Fonder le droit sur la force ou faire respecter le droit par la force, cela revient-il au même ?
Publié le 27/02/2008
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Le droit s'accompagne souvent de la force.
En effet, les individus n'étant pas spontanément respectueux des lois del'Etat, le recours à la force est parfois nécessaire.
On peut citer l'exemple de l'arrestation musclée de malfaiteurs.Lorsque le plus force impose sa loi au plus faible, s'autorise de sa force pour obtenir l'obéissance à sa loi, la force etle droit s'associent également.
Mais, est-ce la même chose de faire respecter le droit par la force que de fonder ledroit sur la force ? Avons-nous affaire à le même réalité ? En d'autres termes, obtenir l'obéissance aux lois de l'Etat (droit positif) ou, plus largement à ce qui est juste et qui doit être, par l'utilisation d'une puissance contraignanteest-il identique au fait de justifier la loi du plus fort ? Fortifier la justice, est-ce justifier la force ?Le problème sera donc le suivant : le droit n'est-il que l'expression déguisée de la force, la loi du plus fort prenantl'habit du droit ou bien y a-t-il une différence de nature entre le fait de donner à la loi les moyens techniques des'imposer, de s'appliquer, et le fait de justifier sa loi par la force ? Le fait d'armer la loi ne revient-il pas en définitiveà entériner un rapport de force favorable à quelques uns, précisément ceux qui font les lois et disposent d'unpouvoir politique ?
Quelle différence existe-t-il entre ces deux actions ? L'une n'est-elle pas légitime et l'autre non ? Mais n'est-on pascontraint par la nature même des hommes à habiller la force brute de l'apparence du droit afin d'instaurer la paixcivile ? Le droit n'est-il pas simplement l'expression, mais déguisée, d'un rapport de force favorable à quelques uns ?Qu'advient-il du droit dans ces conditions ? Peut-on encore parler du droit au sens vrai du terme ?
Faire respecter le droit par la force consiste, en ce qui concerne le pouvoir politique de l'Etat, à faire respecter ledroit positif, celui qui régit les rapports entre les citoyens, à une époque donnée et sur un territoire donné, celuid'un Etat, en utilisant la force armée, les " fonctionnaires armés " dirait Hobbes.
On oppose ainsi aux citoyensrécalcitrants une force supérieure à la leur.
Cela est nécessaire dans bien des cas étant donné que chacun, en tantqu'individu égoïste peut vouloir faire exception et ne pas se soumettre spontanément aux lois en vigueur.
Ce recoursà la force est légal sinon légitime.
Qu'est-ce qui peut le rendre légitime ? Le fait que les lois elles-mêmes le soient.On peut alors observer que chronologiquement la force succède au droit.
En ce qui concerne le fait de fonder ledroit sur la force, on note cette fois que la force a le statut de fondement du droit et lui est donc logiquementantérieure.
Ce qui constitue une première différence qui interdit d'identifier ces deux réalités.Cependant, le droit que l'on fait respecter, après coup, par la force ne serait-il pas fondé sur la force ? N'est-ce pasle même droit que l'on fait respecter par la force et que l'on fonde sur la force ? Si le droit ne peut être légitimementfondé sur la force mais que l'on puisse envisager que le droit que l'on fait respecter par la force puisse lui, êtrefondé, alors on ne pourra plus confondre ces deux choses.
La force fait-elle donc le droit ? Le droit désigne ce qui doit être de manière générale.
Il n'est donc pas toujoursnécessairement réalisé tandis que la force est un fait que l'on ne peut que constater.
Le droit doit donc, en tantque droit nécessairement " transcender " les faits pour être en mesure de les juger, ce qui est sa fonctionessentielle.
Si le droit repose sur le fait de la force, il n'est plus en mesure de juger les faits eux-mêmes : dans cecas en effet, on joue en réalité un fait contre un autre.
Etant donné qu'aucun fait, fût-il la force, ne contient en lui-même de légitimité (ça n'est pas parce qu'une chose existe qu'elle est légitime ou juste), il est donc impossible defonder le droit sur la force sans le viser de sa substance, de sa fonction normative, prescriptive.
On peut ajouteravec Rousseau que " céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté ".
Or, respecter le droit est faire sondevoir, acte qui suppose la liberté tandis que la contrainte exercée par la force la nie.
Si nous avons le devoir derespecter le droit, ce qui doit être, qui suppose la liberté (la possibilité de ne pas faire son devoir) et que la forcenous ôte toute liberté, celui qui impose sa loi par la force ne saurait prétendre qu'il impose un droit ni qu'il est dansson droit.
" S'il faut obéir par force, on n'a pas besoin d'obéir par devoir, et si l'on n'est plus forcé d'obéir, on n'y estplus obligé.
" dit Rousseau (Livre I, chapitre III du Contrat social).
Le droit contient une référence à une ou desvaleurs.
La force ne nous fait pas quitter le terrain de la nécessité.
Celui qui impose sa loi par la force ne peutprétendre que les autres hommes ont le devoir de lui obéir.
Il ne dispose donc pas d'un droit.
S'il en disposait, nousaurions le devoir d'y obéir et la possibilité de désobéir.
Or, la force nous ôte cette possibilité.
La force, en niant laliberté, en ôtant la possibilité d'un choix et d'un engagement, ruine ma liberté et en même temps que le devoir, sondroit, tout droit.
Il faut donc convenir avec Rousseau que " force ne fait pas droit " parce qu'elle ne fait pas devoiret qu'il est donc illégitime de fonder le droit sur la force tandis qu'il est possible d'envisager que le droit soit fondé etqu'il soit donc aussi légitime de faire respecter ce droit " droit " ( et non pas courbe) par la force si besoin est.
Onest en effet loin d'avoir, avec la force, épuiser les fondements possibles du droit..
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