Faut-il, pour le connaître, faire du vivant un objet ?
Publié le 17/01/2022
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J.
MoNod, Le hasard et la nécessité, Seuil.
I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?
Problème classique d'épistémologie.
Il s'agit de savoir dans quelle mesure il est nécessaire de faire du vivant unobjet pour l'étudier.
C'est la question de l'objectivation du vivant, et de ce qu'elle implique relativement à l'analysemécanique du vivant.Objectiver le vivant, est-ce considérer qu'il est régi par les lois ordinaires de la physique et de la chimie ? Est-cenécessairement le considérer comme une machine ?Enfin, il faut bien souligner la distinction entre le vivant, être organisé remplissant certaines fonctions, et la vie,principe métaphysique permettant de distinguer l'inertie du vivant.
II - UNE DÉMARCHE POSSIBLE.
A - CONNAÎTRE LE VIVANT APPELLE SON ÉTUDE DU POINT DE VUE DE LA SCIENCE.
Connaître quelque chose, c'est toujours le connaître scientifiquement.
Et cela exige qu'on en fasse un objet descience.Qu'est-ce à dire pour le vivant ? Comment faire du vivant un objet ? Réponse : en considérant qu'il ne fonctionnepas selon des lois différentes de celles qui régissent la matière inerte.Les mêmes lois physico-chimiques qui règlent la matière inerte règlent aussi le vivant.
Cela a pour conséquence defaire pièce à toute idée métaphysique de principe vital.C'est cette rupture épistémologique qui fait qu'on n'étudie plus la vie dans les laboratoires, mais uniquement lefonctionnement du vivant.
B - CONSIDÉRER LE VIVANT COMME UNE MACHINE.
C'est la position mécaniste, celle de Descartes notamment.
Elle est induite de la séparation métaphysique de l'âmeet du corps, de la substance sensible et de la vie.
Il faut donc considérer le vivant comme une espèce de machinedont le fonctionnement procède de la disposition de ses parties.
Le corps humain, comme le corps de l'animal, est une machine perfectionnée créée par Dieu.
Bien qu'infiniment pluscomplexe que nos machines, son fonctionnement se laisse expliquer de la même manière.
Les corps sont composésde nerfs et de muscles, comparables à des petits tuyaux, dans lesquels circule une matière subtile : les espritsanimaux.
Lorsque nous touchons un objet par exemple, nous en prenons une conscience tactile par l'effet de cesesprits animaux qui remontent jusqu'au cerveau par l'entremise des nerfs, et viennent heurter la "glande pinéale",siège de l'âme.
Il en est ainsi de tout le système sensorimoteur.
Si je veux me mouvoir, un grand nombre d'espritsanimaux seront canalisés vers les muscles qui seront sollicités pour accomplir ce mouvement.
La lumière, les odeurs,les sons, les goûts, la chaleur se propagent jusqu'à notre esprit par l'intermédiaire de nos nerfs qui canalisent cesparticules.
La faim, la soif, le sommeil, la veille, le rêve se produisent de la même manière : un déplacement d'espritsanimaux à l'intérieur des canalisations de la machinerie complexe de notre corps.
Il existe cependant une différencede mille entre un corps humain et un corps animal.
Aucun animal n'use jamais de signes, ou d'un quelconque langagepour exprimer une pensée.
On peut concevoir un automate qui réponde par la parole à certains messages simples :crier si on le touche, ou prononcer quelques phrases simples, mais aucun automate ne sera jamais en mesured'agencer une parole qui réponde au sens de ce qu'on lui dit.
Enfin, si un corps animal ou un automate peutaccomplir un nombre limité de tâches, parfois même mieux que nous, il ne peut aller au-delà.
Ce qui montre qu'ilsagissent par la disposition de leurs organes, et non par connaissance.
Ils sont dépourvus de pensée ou d'esprit.
Iln'y a que l'homme à disposer de cet instrument universel qu'est la raison et qui lui sert en toute occurrence afind'agir comme il convient.
Chaque organe de la machinerie animale, tout au contraire, est spécialisé.
Il lui faudrait -ce qui est impossible - un nombre infini d'organes pour faire autant de choses que notre raison nous le permet.
Toutefois ce modèle mécaniste, qui rend possible l'étude et la connaissance du vivant, suppose qu'on se limite à laconnaissance du fonctionnement du vivant, en considérant en outre que les machines ont une certaine facultéd'auto-réparation (Kant) et qu'elles ont le principe de leur organisation en elles-mêmes.
Kant rejette dans la Critique de la Faculté de juger (§73) ce principe d'une matière animée comme ne pouvant êtrepensé parce qu'il repose sur un cercle logique: nous ne pouvons avoir aucune expérience d'un tel principe qui sefonde sur une vie répandue dans la matière pour expliquer le vivant..
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