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Faut-il penser à la mort ?

Publié le 27/02/2004

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Car si dans l'état de la mort c'est un malheur que d'être broyé par les mâchoires et la morsure des fauves, je ne vois pas pourquoi il n'est pas douloureux de prendre place sur un bûcher, pour rôtir dans les flammes, ou d'être mis dans du miel qui vous étouffe, ou d'être raidi par le froid sur la pierre glacée du tombeau où l'on vous a couché, ou enfin d'être écrasé et broyé sous le poids de la terre qui vous recouvre. » c) En effet, comme le réactualisera Sartre dans l'Etre et le Néant : la mort est totalement étrangère à mon existence, elle ne fait l'objet d'aucune expérience. Elle n'est pas inscrite dans le fil de notre vie, elle vient simplement à la fin : tant que je vis, ma mort n'est pas. Mon projet la traverse sans rencontrer d'obstacle. Autrement dit, je vis sans penser à la mort, tout projet s'étant dans un néant à venir qui ne prend pas en compte cette donnée fondamentale de la mort. Elle n'est rien. Pourtant on pourrait objecter à Sartre la volonté de laisser une trace dans le monde comme le montre le cas de Ronsard avec le poème Mignonne allons voir si la rose... Mais il n'en reste pas moins que la pensée de la mort est impossible.     Transition : La mort est donc impensable ni même connaissable. Elle n'est rien. Vivant elle ne me concerne pas, mort, je suis plus donc plus rien ne me concerne.

« II – « La mort n'est rien pour nous » a) En effet, comme le développe Epicure dans sa Lettre à Ménécée : « La mort n'est rien pour nous ».

Nos corps sont de simples agrégats qui se dissolvent au moment de la mort.

En ce sens, nous ne devons pas craindre la mortcar sans corps nous n'aurons plus de sensation ; la peur de la mort est donc infondée.

Tant que je suis en vis jesens mais une fois mort toute sensation disparaît.

Alors nous n'avons à redouter nulle survie au-delà de la mort.Ainsi la mort n'est rien : il y a une contradiction logique entre la mort et le vivant, entre être et non-être.

Plusexactement il s'agit d'une incompatibilité d'être : tant que j'existe la mort ne me concerne pas et une fois mort jen'ai plus à m'en soucier car une fois la mort advenue se sera moi qui n'existerait plus.

La vie est une contradictionde la mort même au niveau temporel.

Autrement dit, on peut dire que la mort est pour nous un fantôme, unechimère qui n'existe que quand je ne suis plus.

Il n'y a donc pas d'angoisse à avoir à ce propos : la mort n'a aucunrapport avec les vivants hormis par l'effet de l'imagination et de la crainte qu'il faut dissiper ; et c'est bien ce quedit Epicure : « Habitue-toi avec l'idée que la mort n'est rien pour nous, car tout bien et tout mal résident dans la sensation ; or la sensation est la privation complète de cette dernière […]Ainsi, celui des maux qui fait le plus frémir n'est rien pour nous, puisque tantque nous existons la mort n'est pas, et que, quand la mort est là, nous nesommes plus.

La mort n'a, par conséquent, aucun rapport ni avec les vivantsni avec les morts, étant donné qu'elle n'est rien pour les premiers et que lesderniers ne sont plus.

»b) La mort n'est donc rien pour et c'est pour cela que l'on ne peut la penser :elle ne nous concerne pas.

Dès lors la crainte de la mort résulte bien d'uneffet de l'imagination et c'est bien ce que poursuit Lucrèce dans le De Natura , livre III, v.

870 à 909 : « Désormais il n'y aura plus de maison joyeuse pour t'accueillir, plus d'épouse excellente, plus d'enfants chéris pour courir àta rencontre, se disputer tes baisers et pénétrer ton cœur d'une douceursecrète.

Tu ne pourras plus assurer la prospérité de tes affaires et la sécuritédes tiens.

"O malheur" disent-ils, ô malheureux, tant de joies de la vie il a suffid'un seul jour funeste pour te les arracher toutes".

Cependant ils se gardentbien d'ajouter : "mais le regret de tous ces biens ne te suit pas, et ne pèseplus sur toi dans la mort".

