Faut-il renoncer à l'idée que l'histoire a un sens?
Publié le 18/03/2005
Extrait du document
Cette finalité peut apparaître en tant que telle aux acteurs de l'histoire comme un motif qui les guide, ou au contraire ne se manifester qu'après coup comme une leçon de l'histoire à laquelle les hommes ont contribué malgré eux.
C. Histoires particulières et histoire universelle.
La tâche d'assigner une signification à un ensemble de faits historiques incombe avant tout à l'historien qui peut se prévaloir du recul et de la vision globale que lui procure sa position. Un spécialiste de l'histoire des techniques peut ainsi saisir plus facilement le sens du développement des productions humaines, qui peut ainsi être celui d'une appropriation croissante par l'homme des ressources que lui offre la nature, que cette maîtrise croissante soit le simple produit du progrès du savoir scientifique, qu'elle résulte d'abord de la multiplication des besoins humains ou de la nécessité pour les acteurs économiques de dépasser leurs concurrents. Chaque histoire, celle des sciences, des techniques, des arts ou des religions, présente ainsi un sens particulier, et plutôt que de parler en général du sens de l'histoire, il conviendrait de préciser le sens de chacune des histoires particulières. Au nombre de ces dernières figurent aussi les histoires régionales ou locales, comme celle d'un peuple, d'un État, d'une cité, d'un empire. Le sens de ces histoires particulières, même s'il est plus facilement saisissable, ne doit pas pour autant être isolé du sens de l'histoire universelle : le monde forme un tout fini dont l'histoire est, en dernière analyse, unique, ou tend à s'unifier. Poser la question du sens de l'histoire, c'est poser par excellence celle de l'histoire universelle, de l'histoire de l'humanité, dont les histoires particulières ne sont pas des parties indépendantes ou autonomes.
1 - Quelles sont les deux façons de comprendre l'expression « le sens de l'histoire « ? 2 - Ces deux significations sont-elles liées entre elles ? 3 - Quelles raisons a-t-on d'adhérer à cette idée ? 4 - Que suppose l'idée de « renoncer « à cette idée ? 5 - Pourquoi nous est-il demandé s'« il faut « y renoncer ?
«
préalablement expliqués.
L'interprétation devrait certes toujours suivre l'explication, mais souvent l'une et l'autresont inextricablement mêlées, au détriment de l'objectivité du travail historique.
Car l'interprétation de phénomèneshistoriques, qui couronne d'une certaine façon le travail de l'historien, laisse nécessairement une place à lasubjectivité.
On ne demande plus en effet seulement à l'historien d'expliquer, de rendre compte, mais de s'engager,de juger.
L'interprétation n'est pas condamnable pour autant, ou alors toute subjectivité, tout jugement, toute prisede position le seraient.
L'interprétation est en effet réflexion sur l'histoire, et non pas détermination de causesparticulières, ou, pour reprendre les termes de Kant dans la Critique de la faculté de juger, jugement réfléchissant(jugement de finalité) et non pas jugement déterminant (jugement de connaissance).
B.
Un sens qui échappe aux acteurs de l'histoire.
C'est pour cette raison que le sens de l'histoire n'apparaît qu'exceptionnellement à ceux qui en sont les acteurs.
Ilfaut en effet un sens historique rare pour se rendre compte à l'instant même de la portée d'actes que l'on est entrain d'accomplir.
Le sens de l'histoire n'apparaît que rétrospectivement.
Les acteurs sont privés pour ainsi dire deleurs actes.
Les hommes ne sont à ce titre que les dupes, les instruments de l'histoire.
Qui oserait par exempleproclamer aujourd'hui que le sens de toute l'histoire des sociétés industrielles est celui d'un progrès techniqueprofitant à tous, d'un plus grand bien-être social? Ce qui semblait vrai il y a vingt ou trente ans semble être devenufaux.
L'historien lui-même est pris dans le processus de l'histoire et le sens qu'il lui attribue dépend pour une largepart de l'histoire qui lui est contemporaine.
