FREUD : LA THÉORIE FREUDIENNE DE LA CULTURE

vier 1896, Freud tentait sur la névrose obsessionnelle l'analyse de la a scrupulosité « et du sentiment de culpabilité. Mais il n'en tirait aucun enseignement en ce qui touche la relation du versant « objectif « au versant « subjectif « de la moralité. Le thème est au contraire effleuré le 6 décembre de la même année. Et c'est que dans l'intervalle s'est déve­loppée la théorie de la stratification des zones érogènes, en tant que fondement de la stratification du psychisme. « Tu sais, écrit-il à Fliess, que dans mes travaux je pars de l'hypo­thèse que notre mécanisme psychique s'est établi par un processus de stratification : les matériaux présents sous forme de traces mnémoniques se trouvent de temps en temps remaniés suivant les circonstances nouvelles. « Or cette théorisation introduit le principe d'une correspondance entre deux registres de stratification — individuelle et sociale : « A l'arrière-plan, se trouve l'idée de zones érogènes abandonnées. Au cours de l'enfance, en effet, la réaction sexuelle s'obtient, semble-t-il, sur de très nombreuses parties du corps ; mais plus tard ces dernières ne peuvent plus produire que l'angoisse du 28e jour et rien d'autre. C'est à cette différenciation, à cette limitation, que seraient dus les progrès de la civilisation et le développement d'une morale tant sociale qu'individuelle. «

tôt sur l'observation princeps de la cure cathartique — le cas de guérison hypnotique de Arma O. Or que ce problème ait une composante essentielle d'ordre épistémologique nous est confirmé par la critique amorcée par Freud en 1896 et plusieurs fois reprise jusqu'en 1908, des hypothèses de Beard touchant l'étiologie de la neurasthénie. Certes, le lecteur contemporain de l'American nervousness, its causes and consequences (1881, trad. allemande) et de Sexual neurasthenia, nervous exhaustion, its hygiene, causes, symp-toms and treatment (1886, trad. allemande) aura quelque peine à s'expliquer le mouvement d'intérêt suscité par cette analyse fort sommaire d'un nouveau mal du siècle, celui de la « modernité « de style américain. Il n'est cependant pas indifférent de relever combien le recours à un type d'expli­cation « sociologique « en psychopathologie devait appa­raître original à cette date; et surtout, en quoi la conception freudienne en approfondit d'emblée le projet trop général.

Pour reprendre les termes de l'article publié en français en 1896 sur L'hérédité et l'étiologie de la névrose, on distin­guera en effet entre trois genres d'influences étiologiques « différentes entre elles par leur dignité et manière de rela­tions (sic) avec l'effet qu'elles produisent : 1⁰ Conditions, qui sont indispensables pour la production de l'affection en question, mais qui sont de nature universelle et se rencon­trent aussi bien dans l'étiologie de beaucoup d'autres affec­tions. 2⁰ Causes concurrentes qui partagent le caractère des conditions eu ceci qu'elles fonctionnent dans la causation d'autres affections aussi bien que dans celle de l'affection en question, mais qui ne sont pas indispensables pour que cette dernière se produise. 3⁰ Causes spécifiques, aussi indis­pensables que les conditions, mais de nature étroite et qui n'apparaissent que dans l'étiologie de l'affection de laquelle elles sont spécifiques «. Or, poursuit Freud, « comme causes concurrentes ou accessoires des névroses, on peut énumérer tous les agents banals rencontrés ailleurs... Je tiens à la proposition qu'aucun d'eux... n'entre régulièrement ou nécessairement dans l'étiologie des névroses... Depuis que Beard avait déclaré la neurasthénie être le fruit de la civi‑

prend aux visites de son ami Emmanuel Lôwy, professeur d'archéologie à Rome. Imaginons donc un instant de nouer ces fils dans une anticipation systématique des dévelop­pements ultérieurs. En épigraphe s'y inscriraient les vers de Goethe évoqués au lendemain de la rencontre d'Œdipe : «Bien des ombres chères resurgissent. Pareils à une légende ancienne et à demi engloutie reviennent le premier amour, la première amitié. s Cette citation, dira Freud près de trente ans plus tard lors de la commémoration du poète à sa maison de Francfort, « pourrait être répétée dans cha­cune de nos analyses «. Qu'elle nous découvre aussi, par la grâce de l'expression poétique, l'affinité du « mythe indi­viduel « et du « mythe historique «, apporterait aussi la meilleure des illustrations au prolongement donné par Baldwin à la fameuse « loi « de Haeckel, « l'ontogenèse reproduit la phylogenèse «; tandis que la passion archéo­logique de Freud ne cessera d'en soutenir la traduction tour à tour méthodologique et métaphorique, du « défouisse-ment « des Études sur l'hystérie à la mise en scène pom­péienne de la Gradiva, et jusqu'à la méditation du Malaise dans la civilisation sur la survivance synchronique des strates déposées par les Rome successives : noyau oedipien du développement, sédimentation et résurgence des orga­nisations culturelles, entrelacs de la vie et de la mort au chiffre d'une destinée commune, en sa loi périodique, aux individus et aux peuples, — qui ne pressentirait, au pôle de convergence de ces divers thèmes, l'esquisse de ce que sera, en sa maturité, la représentation freudienne de la culture?