Faut-il vivre sans passion ?
Publié le 11/08/2009
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Le même événement apparaît comme action du point de vue de celui qui la fait et comme passion du point de vue de celui qui la subit. La passion et l'action sont réciproques, sont la même chose, mais de deux points de vue différents. Exemple: un corps (une boule de billard) en heurte un autre qui était immobile et le met en mouvement. Le premier agit et le second réagit, c'est-à-dire subit. La réaction n'est pas une action, elle n'est pas spontanée; c'est une passion, elle se caractérise par sa passivité. C'est le même événement que l'on appelle dans un cas action, et dans l'autre passion. Toute passion est l'envers d'une action. Descartes, les Passions de l'âme, § 1: ce qui arrive à un être "est généralement appelé par les philosophes une passion au regard du sujet auquel il arrive, et une action au regard de celui qui fait qu'il arrive ". Une passion de l'âme est réaction à quelque chose d'étranger à la raison. La passion de l'âme, selon Descartes, a sa source dans le corps. La passion de l'âme, c'est l'action du corps. Par conséquent, l'âme se trouve dans un état de passivité par rapport à la passion qu'elle subit. Une telle définition est conforme à l'étymologie, qui fait de la passion un " pâtir ". En effet, le latin patior signifie subir. La passion est donc passivité pour l'âme. Le passionné se trouve sous la dépendance de l'objet de sa passion. La passion est une servitude qui, parce qu'elle grossit la valeur de son objet, conduit à l'excès, et ainsi à des comportements irrationnels. Que l'on pense par exemple au personnage de Molière, l'avare, dont la cupidité lui fait perdre tout sens de la mesure.
Si toute passion conduit nécessairement à une telle conduite, il faut donc s'efforcer de vivre sans passion, s'efforcer de vaincre ses passions, pour se conduire conformément à la sagesse. Mais toute passion n'est peut-être pas mauvaise. Bien plus, que serait une vie sans passion ? Il faut vérifier qu'elle vaudrait la peine d'être vécue avant de condamner les passions.
«
l'âme.
La passion, une fois qu'on lui a cédé, n'a plus de raison de cesser.
Pour la satisfaire, il en faudra toujours plus.Le joueur pourra tout miser, jusqu'à la ruine, l'avare entasser un vrai trésor et pourtant vivre dans la misère.
Quantau débauché, il lui faudra des plaisirs toujours plus nombreux, raffinés et variés pour satisfaire son appétit.
On selasse des plaisirs que l'on obtient.
Cette accoutumance engendre des besoins toujours plus nombreux.
La passionest donc, par essence, insatiable.
Le passionné ne pourra jamais être satisfait.
C'est pourquoi Platon, dans Gorgias , compare l'âme du passionné à un tonneau percé: la passion témoigne d'un désir, d'un manque qu'il est impossible decombler.
2.
La passion rend aveugle
La passion, par exemple celle du jeu, est une servitude.
Elle est dévorante et ruineuse parce que exclusive.
L'hommeen proie à la passion du jeu en vient à oublier son propre intérêt.
La passion prend le pas sur toute résolution, surl'intérêt véritable de l'individu, et même sur toute autre désir (l'amour pour la jeune fille).
Tout se passe comme sideux passions ne pouvaient pas coexister [Note 2] .
Kant définit la passion comme une tendance, une inclination (ce qui fait pencher vers...), un penchant qui empêche que la raison ne la compare avec les autres pour faire un choix[Note 3] .
Descartes donne l'exemple de la colère.
"Par exemple la colère peut quelquefois exciter en nous des désirs de vengeance si violents qu'elle nous fera imaginer plus de plaisir à châtier notre ennemi qu'à conserver notrehonneur ou notre vie" ( Lettre à Elisabeth , 1645).
La colère peut ainsi devenir une passion lorsqu'elle s'installe dans la durée, sous forme de désir de vengeance ou de haine.
Dans l' Anthropologie , Kant définit l'émotion comme violente et passagère, et la passion comme moins intense mais plus durable, si bien qu'une fois installée, elle commandenotre conduite.
Alors elle devient exclusive, hégémonique.
Même si l'objet qu'elle fait poursuivre (argent, plaisir,gloire...) n'est pas mauvais en soi, le fait qu'il devienne mon but unique, aux dépens de tout autre, apparente lapassion à l'obsession.
