque une explication audacieuse, qui propose une hypothèse imprévue et qui demande à lanature : « Pourquoi pas ? ».
La science est prédication car elle annonce la bonne nouvelle d'une explicationrationnelle des phénomène ; elle invite par là disait Lalande à l' « assimilation des esprits entre eux », tout ce qui estrationnel étant universel, susceptible d'être librement accepté par tous les esprits.
La science est principe d'union :ma preuve une fois comprise par toi devient ta preuve.
La preuve marque à la fois la règle d'or de l'intelligence et laforme la plus haute de l'altruisme puisqu'elle implique le désir de s'accorder avec autrui sur les choses essentielles etle désir que cet accord ne soit pas un accord de surprise mais bien l'expression solide d'une communion réelle.
Ladimension sociologique de la science change ici radicalement d'aspect.
Ce n'est pas parce que la science traduit lesexigences de la collectivité qu'elle est vraie.
C'est au contraire parce qu'elle est vraie qu'elle a le pouvoir d'assurer la« convergence » des esprits.• « … Le monde scientifique est notre vérification… La science se fonde sur le projet… ».Au niveau de l'hypothèse la science donne raison à l'idéalisme puisque l'esprit, proposant une idée explicatrice seporte au devant du réel.
Au niveau de la vérification la science rejoint le réalisme puisque là, la théorie est soumiseau contrôle du réel.
L'hypothèse elle-même n'est qu'un projet de vérification.
La théorie proposée est inséparabledes instruments de laboratoires qui la soumettront à vérification.
La vraie philosophie scientifique n'est niexclusivement idéaliste ni exclusivement réaliste.
Elle est dialectique.
L'hypothèse est proposée pour résoudre unecontradiction entre telle ancienne théorie et les faits qui la démentent.
A son tour l'hypothèse vérifiée pourra êtremise en cause par la découverte de faits inédits qui entrent à titre de problème dans la dialectique expérimentale quise poursuit sans fin.
Comme le dit Husserl : « C'est l'essence propre de la science, c'est a priori son mode d'être,d'être hypothèse à l'infini et vérification à l'infini.
»
• « … L'observation scientifique est toujours une observation polémique, elle confirme ou infirme une thèseantérieure..
»
Il n'est pas tout à fait vrai de dire que la science part des faits.
Si loin qu'on recule dans l'histoire de l'humanité onretrouve autour des faits des mythes qui prétendent les expliquer.
Il n'y a pas dit Bachelard « des vérités premières», il n'y a que des « erreurs premières ».
La science se constitue non pas en accumulant paisiblement des.
»
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