Faut-il renoncer à faire du travail une valeur ?
Publié le 28/03/2005
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Faut-il dès lors renoncer à faire du travail une valeur? Nous commencerons par préciser en quoi il peut être présenté comme une valeur, puis nous examinerons les arguments en faveur d'un renoncement, avant de discuter les conséquences possibles de ces arguments.
I. En quoi le travail est-il une valeur.
Pour savoir s'il est possible, souhaitable ou inévitable de renoncer à faire du travail une valeur, il convient de se demander pour quelles raisons on peut vouloir en faire une valeur. * Une valeur économique.Le travail est l'élément de base du processus de la production matérielle et de toute l'activité économique en général : il a donc une valeur économique dans la mesure où il est producteur de biens, de services et généralement de richesses. * Une valeur sociale.Le travail a également une valeur sociale, par laquelle celui qui travailleest identifié comme possédant une certaine compétence et participant d'une façon déterminée à la vie de la cité. Le travail a ici une valeur en tant qu'il est source de reconnaissance, avec toutefois cette conséquence négative d'une chute parfois brutale dans la considération dont on bénéficiait lorsque l'on vient à perdre son emploi.
«
Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l'homme et lanature.
L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d'unepuissance naturelle.
Les forces dont son corps est doué, bras etjambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s'assimiler desmatières en leur donnant une forme utile à sa vie.
En même temps qu'ilagit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifiesa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent.
Nous nenous arrêterons pas à cet état primordial du travail, où il n'a pas encoredépouillé son mode purement instinctif.
Notre point de départ c'est letravail sous une forme qui appartient exclusivement à l'homme.
Unearaignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, etl'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté deplus d'un architecte.
Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvaisarchitecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la celluledans sa tête avant de la construire dans sa ruche.
Le résultat auquel letravail aboutit, préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur.Ce n'est pas qu'il opère seulement un changement de forme dans lesmatières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il aconscience, qui détermine comme loi son mode d'action, et auquel ildoit subordonner sa volonté.
Marx.
Ce passage est extrait du livre I du Capital, dans lequel Marx étudie le développement de la société capitaliste.
Il s'agit ici de montrer en quoi le travail est spécifiquement humain, c'est-à-dire propre à l'homme.Marx caractérise d'abord le travail comme une action par laquelle l'homme donne forme utile à la matière.
Cetteaction est une transformation par laquelle il « s'assimile » les matières naturelles, c'est-à-dire leur imprime sa marqueen les façonnant de telle sorte qu'elles répondent, sous forme d'objets, aux besoins de son corps.À ce niveau, rien ne vient pourtant encore distinguer le travail de l'homme de celui des animaux et notamment desinsectes qui, eux aussi, comme l'araignée ou l'abeille, transforment la matière et lui impriment leur marque.C'est pourquoi Marx doit préciser que cette définition donne simplement à l'homme le rôle d'une « puissance naturelle», au même titre que n'importe quel être vivant.
Cette définition est donc insuffisante et il s'agit de la dépasser sil'on veut montrer que l'homme seul connaît la dimension authentique du travail.La définition précédente ne ne nous livrait, en effet, qu'un « état primordial du travail » commun aux animaux et auxhommes et convenant aussi bien aux opérations accomplies sous l'effet d'un pur instinct.Ces dernières formes de travail sont primaires ou primordiales car elles développent une compétence purementaveugle, liée à la « programmation » biologique des espèces.
L'insecte, en effet, ne se représente pas l'action qu'il aà accomplir avant de l'effectuer, alors que l'homme possède la conscience du but qu'il cherche à réaliser et sereprésente en idée le résultat qu'il cherche volontairement à produire.Pourquoi dit-on alors que les abeilles ou que les araignées travaillent ? Il s'agit pour Marx d'une comparaisontrompeuse, fondée sur une simple ressemblance qui ne doit pas nous abuser, car il existe un abîme infranchissableentre l'instinct et la conscience.
Ce texte s'oppose à tous ceux qui louent la perfection du travail animal, guidé par un instinct qui ne connaît ni lestâtonnements ni les erreurs du travail humain dirigé par la conscience.L'instinct, dit-on, est finalisé, c'est-à-dire naturellement adapté à la réalisation d'un but atteint sans errements.Ainsi, les abeilles fabriquent leur miel et les araignées tissent leurs toiles sans jamais se tromper, car l'instinct estadapté à la réalisation de ces tâches, sans passer par les erreurs d'un perfectionnement progressif.
Nietzscheinsistera sur ce point, prenant appui sur la perfection de l'instinct animal pour critiquer la valeur de la consciencehumaine et mettre l'accent sur ses imperfections.
La démarche de Marx est tout autre.Marx montre qu'en réalité le véritable travail vaut par la possibilité d'un perfectionnement indéfini lié à la conscience,et que Rousseau avait appelé « perfectibilité », c'est-à-dire cette possibilité, spécifique à l'homme, de progresser àpartir de ses erreurs et de ses tâtonnements.
L'instinct, au contraire, est sans progrès, car il ne provient pas d'uneactivité consciente, capable d'innover.
Il est fixé, une fois pour toutes, au but qu'il est déterminé à réaliser.Toutefois, ce texte possède un autre enjeu.
En insistant sur le fait que le travail à dimension humaine repose sur laconscience qu'a le travailleur de ses actes et de son projet d'action, Marx s'oppose surtout à toutes les formesd'organisation du travail qui rompent le lien entre la pensée et l'action.
Celles-ci réduisent le travail à uncomportement répétitif, dénué de sens, et qui devient d'une cécité comparable à ce que constitue l'instinct chezl'animal.C'est la division du travail dans l'industrie, au XIX siècle, qui est mise ici en question.
Lorsqu'elle est appuyée parune mécanisation à outrance des moyens de production, organisée selon un travail à la chaîne, elle fait perdre autravailleur la conscience de l'unité et du sens de son travail.L'ouvrier, en particulier, perd dans ce cadre le rapport de la représentation à l'action, le lien de la volonté à laréalisation, puisque ses gestes deviennent aussi mécaniques que peuvent l'être, dans leur domaine propre, ceux desautomatismes de la biologie animale, que l'on a nommé instincts.
Or, le propre du travail humain est d'être conscientde lui-même, de sa finalité et de sa signification.
II.
Pourquoi renoncer à en faire une valeur?.
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