Ainsi, le passionné perd sa lucidité, il juge mal, notamment la valeur de l'objet de sa passion.La passion grossit la valeur réelle de son objet.
La passion est donc un certain type de tendance: une tendance quiimplique un aveuglement.
Il est bien connu que l'amour rend aveugle, notamment à tout ce qui ne concerne pasl'être aimé, ou encore à ses défauts.
Lucrèce ( De la nature , chant IV, p.
184) raille les illusions que les amants se font au sujet de leurs maîtresses.
La passion est une sevitude et, en plus, elle fausse le jugement.
Cela semblejustifier la volonté de s'en défaire.
3.
L'impassibilité
La passion est un mouvement qui paraît irrésistible, et qui nuit au bon sens de celui qui en est atteint.
C'estpourquoi les philosophes ont souvent considéré les passions comme un mal dont il fallait se défaire.
Ainsi, l'idéal devie proposé par les stoïciens consiste à vaincre ses passions afin que la raison seule nous gouverne.
Etre stoïque,c'est précisément ne pas se laisser éblouir, ne pas se laisser emporter par le flot de la passion, mais resterimperturbable, indifférent, im-passible, a-pathique.
La devise stoïcienne, c'est "nihil admirari", que l'on peut traduirepar ne se laisser affecter, ne se laisser atteindre par rien.
Ou encore, "rien de trop": ce dernier aphorisme condamnel'excès de la passion.
Les passions principales, qui troublent l'âme, sont l'espoir et la crainte.
Ces deux passionsopposées sont liées, de sorte que l'une conduit à l'autre, et que l'âme se trouve ballottée entre les deux.
L'espoirengendre l'inquiétude.
Pour éviter tout espoir inutile, pour ne rien désirer qui soit impossible à atteindre, il fautsoigneusement distinguer ce qui dépend de nous de ce qui n'en dépend pas.
Ce qui ne dépend pas de nous: lesévénements, le cours du monde, mon corps, la maladie, ses douleurs.
Ce qui dépend de notre volonté: tout ce quiest de l'ordre de la subjectivité, de l'intériorité de la conscience, en particulier ma volonté et mes désirs.
Il fautsavoir accepter que tous nos désirs ne soient pas réalisables.
Dans ce cas, rien ne sert de s'entêter, car alors on setourmente inutilement.
En revanche, j'ai barre sur mes propres désirs.
Lorsqu'un désir n'est pas raisonnable, je peuxdonc le changer, par exemple y renoncer.
Descartes se souvient des stoïciens lorsqu'il écrit: "mieux vaut changerses désirs que le cours du monde" ( Discours de la méthode ).
La sagesse stoïcienne consiste donc dans la modération de ses désirs, qu'il faut adapter à la réalité.
Le sage ne désire que ce qu'il dépend de lui d'atteindre.
Ilrenonce à tout désir déraisonnable et irréalisable.
Ce qui dépasse le pouvoir de sa volonté, il l'accepte tel quel."Abstiens-toi et supporte", conseille Marc Aurèle.
Ainsi, le sage stoïcien sera imperturbable, parce que sans passion.
II.
Contradiction entre la vie et l'impassibilité
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Cependant, n'y aurait-il pas excès à vouloir extirper toute passion de l'existence humaine? Vouloir vivre sans aucunepassion, n'est-ce pas vouloir s'égaler aux dieux, manquer de modestie quant aux pouvoirs de la volonté et de l'espritsur le corps? Faut-il, pour éviter les égarements des passions, mener nécessairement une vie d'ascète[Déf.
:s'impose une discipline de vie, des privations], afin de se faire semblable à une pierre, sans désir? Une vie sanspassion est inconcevable, car la passion a une fonction vitale; cet idéal ascétique, qui voudrait soumettre tout cequi est corps à la raison ne tient pas compte de la réalité de la condition de l'homme - un homme n'est passeulement esprit, il est aussi corps, si bien qu'un homme sans passion serait un dieu ou un saint, un surhomme.
1.
Fonction vitale des passions
Vivre sans aucune passion est impossible, parce que le fait d'être vivant implique d'avoir un corps qui estnécessairement affecté par le dehors.
C'est ce que montre Descartes, dans les Passions de l'âme : toute passion de.
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