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Faut-il vouloir la paix à tout prix ?

Publié le 09/04/2004

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Vocabulaire: PAIX: Absence de conflit armé entre des nations, des États, des groupes humains. Par extension, concorde, entente. VOLONTÉ / VOULOIR: Du latin voluntas, «volonté«, «désir«, «intention«. 1. Faculté de vouloir, pouvoir de se déterminer pour des motifs raisonnables. 2. Acte particulier de la faculté de vouloir (exemple: ses «dernières volontés«), volition. 3. Chez Schopenhauer, vouloir-vivre universel, «poussée aveugle et irrésistible« qui vise, en tout être vivant, la survie de l'espèce. Un acte est volontaire quand il trouve son principe dans une libre décision du sujet.

 

L'histoire de l'humanité est marquée par une succession de guerres. Malgré tout, et peut-être à cause de cela, la paix est l'objectif de tous les hommes. Comme le sous-entend le sujet, il faut vouloir la paix. Mais jusqu'où peut-on aller ? La paix aurait-elle une valeur si grande qu'elle mériterait qu'on lui sacrifie tout ? Mais alors, ce prix à payer peut être la paix elle-même. Afin de parvenir à donner des limites à l'effort de paix, il faut avant tout réussir à déterminer sa valeur. Nous pourrons ensuite nous demander s'il n'existe pas d'autres valeurs pour lesquelles on pourrait sacrifier la paix.

 

« excitant les haines xénophobes, la situation de guerre est propice à tous les crimes.

Qu'on se souvienne seulementdes Oradour-sur-Glane, des camps de Sabra et Chatila.Plus fondamentalement, le caractère immoral de la guerre tient au fait que l'homme, matériel humain pour descombats, y est toujours considéré et utilisé comme moyen.

Alain, dans Mars ou la guerre jugée, voit dans cet usagecriminel que la guerre fait de l'homme une raison essentielle pour désigner la guerre comme la négation de toutes lesvaleurs (Ch.

LXXIII « Le cadavre »).Mais de ce que la guerre est une sorte de mal absolu, faut-il conclure que la paix est une valeur en tant que telle?Cette conclusion serait légitime si l'on pouvait définir la paix comme l'absence de troubles, de conflits, de guerres.En ce sens négatif du motpaix », où « paix » n'est pas différent de calme, on peut dire que la paixrègne dans les cimetières.

Mais dans le Traité politique, Spinoza met en évidence l'insuffisance d'une définitionseulement négative de la paix.On ne saurait appeler « paix » la simple absence de guerre, de troubles, qu'un État peut par exemple obtenir sur sonterritoire en faisant régner la terreur.

Si la paix ne contient rien de plus que le calme, elle n'est qu'un fait, une sortede heureux hasard.

Rien ne garantit qu'elle durera; le calme souvent précède la tempête.La réflexion de Kant, dans le Projet de paix perpétuelle, a profondément renouvelé le concept de paix.

Kant a montréqu'il n'y a de paix authentique que garantie par un accord fondé sur le droit.

La paix entre les États exige que ceux-ci sortent de l' « état de nature » pour entrer dans l' « état civil ».

Tant que deux États vivent simplement l'un àcôté de l'autre, tant qu'aucun droit ne garantit la permanence d'une relation pacifique, le risque de guerre existe.Tout état de nature est un état de guerre en puissance.

Garantie par des traités, la paix véritable est perpétuelle. L'originalité du texte de Kant, paru pour la première fois en 1795 alors quel'Europe est dévastée par des guerres qui désormais ne concernent plusseulement les « professionnels » (cf.

la levée en masse du côté français),tient déjà au titre retenu.

Certes, il fait allusion à l'abbé de Saint-Pierre dontle Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe eut un réel retentissementen 1713, au lendemain des campagnes de Louis XIV.

Mais Kant a, de façonsignificative, éliminé toute référence circonstancielle.

Il s'agit désormais depenser la paix comme une exigence universelle, et d'autre part d'arrachercelle-ci à la guerre.

Rechercher la paix perpétuelle, c'est se donner lesmoyens d'éliminer de façon définitive la guerre.Après avoir toutefois rappelé que la guerre est aussi un facteur de progrès(elle pousse les peuples à s'installer dans des régions inconnues, elle mobilisetoutes les énergies techniciennes), Kant expose les conditions selon luinécessaires à la disparition des conflits internationaux.

Il plaide ainsi enfaveur de la dissolution des armées de professionnels et des arméespermanentes — « Les armées permanentes doivent entièrement disparaîtreavec le temps ».

Lorsqu'on dispose d'une arme à portée de main on esttoujours enclin à l'utiliser.

Il faut en outre que le régime républicain progresseà travers l'Europe.

Là, les sujets sont des citoyens et décident eux-mêmes dela guerre et de la paix, ils n'abandonnent pas le sort de la communauté aucaprice d'un Prince et à la défense de ses intérêts particuliers.

Enfin, Kantpropose de soumettre les nations à une autorité commune, sur le modèle du pacte social, car la sécurité passe par la contrainte :« Il n'y a, aux yeux de la raison, pour les états considérés dans leurs relations réciproques, d'autre moyen de sortirde l'état de guerre où les retient l'absence de toute loi, que de renoncer, comme les individus, à leur libertésauvage, pour se soumettre à la contrainte des lois publiques et former ainsi un Etat de nations qui croîtrait toujourset embrasserait à la fin tous les peuples de la terre.

»Le cosmopolitisme est le plan caché de la Nature et la paix perpétuelle en est l'un des agents.

Or, ce cosmopolitismeapparaît d'abord comme une idée régulatrice destinée à nous permettre de penser le progrès de l'espèce.

De mêmeque la Paix perpétuelle est un projet (jeter devant), un horizon.

Le texte de Kant a inspiré la création de la SDN etde l'oNu, avec des résultats mitigés on le sait. Telle est la paix qu'il faut vouloir.

La paix qui est accord rationnel des volontés de chacun des États.

La « non-guerre » qui résulte de l'asservissement ou d'un équilibre de la terreur n'a rien à voir avec la paix.

C'est l'une desraisons qui font qu'on ne peut pas dire du monde qu'il vit aujourd'hui en paix.

La valeur de la vraie paix ne vient pasde ses avantages (par exemple la tranquillité) mais du choix libre d'une autre voie que la violence.

n tant quepréférence pour la raison et le dialogue, la paix est bien conforme à l'humanité de l'homme. .../... Lorsqu'on dit de la paix qu'il faut la vouloir, ce dernier mot doit être entendu en son sens le plus fort.

Si vouloirsignifiait « préférer » ou « désirer ».

qui ne désirerait la paix ? Mais préférer la paix à la guerre, ce n'est pas encorevouloir la paix.

Vouloir la paix, c'est manifester une volonté positive, éventuellement militante, de sauvegarder lapaix à tout prix.

Dans Mars, Alain montre très bien que les guerres arrivent de ce qu'on ne croit plus à la paix, qu'onne la veut plus vraiment.

Au chapitre LXXVI, « Du souverain ».

Alain place l'individu devant ses responsabilités :avant de me préoccuper de savoir si tout le monde autour de moi veut la guerre, il m'appartient en toute liberté (entoute souveraineté) de décider si elle arrivera aussi par ma volonté ou non.

Ne soyons pas trop pressés d'enterrer la. »

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