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Faut-il ne tenir pour vrai que ce qui peut être prouvé ?

Publié le 16/09/2005

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Les choses belles et les choses justes qui sont l'objet de la Politique, donnent lieu à de telles divergences et à de telles incertitudes qu'on a pu croire qu'elles existaient seulement par convention et non par nature. Une pareille incertitude se présente aussi dans le cas des biens de la vie, en raison des dommages qui en découlent souvent : on a vu, en effet, des gens périr par leur richesse, et d'autres périr par leur courage. On doit donc se contenter, en traitant de pareils sujets et partant de pareils principes, de montrer la vérité d'une façon grossière et approchée et quand on parle de choses simplement constantes et qu'on part de principes également constants, on ne peut aboutir qu'à des conclusions de même caractère. C'est dans le même esprit, dès lors, que devront être accueillies les diverses vues que nous émettons car il est d'un homme cultivé de ne chercher la rigueur pour chaque genre de choses que dans la mesure où la nature du sujet l'admet : il est évidemment à peu près aussi déraisonnable d'accepter d'un mathématicien des raisonnements probables que d'exiger d'un rhéteur des démonstrations proprement dites. » Aristote nous dit qu'on ne peut pas s'appuyer sur des démonstrations scientifiques rigoureuses pour tous les domaines de la connaissance (vous pouvez développer des exemples où la science n'a apparemment pas son mot à dire. Puis-je « croire » qu'une oeuvre d'art est belle ?) Faut-il alors être réduits à l'opinion pour tous ces domaines là ? Dans cette deuxième partie, il est temps d'interroger aussi le préjugé qui sous-tend la question : il y aurait des choses « prouvées scientifiquement ». On peut dès lors se demander d'où vient cette idée. Les scientifiques sont très lucides quant au fait que les « vérités scientifiques » évoluent au cours de l'histoire.

Tout d'abord, pour vous aider, une distinction entre croire et savoir :

Savoir consiste à porter un jugement accompagné de certitude, certitude fondée notamment sur des vérités objectives, c'est-à-dire garanties par des procédures de vérifications.

Alors que « savoir « repose sur des conditions objectives, « croire « concerne des propositions ou énoncés qui sont tenus pour vrais, qui prétendent à la vérité, avec des degrés variables de certitude qui peuvent aller du doute ou du soupçon jusqu'à l'intime conviction. Il y a dans la croyance une dimension davantage subjective.

Ne croire que ce qui est scientifiquement démontré, c'est subordonner la croyance à des arguments solides, qu'ils soient formels (rigueur du raisonnement logique) ou matériels (attestation de tel ou tel fait et formulation de lois scientifiques). Dès lors, croire ce qui est scientifiquement démontré peut apparaître comme une attitude rationnelle, un principe de prudence. Tout au contraire, celui qui n'exige jamais de preuve apparaît comme crédule et candide. Mais il faut s'interroger sur la notion de preuve. D'abord, réclamons-nous systématiquement des preuves pour justifier tout ce qui nous est dit ? Ensuite, il y a des degrés dans les preuves, et souvent, nous adhérons à des choses sans qu'elles soient prouvées pour nous. On nous dit que la planète Neptune existe. Mais qui a déjà pu observer réellement cette planète ? Son existence pourtant ne fait aucun doute pour nous alors que rien ne nous est prouvé à titre individuel. On peut donc dire qu'on a ici un savoir, acquis par l'intermédiaire des scientifiques. Or le sujet renvoie à la croyance, c'est à dire (autre définition) à l'adhésion à une idée ou à une réalité qui ne prend pas nécessairement la forme d'un savoir scientifique. C'est le cas de la religion ou même de la morale. Dans ces domaines, la science ne peut intervenir et pourtant nous ne cessons pas d'accorder à certaines réalités ou idées l'importance qui leur est dû.

En disant qu'il ne faut croire que ce qui est scientifiquement prouvé, nous adoptons à première vue une attitude logique. Mais cela ne suppose-t-il pas que l'on soupçonne tout ce qui n'est pas scientifiquement prouvé ? Par ailleurs, s'il faut croire uniquement ce qui est scientifiquement prouvé, cela veut dire que l'on ne peut avoir des croyances que concernant des sujets à propos desquels la science se prononce. Or la science peut-elle se prononcer sur tous les sujets ? D'ailleurs le veut-elle ?

Le domaine de la croyance est sans doute plus large que celui couvert par la science. C'est d'ailleurs aussi le cas pour le domaine du savoir lui-même : je « sais « conduire, et cela n'a rien à voir avec la science.

Alors faut-il réduire le champ de notre croyance à ce qui est scientifiquement prouvé ? Ou alors peut-on se dispenser de la preuve scientifique, et prendre le risque d'avoir des croyances fausses ?

