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Faut il faire dépendre notre bonheur d'un lieu ?

Publié le 03/03/2009

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Faut il faire dépendre notre bonheur d'un lieu ?

 

Bien définir les termes du sujet :

 

- « Bonheur « : état de satisfaction complète de toutes les tendances humaines, et qui remplit toute la conscience ; état durable de plénitude, d’harmonie avec soi-même et le monde, c'est-à-dire vivre en l’absence de souffrance, d’inquiétude ou de trouble. Sa définition est simple, il est le bien suprême auquel aspire tous les hommes. Distinct du plaisir, à la fois incomplet et passager, le bonheur est dû à une chance extérieure favorable (bon heur = de bonne augure, chance). Le fait qu’il y ait ici un possessif, « notre «, met l’accent sur le fait qu’il s’agit du bonheur individuel. Ce dont il est question ici n’est pas le bonheur en général, mais le bonheur vécu par un individu, et propre à ses goûts particuliers.

- « Lieu « : le lieu est une portion déterminée de l’espace, considérée de façon générale et abstraite (Robert). C’est un endroit où il est possible de vivre.

- « Faire dépendre « : la dépendance exprime un lien entre deux choses ou deux entités, de sorte que l’une rend nécessaire l’autre. Ici, cela signifie qu’un certain lieu est la condition nécessaire au bonheur, ce dernier ne peut se réaliser sans un lieu particulier.

- « Faut-il « : pose la question de la nécessité, du devoir, ou de la contrainte.

 

 

Construction de la problématique :

 

            Lorsque l’on pose la question de savoir ce qui nous rendrait heureux, il nous arrive rarement de répondre qu’il nous suffirait d’être à tel ou tel endroit. C’est cependant cette solution que propose et analyse le sujet, qui semble poser indirectement la question de savoir comment parvenir au bonheur. En même temps qu’il propose cette solution, le sujet semble toutefois la remettre en cause par l’expression « faut-il «. Il s’agit en effet d’analyser cette proposition pour vérifier qu’elle est viable, car il semble que faire dépendre son bonheur que d’une seule chose – un lieu- peut sembler dangereux.

            Se pose donc la question de savoir quel genre de lieu peut rendre un individu heureux, et si ce lieu suffirait à son bonheur. Autrement dit, le lieu est-il la condition nécessaire et suffisante du bonheur ?

 

 

I/ La cité est le seul lieu du bonheur :

 

II/ Seule la Nature peut nous rendre heureux :

 

III/ Le bonheur ne dépend de rien du tout :

 

« II/ Seule la Nature peut nous rendre heureux : Mais lorsque l'on examine la vie actuelle en société, on s'aperçoit que les valeurs prônées dans la Cité ont disparues.

En effet, la distinction entre la sphère publique et la sphère privée n'existe plus, ou tout du moins plus demanière aussi marquée, et l'Etat ne vise pas notre bonheur.

Quand bien même le viserait-il, il serait possible deconsidérer cela comme dangereux.

Il semblerait donc que ce soit dans la nature que l'homme retrouve son bonheur,Nature ressentie comme un paradis perdu.

● C'est ce qu'explique Rousseau dans Le Contrat social.

Selon l'auteur, les hommes qui vivent à l'état sontheureux, parce qu'ils sont autonomes, indépendants, et de ce fait, libres.

En effet, pour Rousseau, c'est la libertéqui rend le bonheur possible, et cette liberté existe avant tout dans la Nature – lieu de ce fait nécessaire aubonheur.

La liberté consiste chez Rousseau non pas à faire ce que l'on désire lorsqu'on le désire, mais à ne dépendrede personne, à n'être soumis à aucune autre volonté qu'à la sienne propre.

Or, cela est justement possible dans laNature où les hommes vivent isolés les uns des autres - les seules rencontres possibles, sont celles qui ont lieu lorsdes périodes de reproduction.

L'homme est donc libre et heureux dans la Nature car cette dernière pourvoit à sesbesoins sans jamais le contraindre.

Le malheur arrive lorsqu'à la suite d'une catastrophe naturelle les hommes sontobligés de se regrouper parce que leur force individuelle ne suffit plus à surmonter les obstacles rencontrés pourassurer leur subsistance.

L'état de guerre qui en résulte est un produit de la dégénérescence de l'état de nature.Rousseau cherche à recréer les conditions qui rendaient possible la liberté et le bonheur qui existait à l'état denature, dans l'état civil.

Son but est ainsi de « trouver une forme d'association (…) par laquelle chacun s'unissant àtous, n'obéisse pourtant qu'à lui même et reste aussi libre qu'auparavant.

» CS I, VI.

C'est le terme « auparavant »qu'il est important de souligner, car il permet de voir à quel point c'est bel et bien dans la Nature que se situent lanorme et la vraie liberté, c'est-à-dire le bonheur perdu qu'il faut retrouver.

