Faut-il parler de la science au singulier ou au pluriel ?
Publié le 13/02/2004
Extrait du document
Il nous arrive encore fréquemment de parler de la Science au singulier, mais il ne semble pas que nous utilisions alors ce terme pour désigner un champ de recherche propre : ainsi, en parlant de la Science nous faisons plutôt référence à une méthode. Or, à l’opposé, nous découvrons des domaines spécifiques, des sciences particulières : les mathématiques, la physique, la biologie, mais également les sciences humaines : histoire, sociologie, anthropologie, philosophie, etc. Face à cet éclatement, nous serions tentés 1° de parler de la Science au pluriel en disant « les sciences « (expérimentales, humaines) et 2° de remettre en cause l’unité de méthode liée à l’idée de Science : en effet, quels liens trouver entre la méthode mathématique et les investigations de l’ethnologie ?
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I – Descartes et la Science
semblables à Dieu en nous faisant maîtres de nous-mêmes, pourvu que nous ne perdions point par lâcheté les droits qu'il nous donne.Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu'un homme s'estime au plus haut point qu'il se peutlégitimement estimer, consiste seulement partie en ce qu'il connaît qu'il n'y a rien qui véritablement luiappartienne que cette libre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pource qu'il en use bien ou mal, et partie en ce qu'il sent en soi-même une ferme et constante résolution d'enbien user, c'est-à-dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les chosesqu'il jugera être les meilleures.
Ce qui est suivre parfaitement la vertu.
La philosophie morale de Descartes reprend des thèmes de la sagesse traditionnelle : thème du bonheur (« on nesaurait manquer d'être content »), thème de l'accord avec la nature (« changer ses désirs plutôt que l'ordre dumonde »).
Mais il les transforme profondément par l'affirmation de la liberté du sujet.
POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
On ne confondra pas la « vraie générosité » cartésienne avec le sens actuel du mot (libéralité) ou avec un orgueilqui pousserait à s'estimer pour autre chose que sa « ferme résolution ».La formulation même de Descartes (« maîtres de nous mêmes ») est en grande partie d'inspiration stoïcienne, ainsique sa définition de la vertu (au singulier) comme ferme résolution.
Mais la philosophie morale ne se comprend qu'àpartir d'une métaphysique nouvelle reposant sur deux principes : l'existence d'un moi rationnel et libre, l'existenced'un esprit infini, Dieu libre créateur de toute vérité et de toute chose.La générosité est la prise de conscience de cette double transcendance de l'esprit humain et de l'esprit divin, etdonc l'éminente valeur d'un libre arbitre capable de s'élever au-dessus de toute détermination.
Quelles que soient lesqualités ou les défauts des uns et des autres, elles sont de peu d'importance en comparaison du libre arbitre quinous rend semblables à Dieu (« en quelque façon » car la liberté humaine n'est pas créatrice).
Par la générosité,tous les sujets moraux peuvent être égaux.La générosité n'implique pas nécessairement une connaissance objective, technique, des conditions et des résultatsde l'action ; et l'expression célèbre du Discours de la méthode : « nous rendre comme maîtres et possesseurs de lanature », n'est pas une maxime de morale.
La Science comprise comme sagesse renvoie donc à l'ensemble du savoir.
Descartes utilise à ce propos la métaphore de l'arbre : la philosophie, qui est amour du savoir ou de la sagesse, se présente sous la forme d'unarbre, dont les racines sont la métaphysique, le tronc la physique, les branches : la mécanique, la médecine et lamorale.
La Science est donc un édifice totalisant, à la fois théorique (métaphysique) et pratique (par exemple, lamorale).
Remarquons que Newton, jetant les bases de la physique classique quelques années plus tard, reconnaîtrafaire de la « philosophie naturelle », cette branche du savoir (ou de la Science) qui s'applique à la Nature.
La Science comprend donc tous les savoirs particuliers, mais aucun ne mérite le titre de science, uniquement celui de partie du savoir.
II – Carnap et la logique de la science
La conception unitaire de la science héritée de Descartes trouve un écho dans les théories modernes,mais, nous allons le voir, pour des raisons différentes.
En effet, pour le positivisme logique et son représentant leplus important : Rudolf Carnap, ce qui compte, c'est la structure logique de la science.
Cette structure permet alorsd'unifier la science en un domaine où les énoncés sont pourvus de sens.
En faisant cela, Carnap s'attaque à lamétaphysique.
Ainsi, Carnap se concentre, non pas sur telle ou telle théorie scientifique, mais sur la structure interne des théories en général.
Il s'agit pour lui de déterminer à quelles conditions un énoncé scientifique peut être pourvu desens : 1° l'énoncé doit être logiquement construit et 2° exprimer un fait positif isolable.
D'où le nom de positivismelogique.
L'enjeu est donc bien de reconnaître la science comme le seul lieu où des énoncés significatifs (ayant un sens) peuvent être produits ; à l'inverse de la métaphysique qui, par exemple, parle de l' « être», ce qui necorrespond à rien de visible dans le monde, à aucun fait isolable.
Mais, au-delà de cette première reconnaissance,c'est l'unité de la science qui est en jeu.
En effet, reconnaître que les sciences particulières, biologie,mathématiques, physique, etc.
fonctionnent suivant le même modèle, cela permet de les intégrer dans une structurelogique plus vaste.
Cependant, s'il y a, comme chez Descartes, unité de la Science, cette unité n'a pas la même signification. Pour Descartes, la Science, c'est l'ensemble du savoir, alors que pour Carnap, c'est l'unité logique qui réunit lessciences particulières ; en ce sens, la métaphysique fait partie de la science pour Descartes, mais pas pour Carnap.
III – Unité de méthode, degrés d'objectivité et pluralité des sciences.
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