Faut-il tenir les scientifiques pour responsables de l'usage que l'on fait de leurs découvertes ?
Publié le 07/01/2004
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Analyse du sujet :
- Faut-il : Le verbe « falloir « marque la nécessité, l’obligation. L’interrogation porte sur la façon dont on doit juger, considérer les scientifiques. Il s’agit de trancher sur leur responsabilité.
- Scientifiques :Le mot « science «, du latin scientia, signifie connaissance. La démarche scientifique s’appuie sur un refus des dogmes et sur un examen raisonné du monde. Si au départ, la science est directement liée à la philosophie et a pour tâche d’élucider les mystères du monde par l’intermédiaire de la raison, elle devient peu à eu indépendante de cette démarche philosophique et se divisent en plusieurs disciplines particulières (chimie, physique, optique etc.). Le scientifique est donc un spécialiste dans un domaine particulier de la science, une personne qui se consacre à l’étude rigoureuse d’un champ déterminé et qui découvre et produit des connaissances qui résistent à l’examen critique rationnel et qui sont sensées faire avancer l’homme et améliorer l’humanité.
- Responsables : du latin respondere, répondre. La responsabilité de ses actes implique que l’on les assume totalement ainsi que leurs conséquences. La responsabilité implique une certaine maturité intellectuelle qui fait que l’on est capable de prendre les bonnes décisions, d’une façon raisonnable et avisée.
- Usage : action, fait de se servir de quelque chose, emploi. Ici : ce qu’il advient des découvertes des scientifiques, la façon dont l’humanité décide de les utiliser. L’usage peut tout aussi bien respecter la découverte et l’employer dans la direction pour laquelle elle a été créée ou bien, l’usage peut pervertir une découverte c’est-à-dire, la détourner du but premier, l’utiliser pour autre chose.
- Découvertes : correspondent au résultat du travail et des recherches des scientifiques. La découverte est par nature quelque chose de nouveau, elle ouvre de nouvelles perspectives et offre de nouvelles clés pour appréhender et comprendre le monde dans lequel nous vivons. Une découverte aide à maîtriser notre environnement ou encore notre nature. Elle inscrit l’humanité dans une démarche de progrès et d’amélioration. La question posée par la découverte est celle de sa finalité. Le chercheur, le scientifique découvre t-il simplement pour mieux comprendre le monde et sa structure ou bien dans le but d’accomplir quelque chose ?
Problématique :
Cette question sur la responsabilité des scientifiques par rapport à l’avenir de leurs découvertes et à la manière dont elles sont utilisées par l’humanité, soulève un questionnement à la fois éthique et moral.
En effet, la question est de savoir si le scientifique doit avant tout se considérer comme un scientifique et ainsi se limiter à sa fonction scientifique, c’est-à-dire privilégier sa recherche sans se préoccuper des conséquences, étudier afin de mieux comprendre et de faire des découvertes qui permettent de développer les connaissances et d’améliorer la maîtrise de la nature, du corps humain etc. Ou bien au contraire, le scientifique doit-il savoir sortir de ce rôle scientifique et se placer du point de vue de l’humanité de façon à prendre en compte le fait que ses découvertes puissent être mal utilisées, employées à des fins mauvaise et néfastes ? Doit-il avoir conscience de l’impact que peuvent avoir ses découvertes si elles sont mal utilisées ? Et, en partant de ce constat, doit-il se réserver le droit de communiquer ou non ses découvertes ? Peut-on penser que le scientifique engage sa responsabilité par rapport à l’action des autres parce qu’il a choisi de diffuser des informations capitales et nouvelles qui permettent une avancée et que de plus il a agit en connaissance de cause puisqu’il est suffisamment avisé pour reconnaître l’impact et les enjeux divers que peut provoquer sa découverte ? Ou bien encore peut-on penser que le scientifique n’est en aucun cas responsable de ce que les autres hommes feront de sa découverte puisqu’ils sont libres d’agir comme bon leur semble, qu’ils peuvent l’employer d’une façon bonne ou mauvaise et que le scientifique se contente de faire son travail –une découverte n’étant en soi ni bonne ni mauvaise– sans dicter la conduite à suivre. Ainsi, la question de la responsabilité s’articule t-elle sur celle de la liberté et du libre arbitre de chacun. Le scientifique en tant que scientifique doit-il être jugé plus conscient (puisqu’il est spécialiste) que les autres hommes de l’impact de ses découvertes et doit-il pour cette raison être tenu pour responsable de l’action des autres et de l’emploi futur de ses découvertes ? Est-ce que l’avenir et l’usage des découvertes scientifiques dépend directement du scientifique et de son libre-arbitre ?
«
perfectibilité de l'homme.
En ce sens, le travail du scientifique est indispensable, il n'est pas question ici de saresponsabilité mais de l'apport qu'il amène.C'est aussi l'idée développée par les encyclopédistes tels D'Alembert et Diderot.