● C'est cette idée qu'Epictète vient renforcer à sa manière dans Le Manuel.

En effet, la Nature est pour lesstoïciens un modèle de perfection vers lequel il faut tendre.

Et s'il faut retenir une chose de la nature, c'est qu'ellene dépend que d'elle-même, et c'est ce qui fait son harmonie.

Epictète cherche à donner à l'homme des principesqui lui permettraient de vivre en harmonie avec lui-même, c'est-à-dire d'être heureux.

Or, cela n'est possible que s'ilapprend à distinguer parmi les objets qu'il désire ceux qui dépendent de lui et ceux qui ne dépendent pas de lui.

Sison désir porte sur les objets qui ne dépendent pas de lui, il va se retrouver esclave de ces objets, et donc triste etmalheureux.

A l'inverse, si il désire ce qui dépend de lui, il pourra maîtriser son bonheur, et ne sera jamais déçu.

Maisil faut noter que parmi les choses du monde rares sont celles qui ne dépendent que de nous.

Pour Epictète, lasagesse suprême consiste donc non plus à désirer des choses du monde qu dépendent de nous, mais à fairedépendre son bonheur uniquement de soi-même.

Autrement dit, le lieu nécessaire au bonheur pour Epictète, ne sesitue pas dans l'extérieur contingent, mais dans l'intériorité du sage qui est capable de s'y retirer et de la maîtrisertotalement.

III/ Le bonheur ne dépend de rien du tout : Depuis le départ, nous sommes partis du principe qu'il existait un moyen sûr de parvenir au bonheur, et nous avons supposé que ce moyen était le lieu.

Nous avons donc analysé comment et de quelle manière un endroitpouvait participer à notre bonheur, en être la condition nécessaire et peut-être suffisante.

Mais dans notrerecherche, nous n'avons jamais remis en cause l'idée selon laquelle nous pouvions déterminer ce qui nous rendraitheureux.

Autrement dit, nous sommes partis du principe qu'il était possible d'accéder au bonheur, et que le seulproblème consistait à trouver le moyen.

Mais il faudrait peut-être se demander si ce n'est pas un leurre, et si ilexiste réellement un moyen de parvenir au bonheur.

● C'est ce que fait Kant dans La critique de la raison pure, et dans La métaphysique des mœurs.

Il insisteavant tout sur la subjectivité de la notion de bonheur, et montre que c'est un concept indéterminé : personne nepeut dire en terme précis ce qu'il veut et désire véritablement.

Pour y parvenir, il n'est donc pas possible de donnerdes conseils empiriques, des lois pragmatiques, parce qu'elles conseillent ce qui contribue en moyenne pour la plusgrande part au bien-être, selon les enseignements de l'expérience.

Autrement dit, il n'y a pas de moyen sûr pourparvenir au bonheur, parce qu'il y a autant de voie et de bonheurs que d'individus.

« Le problème qui consiste àdéterminer d'une façon sûre et générale quelle action peut favoriser le bonheur d'un être raisonnable est unproblème tout à fait insoluble.

» Fondements de la métaphysique des mœurs, 2 ème section.

Le bonheur est donc un idéal de l'imagination, c'est-à-dire fondé sur des principes empiriques.

Il satisfait à toutes les conditions d'une idéeque la raison réclame, mais l'expérience n'en fournit pas d'exemple ; cet idéal est impossible à réaliser car il sert derègle, de prototype pour agir et juger.

Kant démontre donc qu'en raison de sa nature, il n'existe pas de recette oude moyen qui permette de parvenir de manière sûre au bonheur ; l'inconscience pourrait tout au plus être conseilbasé sur l'expérience, mais reste à savoir si le bonheur qu'elle procure est satisfaisant.

● Après avoir montré qu'il n'existe aucun moyen sûr de parvenir au bonheur, Kant tente de savoir si il estau moins permis de l'espérer.

L'existence des hommes n'est pas orientée vers le bonheur en tant que but suprême,même si par nature, chacun aspire au bonheur.

Les hommes ne cherchent donc pas à atteindre le bonheur en tantque tel car il ne suffit pas, et il n'existe pas de commandement de bonheur : nous pouvons seulement nous enrendre digne « fais ce qui peut te rendre digne d'être heureux.

».

CRPure, théorie transcendantale de la méthode,2ème section.

Si je ne peux pas directement me procurer du bonheur, je peux cependant m'en rendre digne.

à Il s'agit maintenant de savoir si me rendre digne du bonheur me permettrait d'y participer.

« Chacun a sujet d'espérerle bonheur dans la mesure précise où il s'en est rendu digne dans sa conduite.

» CRPure, théorie tdtale de laméthode, 2 ème section.

Pour se rendre digne du bonheur, il suffit d'agir en écartant sa sensibilité, comme si nos. »

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