Freud: civilisation et protection contre la nature (commentaire)
Publié le 17/09/2015
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Freud
FREUD : « C’est précisément à cause de ces dangers dont la nature nous menace que nous nous sommes rapprochés et avons créé la civilisation qui, entre autres raisons d’être, doit nous permettre de vivre en commun. À la vérité, la tâche principale de la civilisation, sa raison d’être essentielle est de nous protéger contre la nature.
On le sait, elle s’acquitte, sur bien des chapitres, déjà fort bien de cette tâche et plus tard elle s’en acquittera évidemment un jour encore bien mieux. Mais personne ne nourrit l’illusion que la nature soit déjà domptée, et bien peu osent espérer qu’elle soit un jour tout entière
soumise à l’homme. Voici les éléments, qui semblent se moquer de tout joug que chercherait à leur imposer l’homme : la terre, qui tremble, qui se fend, qui engloutit l’homme et son œuvre, l’eau, qui se soulève, et inonde et noie toute chose, la tempête, qui emporte tout devant soi ; voilà les maladies, que nous savons depuis peu seulement être dues aux attaques d’autres êtres vivants, et enfin l’énigme douloureuse de la mort, de la mort à laquelle aucun remède n’a jusqu’ici été trouvé et ne le sera sans doute jamais. Avec ces forces la nature se dresse contre nous, sublime, cruelle, inexorable ; ainsi elle nous rappelle notre faiblesse, notre détresse, auxquelles nous espérions nous soustraire grâce au labeur de notre civilisation. C’est un des rares spectacles nobles et exaltants que les hommes puissent offrir que de les voir, en présence d’une catastrophe due aux éléments, oublier leurs dissensions, les querelles et animosités qui les divisent pour se souvenir de leur grande tâche commune : le maintien de l’humanité face aux forces supérieures de la nature. »
La sublimité est une propriété complexe. Elle apparaît d’abord comme une qualité. Un paysage sublime nous saisit et nous transporte de joie. L’idée de ravissement rend bien cette impression de capture et de vive satisfaction. On ne voit donc pas comment la cruauté pourrait y être associée. Cependant, puisque le sublime se révèle par l’action d’une force qui s’empare de nous, il implique une inégalité et même une disproportion. Notre esprit est écrasé en même temps qu’enchanté. Cette satisfaction est donc trouble, ambivalente. Victor Hugo l’a souvent relevé. L’épouvantable, par la fascination qu’il exerce, peut avoir une certaine grandeur et donc devenir sublime. La pieuvre est un monstre mais son rayonnement horrible la rend attirante. Dans notre texte, la majesté indifférente de la nature face à la petitesse de l’homme fait d’elle une réalité formidable. La démesure de sa puissance nous accable tout en nous contraignant à l’admirer.
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