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Gagne-t-on à perdre ses illusions ?

Publié le 24/07/2012

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Ainsi, dans une relation amoureuse, dans un programme électoral ou dans son rapport à son image, la perte des illusions relève de la nécessité, la lucidité étant une exigence qui peut être parfois désagréable, et pourtant permettant d’avancer considérablement. Cependant, mettant à mal toute la théorie qui précède (visant à montrer l’intérêt de la perte des illusions dans certains domaines), nous pourrions trouver des avantages aux illusions, que nous allons par la suite développer. Un proverbe populaire dit que « toute vérité n’est pas bonne à entendre «. Cela suggère bien qu’être mis face à la réalité peut susciter des douleurs inutiles, en vue des bénéfices infimes que nous pourrions tirer de la connaissance de la vérité. Beaucoup proclament la nécessité de l’illusion dans nos vies, qui vaut parfois mieux qu’une réalité cruelle et bloquante. La violence de la désillusion peut être telle que le bonheur se trouve obligé de comprendre des illusions. Ces croyances sont certes erronées, mais permettent de ne sombrer ni dans le pessimisme, ni dans la résignation, ni dans la tristesse… Véritables obstacles au bonheur, que chacun a le droit de rechercher, comme le proclament les philosophes des Lumières au XVIIIème siècle. Pourquoi donc imposer un frein à son bonheur, si la connaissance de la vérité nous affecte ? 

« titre évoque sont bien les rêves de Handke.Dans ces deux cas de figure, l'illusion est un véritable moyen d'essor, pour accomplir ses désirs, et même pour créer.

Mais elle peut être également salvatrice.

Prenonsl'exemple de la maladie.

Des débats s'animent aujourd'hui sur la nécessité, ou non, de révéler la vérité quant à la gravité de son état à un malade en phase terminale.

Aquoi bon prévenir une personne de sa mort « imminente » alors que le poids de cette révélation pourrait affecter considérablement le moral du malade ? Sansdemande de sa part, il semble en effet inutile de lui faire perdre l'illusion d'un avenir, alors que la mort est si proche.

Ainsi, l'illusion est ici salvatrice,paradoxalement, car elle permet de maintenir l'espoir et, peut être, la sérénité, dans les derniers temps d'une vie que l'on sait sur le point de s'achever.D'une manière plus large, avons-nous besoin de tout savoir sur les autres, sur nous-mêmes, sur la réalité de la vie ? Ne pourrions-nous pas nous contenter de ce quinous arrange, et évincer des vérités trop pénibles dont la connaissance semblerait presque superflue ? Si oui, nous empêcherions cette femme de se rendre compte queson nez est disproportionné par rapport au reste de son visage, cet homme de réaliser qu'il ne sera jamais champion de tennis, ce couple de comprendre que, trop vite,il se séparera.

Des exemples peut-être cruels, mais qui illustrent bien le bénéfice de l'illusion dans certains cas.

De plus, si les illusions peuvent permettre deconcrétiser des rêves (c'est-à-dire de fortes aspirations, et non pas des rêveries), il s'avère nécessaire d'en prendre soin, de ne pas les rejeter.

Une illusion nous rassure,nous met en sécurité, or la sécurité n'est pas synonyme de frein. Ainsi, se défaire de nos illusions, dans certains cas, est parfaitement inutile, car elles offrent un réconfort participant au bonheur, et qu'elles peuvent même permettrel'accomplissement de quelques désirs du fait de leur caractère encourageant.

Il est donc, nous l'avons vu, possible d'utiliser l'illusion à son service, mais il sembleparfois bon de savoir s'en détacher et de se confronter à la réalité, car nous gagnons à perdre nos illusions.

Néanmoins, le caractère équivoque résidant entre le gain etla perte, usuellement contradictoires, nous pousse à nous questionner davantage : mieux vaut-il être heureux aveugle que malheureux lucide ? Quand est-ce que seconfronte la nécessité de perdre ses illusions avec celle de les garder ? « Je préfère ne pas savoir ».

