FRANÇOIS BACON: LA SCIENCE EST PUISSANCE - La méthode expérimentale - L'utopie de la science
Publié le 02/03/2011
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Né à Londres en 1561, F. Bacon est destiné par son père, Sir Nicolas Bacon, garde des Sceaux sous Elizabeth, au service de la couronne. A quinze ans, Bacon sortit du collège de la Trinité de Cambridge avec une forte antipathie pour le programme et l'enseignement de l'Ecole, et une hostilité déclarée au culte d'Aristote, adopté par l'Eglise romaine sous la garantie de saint Thomas. Il avait déjà la ferme résolution de détourner la philosophie de la voie de garage scolastique et de l'engager sur le chemin des lumières propres à accroître le bien-être de l'humanité. Après une adolescence orpheline et pauvre, Bacon commença à s'élever sans protection. En 1583, il fut élu représentant au Parlement et étonna le monde d'alors par son éloquence — et par la minceur de ses scrupules. En 1598, malgré des démêlés avec la justice pour dettes non payées, il a déjà le pied à l'étrier du pouvoir. Avocat général en 1606, procureur général en 1613, il est garde des Sceaux en 1617 et enfin grand chancelier en 1618. La réunion du Parlement de 1621 mit fin à sa fortune. Accusé de concussion, il avoua avoir reçu des présents avant justice rendue, et la Chambre le condamna à 40 000 livres d'amende avec défense de remplir aucune fonction publique ni de siéger au Parlement. Vieilli, malade et ruiné, Bacon mourut cinq ans plus tard.
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Ces trois types de sciences sont trois démarches de l'esprit prolongées par le même souci ; l' « histoire » estl'accumulation des matériaux, la philosophie est la construction solide rationnelle, et la poésie est rêves de lascience (nous dirions science-fiction).
la méthode expérimentale
Elle se divise elle-même en deux parties : une partie critique tendant à définir les formes d'erreurs ; et une partiepositive de formulation d'une méthode expérimentale.
1.
Les différentes formes d'erreurs.
Dans le Novum Organum, ainsi intitulé pour marquer qu'il entend remplacer lefameux Organon où Aristote définissait la méthode logique, Bacon énumère les différents types d'erreurs, qu'ilnomme « idoles » du mot grec êidôla qui, au sens propre, signifie « images prises pour réalité », « fantômes devérités ».
Bacon distingue :
— les idola tribus, c'est-à-dire les erreurs de l'espèce humaine ; nous dirions, dues à la structure de l'esprit humainen général : par exemple l'exigence d'unité, l'exigence de simplification, la tendance anthropomorphique ;
— les idola specus, c'est-à-dire les idoles de la caverne, soit les causes d'erreurs qui viennent de notre psychologieindividuelle ; nous dirions les causes « subjectives » d'erreurs : par exemple nos habitudes intellectuelles, notreméthode personnelle de travail, nos a priori et nos tendances ;
— les idola fori (idoles du forum) c'est-à-dire les causes dues à la psychologie sociale, tenant surtout au langage quinous apporte dans les mots des expériences et des idées toutes faites, et souvent confuses ;
— les idola theatri (idoles de la scène), c'est-à-dire causes d'erreurs dues au compte que nous tenons des doctrinesen vogue ou du renom de certains auteurs, bref à l'influence de 1' « autorité ».
Cela vise évidemment une fois de plus le dogme aristotélicien que brandissaient les scolastiques et au nom duqueltout était d'avance résolu.
2.
La méthode expérimentale de recherche des causes naturelles des faits.
Bacon a réglé d'une manière durable lesgrandes directions de toute recherche expérimentale cohérente et bien faite.
Elle comprend trois temps :
a — Accumuler les faits.
Pour ce faire Bacon veut organiser une « chasse aux faits », c'est ce qu'il appelle « lachasse de Pan ».
Si l'observation est rigoureusement « objective », elle n'en suppose pas moins une part active del'expérimentateur qui doit vraiment « instituer » ses expériences, les répéter, les faire varier selon ce que Stuart Millappellera les « variations » servant à déceler les concomitances (succession connexe) et transposer les expériences(recommencer le même « type » d'expérience avec des éléments nouveaux).
On obtiendra ainsi une « forêt »d'observations.
b — Classification des faits.
On les répartit dans des listes méthodiques que Bacon appelle les « tables », et où sonttranscrits les résultats des expériences tendant à établir la cause d'un même fait.
Il y a ainsi une table de «présence » du fait en question, une « table d'absence » et une « table de ses degrés » (c'est-à-dire de sesvariations).
c — Détermination de la cause.
Des expériences ainsi codifiées, le savant dégagera une interprétation.
Il trouveraalors en toute rigueur la cause du phénomène étudié et par suite, sa loi.
Ce moment capital, puisque tout le resteest fait pour lui, s'accomplit en deux temps : par la comparaison des « tables », on verra bien le phénomèneantécédent qui est « présent, absent et variable » en même temps que le phénomène étudié.
Mais ceci n'est qu' «une première vendange », comme dit Bacon dans son langage plein d'images, c'est-à-dire que l'interprétation esthypothétique.
Il convient maintenant de vérifier cette hypothèse.
La vérification de l'hypothèse se fera grâce à des« faits privilégiés » ; Bacon recommande ce qu'il appelle « instantia crucis », créant ainsi le terme qui nous est restésous le nom d' « expérience cruciale ».
Il s'agit de mettre la nature à « la croisée des chemins » en expérimentantune dernière fois pour vérifier l'hypothèse, en instituant une expérience précise et limitée dans laquelle l'hypothèsedoit ou se confirmer et devenir explication définitive ou s'écrouler.
De même lorsque deux hypothèses serontpossibles, l'instantia crucis décidera de la vraie.
la détermination de la « forme »
Le but est de trouver la « forme » du phénomène ou du corps étudié.
Bacon appelle ainsi ce que nous nommerions la« formule » avec, en plus, l'idée que cette « forme » n'est pas une représentation schématique du phénomène, maisson « idée » au sens platonicien, c'est-à-dire sa réalité intime, sa structure mécanique et numérique à la fois, sa loi,telle que le phénomène se trouve réalisé lorsqu'elle est réalisée.
Bacon, poursuivant le rêve des alchimistes, pensaitqu'en découvrant la « forme » de l'or, on pourrait faire de l'or.
Idée qui est celle de la science moderne.
l'utopie de la science.
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