Il faut accroître le savoir et lesconnaissances de façon à améliorer l'humanité.
C'est l'objectif qu'il faut atteindre.
On ne songe alors pas auxconséquences.
2-Cependant, cette position est à nuancer
En effet, en agissant de la sorte, l'homme se compare à Dieu et sa curiosité est un signe d'orgueil (SaintAugustin).Mythe du Protagoras : Prométhée apporte la connaissance aux hommes et il est puni par Zeus, attaché au sommet d'une colline et un vautour lui dévore sans cesse son foi renaissant.Il faut aussi penser au revers que peuvent avoir les découvertes.
Celles-ci n'engendrent pas forcément quedes choses positives pour l'humanité.Exemple : Albert Einstein et sa théorie sur le rapport de la masse et de l'énergie : à la base on considère cettedécouverte comme un moyen d'accéder à une source illimitée d'énergie pour le bénéfice de l'humanité.Or, ces mêmes recherches conduisent à la confection de la bombe nucléaire et donc à la destruction del'humanité : Projet Manhattan effectué pendant la seconde guerre mondiale suite à une lettre de Einsteinadressée au président Roosevelt pour le prévenir que l'Allemagne nazie travaillait sur un projet équivalent.La responsabilité de Einstein en tant que scientifique est-elle engagée ? Pas directement puisque sa recherchen'était pas effectuer dans le but de trouver un moyen de tuer mais dans le but d'améliorer la conditionhumaine.Cependant, sa responsabilité personnelle du fait du rôle qu'il a joué pour encourager ce projet est impliquée :Suite aux bombardements d'Hiroshima il exprime ses regrets : « Si j'avais su que la peur que les Allemandsdéveloppent la bombe, n'était pas justifiée, je n'aurais pas participé à l'ouverture de cette boîte de Pandore ».
3-Ainsi, le scientifique est responsable à un niveau éthique
Même si sa responsabilité n'est pas impliquée directement, on peut considérer que le scientifique doit fairepreuve de mesure et d'acuité afin de juger si les hommes sont suffisamment responsables pour accueillir desdécouvertes nouvelles et les utiliser à bon escient.Thèse de Hans Jonas.
Il fonde une nouvelle éthique de la responsabilité.
On a en effet, assisté lors de ce dernier siècle à des conséquences perverses de la technique.
Hans Jonas affirmeque" La promesse de la technique moderne s'est inversée en menace" .
Les risques que fait peser la technique sur lanature sont considérables : penser au nuage radioactif à la suite de l'explosion de l'usine de Tchernobyl, auréchauffement climatique ou à la pollution des mers et océans.
L'homme dans son désir de produire toujours plus, nes'est plus soucié de ce qui lui a donné naissance.
Aujourd'hui la technique met en péril la possibilité même d'une viehumaine future.
C'est pourquoi certains philosophes ont tiré la sonnette d'alarme et ont montré l'urgence de repenser l'utilisation dela technique.
Comme nous l'avons dit, laisser la technique détruire la nature, c'est en définitive condamner nonseulement la technique elle-même, mais toute forme de vie.
Celle-ci peut pourtant être bénéfique pour l'homme maisaussi pour la nature.
Pourquoi ne pas employer en effet, l'activité technique à assurer le maintien et la richesse dela nature? Mais pour cela, Bergson affirme qu'il revient à l'homme d'organiser le progrès technique et lui assigner lesfins bénéfiques à l'homme." Dune manière générale, l'industrie ne s'est pas assez souciée de la plus ou moins grandeimportance des besoins à satisfaire.
[...] On voudrait, ici comme ailleurs, une pensée centrale, organisatrice, qui[...]assignât aux machines leur place rationnelle, celle où elles peuvent rendre le plus grand service à l'humanité." Ils'agit alors de concevoir une technique qui soit bel et bien dominée par l'homme.
C'est pour cela aussi qu'Hans Jonas demande à l'humanité d'inventer une nouvelle éthique et une véritable politiquede responsabilité.
Pour le philosophe, il est important d'agir en vue de garantir la possibilité d'une vieauthentiquement humaine dans le futur, l'intégrité de l'homme et la survie de la nature, comme fondement de toutechose.
La technique nous apporte ce que nous voulons qu'elle nous apporte.
Pour qu'elle nous mène vers le bien-êtregénéralisé, il faut manifester une volonté de reprendre à notre compte le contrôle de la technique et de décider del'humanité et du monde que nous voulons pour demain.
danger des derniers développement techniques, menace pour l'environnement et l'humanité.Cela implique et même impose qu'il faut prendre en compte des obligations et des devoirs vis-à-vis de laplanète et des générations futures.
De ce point de vue, le scientifique est responsable de ses découvertes etdonc de l'usage que l'on en fait.Impératifs catégoriques : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanenced'une vie authentiquement humaine sur terre » ou « Agis de façon que les effets de ton action ne soient pasdestructeurs pour la possibilité future d'une telle vie »..
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