Gabriel Marcel et l'existentialisme
Publié le 02/04/2011
Extrait du document
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écrivait cela en 1929, déclarait déjà en 1934 son affirmation un peu trop catégorique.) Quoi qu'il en soit, il ne fallaitpas plus qu'une telle rupture avec l'idéalisme classique pour que des spiritualistes classiques et chrétiens (lesThomistes par exemple) le rangeassent aussitôt dans les « existentialistes ».
De plus, chez lui, sans qu'elle soit peut-être exactement formulée, la distinction radicale et fondamentaleexistentielle entre la « chose » et la « conscience humaine », l'opposition entre les deux modalités fondamentalesd'existence est continuellement implicite.
Aussi cette variabilité de l'âme, cet élan originel échappant à toute loi,cette « liberté » ne pouvait pas ne pas l'amener à se poser la question de la fidélité envers soi-même, de lasincérité, de Y engagement et par conséquent de l'angoisse devant le possible : le fait que je ne suis pas conformeà une essence m'empêche d'affirmer que j'éprouverai demain les mêmes sentiments que j'éprouve aujourd'hui ;comment puis-je jurer fidélité à un être, prendre un engagement ? En tenant parole coûte que coûte, mon acte dedemain sera-t-il conforme à mon intention (qui est celle d'être sincère) ?
Ou bien je pose arbitrairement l'invariabilité de ma manière de sentir (qu'il n'est pas en mon pouvoir d'instituer), oubien j'accepte par avance d'avoir à accomplir, à un moment donné, un acte qui ne reflétera nullement mesdispositions intérieures quand je l'accomplirai.
Dans le premier cas, je me mens à moi-même; dans le deuxième cas,c'est à autrui, par avance, que je consens à mentir.
Il semble qu'il y ait une antinomie foncière entre l'engagement et la sincérité.
En effet, il faut être deux pours'engager, et encore deux êtres libres, c'est-à-dire, capables précisément de varier.
De plus, ce contrat prendnaissance dans une situation, c'est-à-dire dans des conditions matérielles et historiques qui nous échappent.
Queseront devenues, demain, dans un an, à l'échéance de l'engagement, les deux parties contractantes ?
Des circonstances étrangères et imparfaitement pensables interviendront à coup sûr.
Les libertés des hommess'enchevêtrent et nous ne pouvons les prévoir, sans quoi elles cesseraient d'être libertés.
Gide appelle cela la partdu Diable; Marcel dit: Nous n avons pas la clé.
La fidélité est liée à une ignorance fondamentale de l'avenir.
J'ignore, en jurant fidélité à un être, quel avenirm'attend.
Et d'ailleurs, que sera devenu demain l'être à qui je jure?
Mais c'est cette ignorance, précisément, qui confère à mon serment sa valeur et son poids.
Il ne s'agit pas derépondre à quelque chose qui serait donné, car justement l'essentiel d'un être, c'est de n'être donné ni à autrui, ni àlui-même.
La valeur de l'engagement est donc dans cet élan irrationnel qui ressemble au saut kierkegaardien et à l'«Ursprung » jaspersien.
Cet élan, ce bond, Marcel l'appelle l'espérance.
L'espérance est donc une sorte de refus de supputer les possiblesque la réalité dépasse toujours, elle est une sorte d'affinité secrète pour un principe caché au fond des choses, audelà des choses, elle ressemble à la Transcendance chez Jaspers.
Mais elle est surtout Amour; elle est recourséperdu à une espèce d'allié, à Dieu, par exemple, qui serait amour aussi.
Aussi les conditions de possibilité del'espérance coïncident-elles rigoureusement avec celles du désespoir.
En particulier, il ne saurait y avoir d'espérancepour un être qui ne mourrait pas.
Un monde où la mort ferait défaut serait un monde où l'espérance n'existerait qu'àl'état larvé.
(J.
M., p.
135).
A la fois, l'homme n'espère et n'est libre que parce que le désespoir est possible, que parce qu'il est capabled'étreindre sa mort.
Marcel est très près ici de la pensée de Kierkegaard et rejoint aussi la conception de la liberté-devant-la-mort de Heidegger et le plutôt-la-mort-que des hommes libres de Sartre.
L'espérance vise un TOIimmortel, un invariant sans condition qui garantit toutes les valeurs, qui seul rend possible la fidélité et, parconséquent, aussi la VÉRITÉ.
Et cette identification entre Fidèle et Vrai le conduit à affirmer la survie, car, dit-il, sila mort était la réalité ultime, la valeur s'anéantir ait dans le scandale pur.
On le voit, pour Marcel, la philosophie est une thérapeutique: il la charge de conjurer et d'exorciser toutes lespuissances du désespoir.
Elle est fondée essentiellement sur la catégorie du TOI ; elle enseigne, comme dit M.
deWaelhens, qu'on se condamne à exister soi-même selon le type même de réalité qu'on impute à autrui.
C'est ce qui apu faire dire que son existentialisme (contrairement à celui de Heidegger et de Sartre que nous allons maintenantaborder et qui, selon Marcel, a perdu contact avec l'universel) était le seul qui réussisse à résoudre le mystère de lacommunication des consciences..
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