Pour répondre à ces questions, il faudra aussi s'interroger sur les « preuves scientifiques «. N'y a-t-il pas une évolution aussi à propos de ce qui est « prouvé « par la science ? En soupçonnant d'abord ce qui n'est pas scientifiquement prouvé, ne peut-on pas en arriver à soupçonner aussi ce qui est « prouvé « scientifiquement ?

Au final, que faut-il croire ?

 

« Alors faut-il réduire le champ de notre croyance à ce qui est scientifiquement prouvé ? Ou alors peut-on sedispenser de la preuve scientifique, et prendre le risque d'avoir des croyances fausses ? Pour répondre à ces questions, il faudra aussi s'interroger sur les « preuves scientifiques ».

N'y a-t-il pas uneévolution aussi à propos de ce qui est « prouvé » par la science ? En soupçonnant d'abord ce qui n'est pas scientifiquement prouvé, ne peut-on pas en arriver à soupçonner aussi ce qui est « prouvé » scientifiquement ? Au final, que faut-il croire ? PREMIÈRE PARTIE : Croire ce qui est scientifiquement prouvé. Ce qui est scientifiquement prouvé concerne a priori davantage le « savoir » que la « croyance ».

Que peut signifier« croire ce qui est scientifiquement prouvé » ? D'abord, il faut préciser ce qu'est une « croyance ». Le texte de Kant qui suit distingue le savoir, la croyance, et l'opinion. KANT, Logique , Introduction, IX . « La vérité est une propriété objective de la connaissance ; le jugement par lequel quelque chose est représenté comme vrai – le rapport à un entendement et par conséquent à un sujet particulier – est subjectif , c'est l'assentiment. Pris dans sa généralité, l'assentiment comporte deux espèces : cellede la certitude et celle de l'incertitude .

L'assentiment certain ou la certitude est lié à la conscience de la nécessité ; l'assentiment incertain au contraireou l'incertitude est lié à la conscience de la contingence ou de la possibilité du contraire – Cette dernière sorte d'assentiment à son tour est soitinsuffisante aussi bien subjectivement qu'objectivement , soit objectivement insuffisante , mais subjectivement suffisante .

La première se nomme opinion , il faut appeler la seconde croyance . On voit qu'il y a trois modes d'assentiment : l'opinion, la croyance etle savoir.» Résumons : il y a deux espèces d'assentiment : la certitude, et l'incertitude. La croyance est un assentiment incertain.

Toutefois, les motifs de croyance (les raisons de croire) sont subjectivement suffisants ; ainsi, s'il faut distinguer la croyance du savoir, il faut aussi ladistinguer de la simple « opinion », dont les motifs sont insuffisants, y compris subjectivement. Au sens où l'entend Kant, je n'ai pas de motif objectif pour croire en dieu, dans le sens où l'existence de Dieu n'estpas prouvée scientifiquement.

Toutefois, la croyance à l'existence de Dieu n'est pas qu'une simple opinion, mais està proprement parler une croyance, parce que j'ai des motifs subjectifs suffisants (la foi, etc.) Alors faut-il balayer du champ de la croyance tout ce qui n'est pas scientifiquement prouvé ? Cela provoquerait un paradoxe : s'il ne fallait « croire » que ce qui est scientifiquement prouvé, y aurait-il encoredes « croyances » ? N'y aurait-il pas en effet que des « savoirs » ? En d'autres termes, voici le paradoxe : si on suit Kant, il y a « savoir » quand il y a preuve scientifique, et il y a« croyance » quand il n'y a pas preuve scientifique.

Comment peut-il y avoir, sans contradiction, une croyance duscientifiquement prouvé? En introduction, on a pris l'exemple de Neptune.

Nous sommes certains de son existence, parce que nous faisonsconfiance à la science.

Une expression populaire consiste à dire que l'on ne peut être sûr que de « ce que l'on a vude ses propres yeux ».

Même sans avoir vu de ses propres yeux l'existence de Neptune, ou de Pluton, ou d'un trounoir, etc., on ne doute néanmoins pas de leur existence. Pourquoi ? Il y a une confiance accordée dans les relais entre les savoirs scientifiques et les connaissancesindividuelles. Nous avons dit en introduction qu'il y a une part subjective dans la croyance.

Avec Kant, nous avons un appui pouraffirmer que la croyance est légitimée par des motifs subjectifs suffisants.

La « confiance » accordée à la science,et aux relais des connaissances scientifiques n'est-elle pas cette dimension subjective propre à la croyance qu'ilfaut intégrer pour parler à juste titre de croyance, et non pas de savoir ? Dans ce cas-là, nous pouvons dire, pour conclure cette première partie, que croire ce qui est scientifiquementprouvé n'est pas forcément paradoxal.. »

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