C.
L'inachèvement de l'histoire.
NOTE SUR HEGEL ET LA FIN DE L'HISTOIRE: De même que la mort de l'art n'interdit pas la création d'oeuvres ultérieures, la fin de l'Histoire ne signifiepas qu'il n'y aura plus aucun événement possibles (révolutions, guerres, etc.)Mais, cela veut dire qu'à partir du moment où le sens de l'Histoire a étédécouvert (l'universelle liberté et rationalité du monde), plus rien ne peut allerau-delà car aucun principe en effet ne saurait dépasser la Liberté et laRaison, qui ne sont autres que la vie et la vérité de l'Esprit.
L'histoire du XXe siècle est pleine de ces péripéties.
La Première Guerremondiale devait être la «der des ders» et ne l'est restée que vingt ans; laSeconde Guerre mondiale, suivie de la guerre froide, en a laissé craindre unetroisième pendant près de cinquante ans, alors que les conflits sont restésgéographiquement localisés.
Cette succession d'attentes et de craintescontradictoires semble inévitable puisque, par essence, l'histoire estinachevée et par là toujours ouverte.
Nul sens définitif ne peut être attribués'il n'y a pas de fin de l'histoire entendue comme son terme.
Quand bien mêmeune paix durable s'installerait sur le monde, nous ne serions jamais en étatd'affirmer que le sens de l'histoire consiste en cette pacification définitive,puisque nous ne pouvons jamais prévoir l'avenir de façon certaine.
L'histoireest pleine de coups de théâtre, de rebondissements qui interdisent de lui assigner un sens absolu.
Il n'y a ainsi de sens de l'histoire définitivement établi que des nations ou des empiresdisparus ou vaincus tel celui des Mèdes et Perses.
La seule signification assurée serait négative et conclurait à lafugacité de toute chose.
Une telle conclusion négative rend par là indéterminable le sens général de l'histoire.
3.
L'obligation de croire en un sens de l'histoire
A.
Le sens comme condition de l'histoire.
L'affirmation de l'indéterminabilité du sens de l'histoire ne signifie pas pour autant que l'on puisse se dispenser de cedernier.
La nécessité d'attribuer un sens à l'histoire est en cela une nécessité de l'action.
Toute action dans lemonde témoigne d'une volonté de modifier ce dernier d'une certaine manière, et cette volonté de chacun d'agirtémoigne de la croyance en un sens de cette même histoire.
Ainsi Kant notait-il dans son opuscule Théorie etpratique que le simple fait de prétendre que l'histoire universelle n'est que celle d'une succession de progrès et deretours en arrière s'annulant mutuellement constituait en fait une affirmation positive : car une telle affirmation, dumoment qu'elle est proférée, témoigne de la volonté d'éclairer, de faire oeuvre utile et profitable à tous, et possèdepar là une signification qu'elle ignore.
De même, le travail de l'historien, s'il ne se limite pas à dresser une collectiond'anecdotes, présuppose la possibilité d'un sens de l'histoire, que celui-ci soit explicitement formulé ou non.
Un sens,si dérisoire semble-t-il, doit pouvoir être attribué à l'histoire sans quoi celle-ci perd toute consistance et s'évanouit.
B.
Le sens posé comme extérieur à l'histoire.
Ce sens qui doit être posé ne peut, comme nous l'avons vu, être déduit des événements de l'histoire.
Rien parmi lesfaits historiques ne peut, écrit encore Kant dans Théorie et pratique, établir une thèse plutôt qu'une autre.
Si aucunsens ne se dégage clairement de l'histoire universelle, c'est que le sens qui doit lui être assigné ne peut l'être qu'àcondition d'être posé comme quelque chose d'extérieur à cette histoire.
Le sens de l'histoire dépasse l'histoirecomme il dépasse les hommes.
Un sens déteminable dans l'histoire serait une contradiction dans les termes.
S'il fautposer un tel sens en dehors de l'histoire, ce ne peut être comme un au-delà, mais plutôt comme une fin, une limite.
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