Fiche de cours en philo : LE POUVOIR .
Publié le 02/08/2009
Extrait du document
• Le thème essentiel est le suivant : le pouvoir ne constitue pas seulement un objet politique (comme, par exemple, le pouvoir de l'État). Il déborde largement cette sphère pour s'étendre à toute l'existence humaine. Il faut parler des pouvoirs multiformes épars dans toute la vie quotidienne, comme l'ont montré Michel Foucault et Roland Barthes (§ 4 tout particulièrement). • Le pouvoir est une énigme car la force elle-même ne peut l'expliquer (La Boétie, § 1). • Les formes diverses du pouvoir politique (dominations traditionnelle, charismatique et légale) ont été étudiées par le penseur allemand Max Weber (§ 2). • Roland Barthes (§ 3) et surtout Michel Foucault (§ 4) ont mis en évidence le fonctionnement des pouvoirs multiples comme stratégies. • Quelles sont les racines fondamentales du pouvoir? Hegel (§ 5) et les travaux psychanalytiques (§ 6) jettent une lumière sur un phénomène énigmatique qui ne saurait s'expliquer sans une obscure relation au désir et au monde des fantasmes (Conclusion).
«
essayent de le contester.
» (R.
Barthes, Leçon, Édition du Seuil, 1978)
IV - Le pouvoir comme stratégie : Michel Foucault
Ce pouvoir pluriel et multiforme qui déborde largement la sphère politique et renaît perpétuellement, Michel Foucaulta bien montré qu'il représente essentiellement une stratégie et un jeu mouvant.
Le pouvoir n'est pas seulement lapropriété d'une classe (ainsi les marxistes parlent-ils du pouvoir de la classe bourgeoise, de la puissance capitaliste,etc.), mais il est aussi, de façon essentielle, un ensemble de rouages et de foyers, un réseau d'actes minuscules,fragmentés, divers, épars, aux lignes de force mobiles et changeantes.
Ainsi, dans l'Histoire de la folie, MichelFoucault a étudié les pouvoirs de la raison tels qu'ils se sont, au cours des siècles, constitués contre la folie et ladéraison, en les isolant et en les étiquetant.
Dans le reste de son oeuvre, il s'est attaché aux multiples pouvoirs, dela médecine, des sciences humaines, etc.
Dans tous ces cas, le pouvoir déborde infiniment la puissance de l'État, dugouvernement et des institutions.
Installé en nous, il nous tient de part en part, nous fait et nous fabrique.
Ce n'estpas une institution, pas davantage une structure ou une puissance dont seraient dotés certains : c'est le nom qu'onprête à une situation stratégique complexe dans une société donnée.«Par pouvoir, je ne veux pas dire «le Pouvoir» comme ensemble d'institutions et d'appareils qui garantissent lasujétion des citoyens dans un État donné.
Par pouvoir, il me semble qu'il faut comprendre d'abord la multiplicité desrapports de force qui sont immanents au domaine où ils s'exercent, et sont constitutifs de leur organisation.
» (M.Foucault, Histoire de la sexualité, 1.
La volonté de savoir, NRF, 1976)
V - Les racines du pouvoir : le maître et l'esclave
Mais quelles sont les racines du pouvoir et comment la domination peut-elle s'installer en nous? Jusqu'ici, nousn'avons fait que décrire les formes complexes et le jeu du pouvoir.
Il reste à en saisir l'ultime ressort.
Mais ladifficulté du problème est telle que nous nous bornerons à envisager deux réponses possibles à la question, ces deuxsolutions n'étant d'ailleurs pas exclusives l'une de l'autre : la réponse hégélienne et la réponse psychanalytique.La fameuse dialectique hégélienne du maître et de l'esclave' peut ici nous apporter un premier principe d'explication :deux consciences s'affrontent dans l'existence en une lutte à mort.
Or, l'un des individus ne peut renoncer à la vienaturelle et à l'existence biologique.
Ne sachant se mesurer au risque de mort, il reconnaît la puissance et le pouvoirde l'autre conscience, celle qui est capable d'aller jusqu'au bout d'elle-même et de tout risquer, de mettre sa vie enjeu.
En somme, la soumission et la relation dominant-dominé constitutive du pouvoir s'expliqueraient parl'impossibilité de renoncer à la vie : le dominé apparaît comme celui qui est en proie à la peur, alors que le dominant,le maître, se fait reconnaître comme tel à travers le risque de mort.
Ainsi, Hegel nous parle-t-il de« Deux figures opposées de la conscience : l'une est la conscience indépendante pour laquelle l'être pour-soi estessence, l'autre est la conscience dépendante qui a pour essence la vie ou l'être pour un autre; l'une est le maître,l'autre l'esclave.
» (Hegel, La phénoménologie de l'Esprit, Aubier)
VI - Les racines du pouvoir : l'apport psychanalytique
L'esclave est donc celui qui a peur de la mort : cela est vrai, et nous ne pouvons éliminer l'explication hégélienne,forte et juste.
Mais il semble qu'il faille aussi comprendre le pouvoir en termes de désir, comme si la figure d'unmaître tout-puissant alimentait nos imaginations et nos coeurs, comme si le fantasme du maître était notre propreet profonde création, parce que nous avons été enfants avant que d'être hommes.
En effet, dans l'enfance, nousavons été assujettis à la loi du Père, qui apporte ses normes et ses valeurs.
Dans cet assujettissement, l'enfantexpérimente un dressage de toute sa personnalité.
Dès lors, la figure du Maître le fascinera jusqu'à l'âge adulte etdurant toute son existence.
En somme, l'adulte se soumettant au Pouvoir réitère le mot d'ordre de son enfance :«soumets-toi à la loi et je te donnerai mon affection et mon amour».
La figure du Maître et du dominant, c'est avanttout celle du Père et de l'éducateur.Il faut, dès lors, comprendre le pouvoir en termes de désir.
Le sujet adapté à une puissance autoritaire est docileparce que sa sexualité (au sens large et freudien du terme) a été domptée durant son enfance et parce qu'il désirefondamentalement l'oppression.
Telle est la théorie de Wilhelm Reich dans Psychologie de masse du fascisme : non,les peuples n'ont pas été trompés ; ils ont voulu leur oppression et l'ont entretenue.En somme, le pouvoir se fait désirer et il produit du plaisir : plaisir du dominant, mais aussi du dominé.
Dans ces jeuxdu pouvoir, c'est la figure immémoriale du Père et de la Loi qui nous hante.
Conclusion
L'étude du pouvoir relève de la sphère politique, de la sociologie, mais aussi de la psychanalyse et de la psychologie.La domination et la soumission ne sauraient se comprendre sans une obscure relation au désir et aux fantasmes..
»
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