Si l'on avait pleine conscience de cette vérité, sil'on y conformait ses paroles, on libérerait son esprit d'une angoisse et d'unecrainte bien grandes.

».

La pensée de la mort est une pensée qui va au-delàde la vie elle-même et ne prend en compte la radicalité de la mort c'est-à-dire la « fin ».

Craindre la mort c'est supposer une vie dans l'au-delà où l'onpourrait regretter ce que l'on a perdu, mais il s'agit d'une inconséquencelogique.

La seule que nous pourrions craindre alors ce serait de mourir trop vite mais cette pensée n'est pas nonplus conséquente puisque la finitude du corps est intrinsèque à la nature de l'homme et cela nous reconduirait dansl'inconséquence de la première clause : « Aussi, quand tu vois un homme se lamenter sur lui-même, à la penséequ'après la mort il pourrira, une fois son corps abandonné, ou qu'il sera dévoré par les flammes, ou par la mâchoiredes bêtes sauvages, tu peux dire que sa voix sonne faux, et que se cache dans son cœur quelque aiguillon secret,malgré son refus de croire qu'aucun sentiment puisse subsister en lui dans la mort.

A mon avis, il n'accorde pas cequ'il annonce, il ne donne pas ses véritables raisons : ce n'est pas radicalement qu'il s'arrache et se retranche de lavie mais à son insu même, il suppose qu'il survit quelque chose de lui.

Le vivant, en effet, qui se représente que soncorps, après la mort, sera déchiré par les oiseaux et les bêtes de proie, s'apitoie sur sa propre personne : c'est qu'ilne se sépare pas de cet objet, il ne se distingue pas assez de ce cadavre étendu, il se confond avec lui, et, deboutà ses côtés, il lui prête sa sensibilité.

Voilà pourquoi il s'indigne d'avoir été créé mortel, sans voir que, dans la mortvéritable, il n'y aura pas d'autre lui-même qui demeuré vivant puisse déplorer sa propre perte, et resté debout, gémirde se voir gisant à terre en proie aux bêtes ou aux flammes.

Car si dans l'état de la mort c'est un malheur que d'êtrebroyé par les mâchoires et la morsure des fauves, je ne vois pas pourquoi il n'est pas douloureux de prendre placesur un bûcher, pour rôtir dans les flammes, ou d'être mis dans du miel qui vous étouffe, ou d'être raidi par le froid surla pierre glacée du tombeau où l'on vous a couché, ou enfin d'être écrasé et broyé sous le poids de la terre qui vousrecouvre.

»c) En effet, comme le réactualisera Sartre dans l' Etre et le Néant : la mort est totalement étrangère à mon existence, elle ne fait l'objet d'aucune expérience.

Elle n'est pas inscrite dans le fil de notre vie, elle vientsimplement à la fin : tant que je vis, ma mort n'est pas.

Mon projet la traverse sans rencontrer d'obstacle.Autrement dit, je vis sans penser à la mort, tout projet s'étant dans un néant à venir qui ne prend pas en comptecette donnée fondamentale de la mort.

Elle n'est rien.

Pourtant on pourrait objecter à Sartre la volonté de laisserune trace dans le monde comme le montre le cas de Ronsard avec le poème Mignonne allons voir si la rose … Mais il n'en reste pas moins que la pensée de la mort est impossible.

Transition : La mort est donc impensable ni même connaissable.

Elle n'est rien.

Vivant elle ne me concerne pas, mort, je suisplus donc plus rien ne me concerne.

On ne peut donc pas penser un objet qui n'a aucune rapport avec nous ouseulement en tant que fin.

C'est pourquoi il était si difficile de penser la mort : ces difficultés viennent simplementde l'objet lui-même qui est inintelligible donc impensable.

Cependant radicaliser le propos à ce point n'est-ce pasfaire fi ou refuser une pensée qui devrait prendre en compte son angoisse devant sa finitude ? Dès lors ne faudrait-ilpas revenir vers une pensée authentique saisissant l'angoisse comme manifestation de notre finitude et annonciation. »

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