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Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ?

Publié le 22/02/2012

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Entre le passé et l'avenir se situe la modalité du présent qui se comprend à la jonction de ces deux temporalités. Or le paradoxe du temps dans son explication est justement qu'il se définit ici justement comme une antinomie de la raison pure. En effet l'identité d'une personne donc son présent se saisit à l'aune de son histoire et de son parcours. Dans ce cas, on pourrait suivant un déterminisme bien compris que le présent de l'individu se lie dans son passé, et pourrait nous conduire à comprendre immédiatement son futur à l'aune de ses actions et de son caractère. Dès lors, on pourrait que l'individu est gros de passé et qu'il ne peut s'en défaire. Le problème serait alors de nier tout pouvoir de changement de l'individu ou plus exactement de lui enlever sa capacité à se réformer donc lui enlever sa capacité de se déterminer librement. En somme c'est la liberté de l'individu qui est remise en cause. Or le passé d'un individu lui sert à se définir et à se construire. Le problème serait alors de saisir si ce passé est tel le destin nécessaire et immuable ou si l'on peut se construire malgré son passé. C'est à l'aune de cette réflexion que la notion d'oubli prend tout son sens dans la mesure où elle permet de sélectionner ce qui m'intéresse dans mon passé afin de me reconstruire. Mais n'est-ce pas falsifier son passé, ne pas l'assumer et faire preuve de mauvaise foi ?             Si le passé est structurant (1ère partie), l'oubli demeure une fonction essentielle du psychisme humain (2ème partie) qui ne doit pas occulter la liberté que constitue pour l'individu la détermination de son avenir (3ème ordre).

« traditionaliste se transporte dans ces objets et s'y installe un nid douillet.

L'histoire de sa ville devient sa proprehistoire ; la muraille, la poterne, l'ordonnance municipale, la fête populaire sont comme le mémorial illustré de sajeunesse ; il s'y retrouve avec sa vigueur, son ardeur au travail, son plaisir, sa sagesse, sa folie et ses excès.

Onvivait bien ici, se dit-il, et puisqu'on y vit encore bien, on y vivra bien encore plus tard ; nous sommes tenaces eton ne nous brisera pas en une nuit.

Par ce « nous » il dépasse la vie individuelle, éphémère et fantasque, ils'identifie au génie familier de sa maison, de sa famille, de sa ville.

Et parfois, au-delà des espaces ténébreux etconfus des siècles il salue l'âme de son peuple en qui il reconnaît sa propre âme [...].

Comment l'histoire servirait-elle mieux la vie qu'en attachant fortement à leur pays natal et à leurs coutumes locales des populations moinsfavorisées que d'autres, en les fixant et en les détournant d'aller errer à l'étranger en quête du mieux qu'il leurfaudra disputer à d'autres ? Ce qui semble river l'individu à ses compagnons et à son milieu, à l'habitude d'une viepénible, à telle crête montagneuse dénudée, semble parfois de l'entêtement et de l'inintelligence, mais c'estl'inintelligence la plus salutaire et la plus profitable à la communauté.

C'est ce que chacun sait pour peu qu'il ait prisconscience des conséquences redoutables que peut entraîner ce goût de l'émigration aventureuse qui saisit parfoisdes populations entières, ou s'il peut observer de près l'état d'une nation qui a perdu la piété envers son passé etque son goût cosmopolite condamne à changer toujours et à chercher sans cesse du nouveau et toujours dunouveau.

Le sentiment de profond bien-être que l'arbre sent monter de ses racines, le plaisir de savoir qu'on n'estpas un être purement arbitraire et fortuit, mais qu'on est issu de tout un passé dont on est l'héritier, la fleur et lefruit et qu'on est de ce fait excusé, voire justifié d'être celui qu'on est, voilà ce que l'on peut appeler de nos jours levéritable sens historique ». Transition : Ainsi le passé est essentiel pour comprendre la formation d'un individu et partant donc de son avenir en tant qu'ilsera le reflet ou la continuité de son passé, pour ou contre. II – La valeur de l'oubli a) L'oubli n'est pas comme le dit Nietzsche , dans la Généalogie de la morale une simple force d'inertie, mais représente l'accomplissement d'une fonction vitale.

De temps en temps, il faut fermer les portes et les fenêtres de laconscience, il faut refouler les contenus mnésiques qui m'empêchent de jouir du présent.

Sans cette table rase del'oubli, je demeure prisonnier de représentations passées qui entravent ma jouissance du moment.

Celui qui n'oubliejamais est ligoté par son passé, voué par cela même à l'impuissance existentielle.

Tout demeure en lui et toutl'affecte.

Tous les évènements laissent des traces dans la conscience meurtrie.

L'oubli est donc une condition de labonne santé mentale, du bonheur et de la vie : « Nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nullejouissance de l'instant présent ne pourraient exister sans la faculté d'oubli.

L'homme chez qui cet appareild'amortissement est endommagé… n'arrive plus à « en finir » de rien ». b) Pour le dire autrement, l'histoire est aussi ancrée dans l'identité mémorielle de la personne, et l'oubli estnécessaire justement pour ne pas trop subir son histoire et l'histoire en général et c'est bien ce sens que l'on peutcomprendre la critique de Nietzsche dans la Seconde considération intempestive .

En effet, dans ce texte, nous pouvons assister à la mise en scène d'un troupeau qui ignore ce qu'est hier et aujourd'hui.

L'homme se compare àl'animal dont il envie de bonheur.

« L'animal vie d'une vie non historique, car il s'absorbe entièrement dans le momentprésent.

[…] L'homme au contraire s'arc-boute contre le poids de plus en plus lourd du passé qui l'écrase ou ledévie… ».

En ce sens, à trop vouloir s'attacher à l'histoire et à en trouver les leçons et le sens nous sommes écraserpar cette histoire et nous n'avons pas la capacité d'aller de l'avant.

Croire que l'histoire pourrait nous apprendrequelque chose ce serait justement ruminer l'histoire ; et nuire à notre bonheur : « « C'était autrefois… », cetteformule appelle sur l'homme la lutte, la douleur et la satiété, et qui lui rappelle que son existence n'est en sommequ'un imparfait qui ne s'achèvera jamais.

Lorsque enfin la mort apporte l'oubli tant désiré, elle nous dérobe à la foisle présent et l'existence, et met un sceau sur cette vérité, qu'être n'est qu'un avoir été ininterrompu, une chose quivit de se nier et de se consumer, de se contredire elle-même.

» c) Or si la fonction de l'oubli est si nécessaire c'est bien parce qu'elle est psychologiquement nécessaire.

Cettevaleur positive de l'oubli a été bien mise en valeur par Bergson dans Matière et mémoire puisque selon lui la finalité de l'oubli est l'action.

Cela signifie en somme qu'oublier, créant alors cette infidélité, c'est rejeter hors du champ dela conscience les souvenirs inutiles à nos besoins pratiques.

La mémoire est donc infidèle pour des besoinspratiques, elle ne retient que ce qui lui est nécessaire et utile.

Et c'est bien là la possibilité de redéfinir la mémoire.Nous n'oublions pas ce qui est nécessaire pour nous à la vie et l'on peut comprendre en ce sens le double sens dupropos de Nietzsche ci-dessus.

Nous ne retenons de l'histoire que ce qui nous intéresse dans un but pratique mais. »

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