Faut-il préférer la recherche du bonheur à la recherche de la vérité ?
Publié le 16/09/2005
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L’adage « heureux les simples d’esprit « semble avertir celui qui l’entend que la connaissance correspond souvent à la perte d’une innocence. Se trouve ainsi placés en opposition le bien-être de celui qui ignore et les difficultés de celui qui sait. Ne faut-il en effet pas préférer une illusion sans repères ni connaissance du vrai, comme par exemple lorsqu’un médecin cache la vérité à un patient condamné par une maladie, plutôt que de savoir et désespérer devant une vérité qui affronte l’individu à une réalité inconfortable à laquelle il doit dès lors se confronter sans pouvoir la changer ? La question « faut-il préférer le bonheur à la vérité ? « s’avère en ce sens très problématique puisqu’elle propose de voir les rapports entre bonheur et vérité sur le mode d’une contradiction qui ne va pas de soi. Peut-on en effet considérer qu’un état de bien-être durable de l’homme passe nécessairement par l’absence d’une adéquation entre ce qu’il pense et ce dont il a conscience d’une part, et ce qui est réel et existe objectivement d’autre part ? Une telle contradiction est problématique dans la mesure où elle suppose que l’analyse subjective de soi s’écarte par principe d’une évaluation objective et universalisable qui rende compte réellement de la situation d’un homme. Il s’agira ainsi tout d’abord de comprendre en quel sens l’avis que peut émettre un homme sur lui-même peut s’écarter du vrai et conditionner le bonheur à un manque de sincérité et d’objectivité. Nous nous efforcerons toutefois de contester la pertinence d’un tel constat pour montrer que le bonheur dépend tout au contraire d’une lucidité existentielle qui ne passe pas tant pas le contentement béat que par l’honnêteté vis-à-vis de soi-même. Plus profondément enfin, nous tenterons de montrer que cette opposition entre bonheur et vérité est elle-même réductrice, puisque la vérité n’est, au yeux d’un individu, jamais une donnée objective que l’on préfèrerait au contentement, mais doit être plutôt vue comme une conviction subjective qui participe à la construction du bonheur.
«
Une des constances de la philosophie d' Epicure est de vanter le plaisir.
On retrouve la formule « Le plaisir est notre bien principal et inné » dans la « Lettre à Ménécée ».
Mais l'épicurisme ne correspond guère à l'image populaire que l'on en garde : celle du « bon vivant ».
Dans cette lettre, on lit : « Tout plaisir est de par sa nature propre un bien, mais tout plaisir ne doit pas être recherché ».
C'est à une compréhension véritable du plaisir, et à une gestion rationnelle des désirs que la philosophie d' Epicure nous invite, philosophie des « sombres temps », de l'époque troublée, violente, des successeurs d' Alexandre le Grand .
La « Lettre à Ménécée » est une description de la méthode apte à nous procurer le bonheur.
Car si tous les hommes cherchent le bonheur, ilssont, selon le mot d' Aristote , comme des archers qui ne savent pas où est la cible, incapables de la définir et de l'atteindre.
Epicure commence par expliquer que nous n'avons rien à redouter des dieux, vivants bienheureux qui ne se soucient pas des hommes, et que lamort n'est rien pour nous.
Débarrassés du souci du jugement divin et de lasurvie de l'âme, nous sommes alors aptes à bien vivre notre vie présente.Bien vivre notre existence veut dire parvenir au bonheur ici-bas, et celan'est possible que par un bon usage des plaisirs et des désirs.
L'homme est un être de désir, et selon qu'il parvient ou échoue à satisfaire ses désirs, il est heureux ou misérable.
Or, le bonheur est d'abord l'absence de souffrance physique ou psychologique.
C'est pourquoi Epicure déclare : « Une théorie non erronée des désirs sait rapporter tout choix à la santé du corps et à la tranquillité de l'âme puisque c'est là la perfection même de la vie heureuse.
Car tous nos actes visent à écarter la souffrance etla peur. »
Eprouver du plaisir, c'est d'abord combler un manque : boire quand on a soif, se rassurer quand on a peur. En soi, un plaisir est toujours bon, une souffrance, un désir non comblé, toujours mauvais.
Ainsi Epicure nous incite à classer nos désirs, et à adopter face à eux une stratégie telle que nous serons facilement comblés et rarement insatisfaits.
Il y a d'abord les désirs naturels (dont certains sont naturels et nécessaires et d'autres seulement naturels) ; et ensuite les désirs vains.
Les désirs naturels et nécessaires comprennent tous les désirs tels que, s'ilsne sont pas satisfaits, nous mourons (boire, manger, dormir).
Les désirs seulement naturels peuvent être le désir demanger tel ou tel plat, ou encore le désir sexuel, etc.
Mais il importe de comprendre qu'il y a des désirs vains ; désir de richesse, de gloire, d'immortalité, etc.
Ces désirs ont une particularité importante ; ils sont insatiables, illimités, ils n'ont jamais de fin.
Quand je connais un désir naturel, il cesse d'être dès qu'il est satisfait.
Une fois que j'ai mangé, je n'ai plus faim.
Ces plaisirs sont naturels parce qu'ils sont bornés : ils ont une limite naturelle.
A l'inverse, les désirs nonnaturels peuvent être dits vains parce qu'ils ne seront jamais comblés ; ils résident dans le principe du « toujours plus », l'illimité.
L'homme qui veut être riche, admiré, aimé, n'en a jamais fini de son désir.
Il est facile de comprendre que si je veux parvenir au bonheur, à la santé du corps et à la tranquillité de l'âme, je dois éliminer les désirs vains.
Le plaisir naît de ce qu'un désir est comblé.
Mais les désirs vains sont pardéfinition illimités.
Le plaisir que leur satisfaction procure est illusoire et ne sert qu'à les relancer.
A peine comblé, jeveux autre chose, je veux plus ; je ne cesse de désirer, donc de manquer, donc de souffrir.
L'homme des désirsvains, du « toujours plus », Platon le comparait déjà à un panier percé ; se condamner à ne jamais être comblé.
La première et principale leçon d' Epicure est donc celle-ci : ne pas céder aux désirs vains ; se contenter des désirs naturels.
Vivre en accord avec la nature consiste d'abord à ne pas céder au vertiges des désirsillusoires.
Epicure les nomme vains, notre époque parlerait d'une course à la consommation.
Il y a plus.
Certes tout plaisir est un bien en soi.
Mais certains plaisirs peuvent se révéler nuisibles.
Certes toute souffrance est un mal, mais endurer certaines douleurs peut se révéler utile.
Il ne faut pas rechercher toutplaisir, ni fuir toute douleur : il faut savoir raisonner, calculer les conséquences.
Il ne faut pas céder à l'attrait del'immédiat, mais avoir une certaine intelligence du plaisir.
On voit que nous sommes loin de l'image du « bonvivant », de celui qui jouit de façon primaire de tous les plaisirs qui s'offrent à lui.
Epicure va même jusqu'à prôner une certaine austérité.
Il faut dit-il « savoir se suffire à soi-même » ; cela veut dire savoir se contenter de peu.
Car « Tout ce qui est naturel est aisé à se procurer, mais tout ce qui est vain est difficile à avoir.
»
L'habitude de vivre simplement met à l'abri des coups du sort, tandis que l'habitude de vivre richement y.
»
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