Faut-il se battre pour être reconnu par les autres ?
Publié le 04/02/2004
Extrait du document
- 1) La lutte pour la reconnaissance ou la dialectique du maître et de l'esclave. Il faut se battre pour être reconnu par autrui.
- 2) Autrui comme condition de possibilité de mon humanité.
- 3) La réciprocité sans conflit. Il n'est pas nécessaire de se battre pour être reconnu par autrui.
«
[III.
La réciprocité sans conflit]
Être reconnu par les autres, c'est aussi affirmer que l'on appartient à l'humanité, mais ce n'est pas nécessairementrevendiquer une place dominante par rapport aux autres.
Être humain ne s'effectue d'abord que dans la réciprocité,dans l'échange, c'est-à-dire dans la multiplication infinie de la différence.La reconnaissance que je peux espérer des autres concerne la dimension par laquelle je ne peux être confondu aveceux, alors même que nous participons d'une commune façon d'exister.
Mais elle n'a de validité que si les autres sonten même temps mes égaux : que vaudrait une reconnaissance provenant de mes inférieurs (le surhommenietzschéen n'attend rien des « esclaves », et pas même qu'ils le reconnaissent comme étant au-delà d'eux, parcequ'il admet qu'une telle reconnaissance, venant de si bas, serait sans valeur) ? Je ne peux éprouver de satisfactionqu'à partir d'une reconnaissance provenant d'autres qui ont la même « valeur » que moi ou la même « importance » :il faut donc qu'ils soient mes égaux.Dans ces conditions, la reconnaissance implique la réciprocité, et c'est bien pourquoi Emmanuel Levinas accordetant d'importance à l'expérience radicale qu'il nomme le « face-à-face », et à la signification éthique du visage quis'y manifeste.
Je ne puis ainsi être reconnu par les autres que si je les reconnais simultanément, sur l'horizon denotre différence, ou de l'altérité qui fait de chacun de nous ce qu'il est.Le face-à-face est une épreuve, car les sujets s'y trouvent démunis de toute appartenance à un groupe (ce queLevinas nomme un « troisième terme ») leur donnant une définition ou une consistance.
Mais c'est du fond de leursolitude qu'ils sont amenés à reconnaître dans le visage de l'autre, et dans son regard, la présence de la loi morale,ce « Tu ne tueras pas » par quoi commence l'existence authentiquement humaine (par où elle marque son écartrelativement à l'animalité).
Admettre que l'autre signifie cela pour moi, c'est vivre ce qu'il vit en même temps quemoi, et donc « savoir » que je le signifie aussi pour lui.
Cette relation, idéalement pacifiée, nous ouvre la possibilitéd'une reconnaissance réciproque en même temps que d'une inscription simultanée dans l'humanité.
[Conclusion]
Le conflit, même s'il abonde dans l'histoire, ne peut mener qu'à être reconnu par un inférieur (puisque vaincu) etreste insatisfaisant.
Aussi le souci légitime d'être reconnu — moins pour ce que l'on est, ou croit être, en propre quepour ce que l'on représente ou ce à quoi on appartient (l'humanité) — ne peut-il être comblé que si ceux qui mereconnaissent sont en même temps accueillis comme mes égaux : l'accueil est alors réciproque, il coupe court àtoute violence.
Une telle solution peut sembler irréaliste, sinon idéaliste ; elle s'offre pourtant comme un pari sur lapossibilité de l'humain, et rejoint ainsi la trame de l'histoire même de l'homme.
Que peut être en effet ce dernier,sinon celui qui n'en finit pas de parier sur la possibilité de sa propre dignité ?.
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