G. BATAILLE, L'Érotisme, Deuxièmes partie (« Études diverses sur l'érotisme »), Etude IV : l'énigme de l'inceste
Publié le 20/10/2012
Extrait du document
«
serait être.
Elle lui donne vie, et le maintien en vie.
Ce qui est donné à l’homme peut êtr e inné comm e la naissance
ou l’envi ronn em ent, ou bien encor e donné après coup.
Par et dans l e travail l’homme modifie ce donné premier
comme « matière première ».
G.
Bataille instaure une ligne de démarcation entre la sphère animalière et la sphère
de l’humanité.
Si l’animal n’est rien d’autre que ce qu’il est pour ne satisfaire que ses besoins élémentaires,
l’homme, quand à lui, modifie le donné intérie ur par le je u de la négation.
Si l’homme travaille c’est parce que est
l’animal qui ne peut fondamentalement pas s’adapter à la nature et à sa nature.
Il n’est pas de sa nature de se
conformer à la nature.
C’est pourquoi il est en son être de refuser ce qui lui est donné.
Loin d’être immédiatement et
spontanément en accord à la nature, l’ homo laborans doit produire un monde « artificiel » dans lequel il peut
exister.
Il doit ainsi produire ses propres conditions d’existence.
Le travail n’est pas ici perçu comme simple
production de richesses (des biens, des services), il est appréhendé dans son essence.
G.
Bataille e st le voisin de
Marx lors que celui -ci dit que « le travail est de pr ime abord un acte qui se passe entre l’homme e t la nature » (Le
Capital , I, 3, cha p.
VII).
L’homm e e st l’ élém ent natur el qui s e r e tourn e contre la nature.
Assurément le travail est -il
souffrance, douleur — ce que signifie son approche étymologique tripalium , qui désignait soit une machine où l’on
assujettissait les chevaux pour les ferrer, soit un instrument de torture.
Mais G.
Bataille en suivant Hegel dépasse ce
qui se tient à la surface de cette activité pour la comprendre comme le moyen par lequel l’hum anité peut se réaliser.
Ce qu’il retint de Hegel, c’est la reprise de l’humanité par le truchement de la conscience : conscience de la mort et
du travail dont nous gardons une nostalgie même si le travail en sa négativité expulse la violence originelle que
nous impose la nature sous la forme de la mortalité et de la sexualité.
Aussi le travail n’est pas un accident
historique ni une fatalité ni une détermination sociologique, il définit l’essence de l’homme.
Si l’animal ne produit
que sous l’empris e des besoins physiologiques , l’homme travaille alors même qu’il s e délivre de la s eule
sati sfaction de s es b esoins physiques.
Si la production ani malière se situe dans le prolongement de son corps , il
transforme son milieu avec ses dents, av ec se s griffes ; l’homm e se tient face à sa propre production.
C’ est dire que
seul l’homme travaille.
Ainsi, le travail spécifiquement humaine peut se confondre o u se réduire à la production
an imale, r elation simple de l’être avec la nature : il est une humanisation de la nature
dans laquelle se
métamorphose la nature de l’homme.
L’homm e travaille parce qu e le travail est ce par quoi l’ hommes fait en se
faisant , se fait en faisant autre chose.
Mais il n’engendre pas seul em ent le monde culturel, il est de sa nature d e nie r
sa natur e pour r ecréer un autre monde pr oprement humain.
G.
Bataille ne distingue par le travail de la technique.
La
raison n’est pas tant que l’homme travaille avec des moyens techniques, avec des savoir -faire, mais il se livre dans
son être comme Homo f aber, pour reprendre l’expression de Bergson.
L’ Homo faber, l’homme fabricateur d’outils,
est une détermination essentielle à l’homme.
En effet, dans L’Évolution créatrice Bergson montre que si l’instinct
animal utilise ses organes vivants pour agir sur la manière, l’intelligence humaine fabrique des organes artificiels
indépendants du corps humain qui réagissent en retour sur leurs inventeurs.
« L’intelligence, relève Bergson,
envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de f abriquer des objets artificiels, en
particulier des outils à faire des outils, et d’en varier indéfiniment la fabrication » (Ibid.).
Bataille comme Bergson
opère une remontée à l’origine de l’humanité en la cernant dans son rapport premier à la nature et à sa nature.
Le
travail réclame une conduite, une attitude mue par l’effort et constamment rapportée à l’activité productrice.
Du
travail, il en ressort une « conduit raisonnable » selon les règles morales que l’homme s’édicte.
Le travail porte sur
soi, il consiste à se remodeler en réfrénant les mouvements spontanés .
Le travail fonde l’éducation comme
l’éducation possibiliste le travail en société.
Il doit donc constamment et incessamment différer ses besoins et désirs
pour produire d’autres besoins plus s piritualiser.
Le travail exige une discipline sans laquelle il ne pourrait nier son
immédiateté pour s’élever à la satisfaction d’un désir différé hautement plus jouissif.
L’érotisme qui donne son titre
à l’ouvrage est ici le contentement de désirs spirit ualisés.
Le travail et l’éducation font passer l’homme de
l’indigente satisfaction des besoins primaires à la réalisation de désirs plus élaborés.
Étrangement, travail et
éducation sont subordonnés à l’érotisme ! Notre penseur voit dans le cortège de contr aintes un tremplin pour
accéder aux plaisirs.
Il détache donc, contre l’opinion communément admise, le travail et l’éducation de la peine
pour les ramener du côté du jeu, du loisir.
Le travail comme d’ailleurs l’éducation aussi douloureux soient -ils
partic ipent essentiellement à la recherche de la satisfaction proprement humaine et à la quête du bonheur..
»
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