Fiche de cours en philo : THEORIE ET EXPERIENCE .
Publié le 11/08/2009
Extrait du document
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Le vrai physicien, qui n'est jamais soumis à l'expérience pure, ni passif devant les choses, force la nature à répondreà ses questions en inventant des hypothèses fécondes, en soumettant le réel aux lois de l'esprit.
V — Nature des faits scientifiques
L'expérience scientifique n'est donc jamais passive, puisqu'il appartient à la raison de prendre les devants.
Elle estfondamentalement expérimentation et interrogation méthodique des phénomènes.Il en résulte que le «fait» scientifique en lui-même n'est jamais donné, immédiat.
Il est, tout au contraire, le produitd'une élaboration rationnelle.
Loin d'être une donnée, c'est le résultat d'un calcul.
Il est interprété, construit etsolidaire d'un ensemble théorique.L'épistémologue Gaston Bachelard a bien mis en lumière la nature du fait scientifique : il est élaboré, saisi grâce àdes instruments, il porte de toutes parts la marque du théorique.
Si le sens commun fait appel au fait brut («c'estun fait!»), le savant sait bien que la science se construit contre le phénomène brut, contre le réel immédiat.«Il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan desinstruments.
Or les instruments ne sont que des théories matérialisées.
Il en sort des phénomènes qui portent detoutes parts la marque théorique.» (Bachelard, Le nouvel esprit scientifique, PUF, 1960)
VI — Le dialogue de l'expérimentateur et du théoricien
Un fait scientifique ne prend donc son sens que dans la théorie qui l'informe.
Comment définir cette dernière? Commeun énoncé universel synthétique, un système intégrant un très grand nombre de faits, comme un «filet» permettantde capter le monde, de le rendre rationnel et de l'expliquer grâce à son caractère unitaire.
Une théorie scientifique aun rôle unificateur, donnant cohérence aux diverses lois et aux divers secteurs scientifiques : elle synthétisedifférents domaines de la réalité et les soumet au même formalisme mathématique ; elle intègre comme autant decas particuliers les théories antérieures.
Quelques exemples célèbres : la théorie de la relativité restreinte et de larelativité généralisée.Gaston Bachelard a bien montré que c'est le dialogue de l'expérimentateur et du théoricien qui constitue la base detout travail scientifique.
Le premier est évidemment plus proche du concret et le second de l'abstrait.
C'est à lacroisée des chemins qu'il faut comprendre et analyser la science.Si le théoricien annonce bien souvent un phénomène nouveau (ainsi des théories hautement mathématisées ont-elles «prédit» l'existence de certaines particules nucléaires), inversement l'expérimentateur peut modifier la théoriescientifique régnante (ainsi l'expérience de Michelson et Morley remit-elle en question la mécanique classique).« Quel que soit le point de départ de l'activité scientifique, cette activité ne peut pleinement convaincre qu'enquittant le domaine de base : si elle expérimente, il faut raisonner; si elle raisonne, il faut expérimenter.
Touteapplication est transcendance.
Dans la plus simple des démarches scientifiques, nous montrerons qu'on peut saisirune dualité.» (Bachelard, op.
cit.)
VII — Causes et lois - Le déterminisme scientifique classique
La science est régie par le principe de légalité.
L'explication scientifique n'a pas pour fonction de nous faireconnaître les causes des phénomènes, leur pourquoi, mais le comment des phénomènes, leurs lois.
En effet, lanotion de cause est bien vague, et la pensée scientifique lui a progressivement substitué celle de loi.
(Ainsi Galiléea-t-il introduit cette idée en physique, avec la loi de la chute des corps).
Qu'est-ce qu'une loi? C'est un rapportmathématiquement exprimable entre des phénomènes, une relation constante.Or, le principe de légalité porte en son sein celui du déterminisme.
Le principe du déterminisme est l'affirmation quetous les phénomènes naturels se produisent selon des lois.
Jusqu'au début de ce siècle, on a pensé que ledéterminisme était rigoureux et absolu, que seule l'infirmité de notre entendement nous interdisait de concevoir danssa plénitude l'ordre souverain des lois naturelles.Ainsi, dans un texte célèbre, Laplace a-t-il pu écrire :« Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situationrespective des êtres qui la composent, si d'ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l'analyse,embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l'univers et ceux du plus léger atome;rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux.» (Laplace, Essaiphilosophique sur les probabilités)Selon Laplace, tout est, théoriquement du moins, prévisible.
VIII — Le déterminisme moderne est statistique
Le déterminisme conçu de manière absolue et rigoureuse (tout est prévisible, en droit tout au moins) semble, de nosjours, dépassé.
En effet, les relations d'incertitude de Heisenberg sonnèrent le glas de l'affirmation de cedéterminisme total.
Elles montrèrent qu'il est impossible, au niveau des particules atomiques, de faire une prévisionrigoureuse de l'évolution d'un phénomène.Aussi, le déterminisme moderne est-il statistique et probabilitaire.
Le principe du déterminisme n'est pas répudié,mais à certains niveauxd'expérience, nous pouvons seulement établir des lois probables, la constatation de simples régularités statistiques.«Le principe du déterminisme doit-il...
être rejeté? Il demeure valable, bien entendu, là où la physique l'avaitreconnu, même si on doit maintenant l'entendre comme une simple régularité statistique.» (R.
Blanché, La scienceactuelle et le rationalisme, PUF, 1973)Bilan final.
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