Faut-il perdre ses illusions ?
Publié le 16/09/2005
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HTML clipboard ► Il faut perdre ses illusions. • En commençant par là, on peut déjà être sûr de ne pas se trouver à court d'arguments en puisant chez de nombreux philosophes, tant la plupart d'entre eux sont partis en guerre contre les illusions en tout genre. Ainsi l'infatigable travail de Socrate n'est-il pas de lutter contre notre illusion de «savoir«? Si j'arrive à découvrir que tout ce que je sais, c'est... que je ne sais rien, alors s'ouvre en moi et devant moi la vraie et passionnante recherche, la curiosité féconde dans la conscience même des écueils de sa soif.
«
imaginaire produit à foison ces illusions sur les dieux, la nature ou les hommes qui nous font vivre dansl'asservissement de la peur, une vraie connaissance de ces réalités en revanche, nous délivre de ces chaînes ennous donnant assurance et autonomie à leur égard.
Le matérialisme contre les angoisses religieuses.
Une des premières cause d'angoisse chez les humains est, selon Epicure,l'inquiétude religieuse et la superstition.
Bien des hommes vivent dans lacrainte des dieux.
Ils ont peur que leur conduite, leurs désirs ne plaisent pasaux dieux, que ceux-ci jugent leurs actes immoraux ou offensants enversleurs lois et ne se décident à punir sévèrement les pauvres fauteurs, en lesécrasant de malheur dès cette vie ou en les châtiant après cette vie.
Ilspensent aussi qu'il faut rendre un culte scrupuleux à ces divinités, leuradresser des prières, des suppliques, leur faire des offrandes afin de seconcilier leurs bonnes grâces.
Car les dieux sont susceptibles, se vexent pourun rien, et sont parfois même jaloux du bonheur des simples mortels, qu'ils seplaisent alors à ruiner.
Toutes ces croyances qui empoisonnent la vie deshommes ne sont que des superstitions et des fariboles pour Epicure.Pour s'en convaincre, il faut rechercher quels sont les fondements réels deschoses, il faut une connaissance métaphysique, cad une science de latotalité du monde.
Celle-ci nous révélera que le principe de toutes choses estla matière, que tout ce qui existe est matériel.
Ainsi, la science peut expliquertous les événements du monde, tous les phénomènes de la Nature, mêmeceux qui étonnent et terrorisent le plus les hommes, comme procédant demécanismes matériels dépourvus de toute intention de nuire, et nullementd'esprits divins aux volontés variables.
Par exemple, les intempéries quidévastent vos biens et vous ruinent ne sont nullement l'expression d'une vengeance divine pour punir vos fautespassées, mais seulement la résultante de forces naturelles aveugles et indifférentes à votre devenir.
C'est cequ'établira de façon complète Lucrèce, en donnant même le luxe de plusieurs explications possibles des mêmesphénomènes, arguant du fait que l'essentiel n'est pas de connaître la vraie cause du phénomène, mais de savoir qu'ilpossède une cause matérielle non intentionnelle.
C'est en effet cela seul qui importe à notre bonheur, puisque cesavoir nous délivre des angoisses religieuses.
«Perdre ses illusions» dans une perspective cartésienne et résolument moderne, c'est même s'ouvrir délibérément aumonde, l'investir pleinement de toute notre avide curiosité, au lieu de rester frileusement replié sur notre petiteindividualité ! Une connaissance vraie est alors un gage d'action et d'emprise efficaces sur les réalités diverses denotre existence.Ainsi, en perdant ses illusions au profit d'un savoir objectif, l'homme gagne du pouvoir face à la puissancecontraignante de la nature ou de la société.Ce pouvoir, en tant qu'action libératrice, typique de l'homme dans sa nature pensante, dévoile alors l'humaincomme liberté.Ce dernier point ne pourrait-il constituer la valeur clé en laquelle s'enracineraient tous les arguments répertoriés,défendant l'idée qu«il faut perdre ses illusions»?
Il ne faut pas perdre ses illusions.Deux remarques méthodologiques s'imposent :D'abord, même si pour plus de clarté immédiate on affiche ainsi brutalement la nouvelle thèse à argumenter, notonsque la réflexion, elle, doit expliquer pourquoi elle investit une nouvelle direction de recherche.Il faudra donc trouver l'idée de liaison.Ensuite, même si j'aborde maintenant une position opposée à la précédente, sauf à me contredire ou annuler tout letravail de réflexion antérieure, il ne me faut pas renoncer aux raisons établissant l'exigence de perdre ses illusions.
Sij'y renonçais, cela signifierait que ces raisons n'étaient pas valables !Nous chercherons donc ici à quelles conditions on peut valablement exiger, du moins recommander, de «ne pasperdre ses illusions» en tentant de préserver ce qu'il y avait d'intéressant dans la position précédente.Pour trouver la liaison, l'idée d'articulation, il faut repartir de ce qui précède, en méditer l'idée de base, et de là,«rebondir», en lui fournissant peut-être d'autres éclairages ou en la «décloisonnant ».
• Si nos illusions sont à combattre, on l'a vu, c'est que, s'opposant à la connaissance, elles ne peuvent que noushandicaper, à tous points de vue, nous menant à de multiples servitudes.Mais si l'opposition pouvait n'être pas systématique entre illusion et connaissance? Et si nos illusions, notre facultémême d'en produire, témoignaient d'une certaine liberté propre à toute connaissance?Ainsi, la dimension psychologique de l'exigence, à laquelle on songe d'abord est de l'ordre du bien-être et non duvrai.
L'un relève du vécu, l'autre de l'intellect.
L'un est affectif, cherchant le caractère bienfaisant, consolateurmême des illusions, afin d'éviter le
désespoir.
L'autre est réflexion distanciée.
En fait, pour que l'opposition ait une réelle valeur, ne faudrait-il pasqu'elle eût lieu sur le même plan? Autrement dit, l'illusion n'est pas l'erreur.
Dès lors, il serait peut-être possible dedéceler un autre type de vrai dont l'illusion ne serait pas exclue..
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