Faut-il choisir entre être heureux ou être vertueux ?
Publié le 01/04/2005
Extrait du document
Bien définir les termes du sujet :
- « Heureux « : c’est l’état qui caractérise le bonheur, c’est-à-dire un état de satisfaction complète de toutes les tendances humaines, et qui remplit toute la conscience ; état durable de plénitude, d’harmonie avec soi-même et le monde, c'est-à-dire vivre en l’absence de souffrance, d’inquiétude ou de trouble. Sa définition est simple, il est le bien suprême auquel aspire tous les hommes. Distinct du plaisir, à la fois incomplet et passager. Le bonheur est dû à une chance extérieure, favorable. (bon heur = de bonne augure, chance)
- « Vertueux « : c'est montrer la force de sa volonté dans l'accomplissement de son devoir. C'est une disposition acquise et habituelle à vouloir et à accomplir le bien et à fuir le mal. (Morfaux)
- « Choisir « : c'est sélectionner, adopter par préférence. - « Faut-il « : pose la question de la possibilité, de la nécessité et de la légitimité. Construction de la problématique :
La question posée énonce une alternative – être heureux ou être vertueux – et demande si elle valable. Le "faut-il" implique la question de savoir si cette alternative est réellement indépassable, ou si au contraire une conciliation est possible. En effet, dans la conscience commune, les deux termes sont assez antithétiques et coexistent difficilement. Il faudrait donc étudier leurs caractéristiques, pour voir si elles s'excluent absolument l'une l'autre, ou si au contraire un rapprochement est possible. Se pose donc la question de savoir si le bonheur est forcément incompatible avec la vertu, ou si au contraire ces deux attitudes peuvent coexister.
«
Trois propositions d'introductions
Andromaque, après la victoire des Grecs devient butin de guerre.
Pyrrhus, faute de pouvoir la séduire menace detuer Astyanax si elle se refuse à lui.
Elle doit alors choisir entre son désir de rester fidèle à l'amour d'Hector et lanécessité de sauver son fils d'une mort certaine.
Racine montre bien comment le choix d'Andromaque contredit enpartie ses valeurs personnelles : en sauvant son fils elle se veut une bonne mère et accomplit parfaitement son rôleprotecteur, mais elle sacrifie le seul bonheur qui lui était encore possible : honorer le souvenir d'Hector.
Il sembledonc que la vertu, si l'on entend par là la capacité à faire le bien, ne garantisse en rien le bonheur, c'est - à - direla pleine jouissance des possibilités qui nous sont offertes par la vie.Face à cette difficulté le sens commun oscille entre le rejet cynique de toute morale, pour privilégier les plaisirsimmédiats et un moralisme conformiste qui assujettit le bonheur au respect des valeurs établies.Faut-il dès lors s'en remettre à cette alternative désespérante ou bien dissocier morale et bonheur ?Dans ce cas, à quelles conditions pouvons-nous espérer concilier vertu et bonheur ?
Par estime pour son époux auquel elle n'est liée que par une alliance conventionnelle, Madame de Clèves luttecontre la passion qui la pousse vers le Duc de Nemours.
L'exigence morale qu'elle s'impose l'élève en dignité maisl'éloigne aussi de son propre bonheur, si l'on entend par là la possibilité d'exploiter l'ensemble des potentialitéscapables de mener une personne à son propre épanouissement.
Si l'exercice du devoir contredit à ce point notreaspiration légitime au bonheur, nous sommes tentés de la discréditer et de nous laisser guider par nos désirs.Pourtant la conscience morale ne définit-elle pas une des dimensions fondamentales de l'humanité ? Si tel est le cas,à quelles conditions pouvons-nous espérer concilier la quête du bonheur et l'exigence d'un questionnement éthique ?
Dans American Gangster, Ridley Scott met en scène deux personnages totalement antithétiques : un bandit sansscrupules qui parvient à obtenir le monopole du trafique d'héroïne à Harlem grâce à sa duplicité, et un policierintègre qui s'oppose à la corruption et lutte contre le crime dans le respect de la loi.
En pratiquant une charité defaçade par la distribution ponctuelle de colis pour les pauvres, le bandit s'assure le soutien de la population rongéepar la toxicomanie qu'il entretient par son commerce.
Le policier, en revanche s'attire les foudres de ses collèguesen s'opposant à tout compromis avec la pègre.Dans cette histoire il semble bien que le bonheur ne soit pas du côté de la morale.
La flamboyante réussite socialedu gangster tendrait à dissuader toute velléité d'honnêteté.
Mais en renonçant à toute exigence éthique au profitde la seule recherche de plaisirs immédiats, peut-être sommes-nous en train de confondre bonheur et confort.
Si lebonheur passe par la pleine réalisation des potentialités humaines ne suppose-t-il pas au contraire l'exercice d'uneconscience morale qui nous élève au-delà de l'animalité ?Si tel est le cas, comment concilier l'aspiration légitime au bonheur et la nécessaire exigence d'un comportementresponsable ?
Développement suivi
1.
La morale contredit le bonheur2.
L'affirmation de l'obligation morale3.
Les conditions d'une possible réconciliation
Si le bonheur repose sur l'expérience du plaisir, il est alors tentant de mettre de côté la morale, pour mieux jouir dela vie.
C'est la conception que défendent les Cynéraïques : ils considèrent en effet que seule la sensation peut nousconduire au bonheur et nous encouragent à rechercher toutes les sources possibles de plaisir.
Aristippe revendiqueson animalité et l'exaltation des sens en abolissant entre eux toute forme de hiérarchie.
Faisant l'apologie du parfum,habillé en femme, il nous invite à dompter notre animalité plutôt que de chercher à la supprimer.
Il définit le plaisircomme un mouvement doux et harmonieux et récuse la conception catastématique défendue par Epicure, le bonheurrésulte dès lors de l'ensemble des plaisirs locaux passés et futurs.
En ce sens il ne demande d'autre effort que celuitout- à- fait naturel et spontané qui consiste à rechercher le plaisir et fuir la douleur.
Quelle que soit l'activité àlaquelle nous nous livrons, si inconvenante et provocatrice soit-elle, goûter aux délices du parfum dans une tenuequi déroge aux normes établies, par exemple, le plaisir est toujours bon à prendre.
D'après le témoignage de DiogèneLaërce, rien n'est inacceptable pour Aristippe, sinon le fait de réprimer des plaisirs qui sont sources de bonheur.L'idée d'une modération est cependant implicite car c'est avec élégance et délicatesse que se vit l'expérience du.
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