C'est une expression assez courante dans le langage commun pour que nous y prêtions attention.

Elle suppose que la perte de ses illusionsest douloureuse, et qu'il vaut mieux parfois se confiner dans l'ignorance.

Or, si nous nous appuyons sur « L'Allégorie de la caverne » de Platon, tiré de La République,la connaissance se confond avec le Soleil, le monde des Idées et, surtout, du Bien.

La connaissance de la vérité serait-elle donc nécessairement bonne à prendre etsynonyme de clarté ? Pourtant, nous pourrions dire que les conséquences fâcheuses et hostiles de certaines formes d'illusions pourraient nous mener au pessimisme,donc à l'obscurité.

Dans ce cas, l'illusion serait source de clarté, et elle deviendrait nécessaire !Ce paradoxe réside également dans cette citation de René Char, extraite du recueil de poèmes, Feuillets d'Hypnos : « La lucidité est la blessure la plus rapprochée dusoleil.

» Le soleil étant souvent assimilé au bien, comme chez Platon, nous comprenons ici que la connaissance de la vérité implique une épreuve douloureuse.

Ce quele poète ne nous dit pas, c'est si se rapprocher du soleil mérité une souffrance, et c'est ici que s'installe une nouvelle interrogation.Enfin, nous évoquerons le personnage d'Emma Rouault, dans Madame Bovary de Gustave Flaubert, qui pose de nombreuses questions quant au gain, ou non, dans laperte de ses illusions.

Effectivement, Madame Bovary est une femme remplie d'illusions romantiques qui ne s'accordent pas avec sa vie d'épouse de médecin deprovince, frustrée dans de trop nombreux domaines.

Son suicide, suite à de tristes relations adultérines, peut être considéré comme un moyen, pour Emma, de fuir laperte de ses illusions, dont elle ne peut se passer pour vivre.

Ses illusions étaient en effet un moteur dans la vie de l'héroïne, et les perdre signifiait perdre la vie.

Ainsi,si les illusions la maintenaient vivante, pouvons-nous les considérer comme néfastes ? Cependant, comment ne pas penser, dans son cas, qu'il était nécessaire qu'ellese retrouve, enfin, mise face à la réalité ? S'il est impossible de répondre à ces interrogations, nous ne pouvons que constater que quelque fois, la perte de l'illusion nese révèle ni bénéfique, ni préjudiciable, mais simplement une étape obligatoire après ce temps de latence que représente l'illusion : à mi-chemin entre la conscience del'erreur et la croyance véritable. Ainsi, nous avons tenté de savoir si nous pouvions gagner à perdre nos illusions.

Cela s'est révélé concluant sur certains aspects, car nous pouvons désormais direqu'il est parfois bénéfique de perdre ses illusions, mais qu'elles peuvent, d'autres fois, être nécessaires dans la vie de tout un chacun.

Nous avons également essayé dedéceler la limite floue qui existe entre la nécessité et l'inutilité de l'illusion.

S'il est une évidence, c'est que l'illusion restera toujours le thème de nombreux débats, àl'échelle individuelle ou collective.

Comme elle l'a été, par exemple, dans la littérature française, à l'image du romantisme de la première moitié du XIXème siècle,dont les illusions lyriques s'opposèrent aux récits crus et terre à terre des romans réalistes de la fin du XIXème siècle. SourcesHachette illustré, 1995Les Illusions perdues, Honoré de Balzac, 1836-1843L'Illusion comique, Pierre Corneille, 1636L'Avenir d'une illusion, Sigmund Freud, 1927Méditations métaphysiques, René Descartes, 1641Seconde considération intempestive, Friedrich Nietzsche, 1874Vive les illusions !, Peter Handke et Peter Hamm, 2008La République, livre VII, PlatonFeuillets d'Hypnos, René Char, 1946Madame Bovary, Gustave Flaubert, 1857Biographies de Sigmund Freud et Friedrich Nietzsche sur www.wikipedia.fr. »

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