Faut-il avoir peur de ses désirs?
Publié le 18/03/2005
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Si le désir est bien l'essence de l'homme comme le prétend Spinoza, avoir peur de ses désirs reviendrait à avoir peur de soi-même ! Toutefois, il est vrai que le désir a de quoi nous horrifier: la littérature est riche de personnages en proie à la violence de leurs désirs. Mais, plutôt qu'une peur stérile et paralysante une maîtrise des désirs semble souhaitable. Car, penser sa peur, ce n'est pas avoir peur deux fois mais la contenir.
Il est donc nécessaire de maîtriser sa peur du désir. Socrate esquisse un idéal moral classique, que l'on retrouve dans l'histoire de la pensée occidentale. Le bonheur est bien le fruit d'une satisfaction des désirs mais pour y parvenir le sage sait qu'il doit poser plusieurs limites au désir et donc, craindre, appréhender les désirs nuisibles au bonheur. Chez les épicuriens, le bonheur est une plaisir stable sans ambition superficiel comme la vanité fondé sur les désirs naturels mais non nécessaires (bien manger...). L'Homme est donc voué à maîtriser sa peur du désir pour mieux vivre.
Les désirs caractérisés par un but et visant à leur satisfaction sur un objet, sont-ils donc aussi nocifs à l'homme qu'elles le prétendent ? C'est là un problème fort important dans la mesure où il nous touche dans notre expérience quotidienne, dans notre vie de tous les jours.
- REMARQUES:
Remarquer que le sujet n'est pas : « Avons-nous peur de nos désirs? « mais « Faut-il avoir peur de ses désirs? « Il s'agit donc de mener une réflexion dans le domaine éthique, dans le domaine moral.
S'interroger sur la présence ici, dans ce type de problématique, du terme « peur «.
«
Selon le cas, il conviendra à ma raison de juger de l'intérêt de ce désir.
Donc la peur des désirs ne constitue pas uneattitude raisonnable.
Il nous faut considérer nos désirs, mais il ne faut ni les satisfaire systématiquement (c'est ce à quoi tendaitl'application de la philosophie épicurienne, souvent mal interprétée, à partir de la célèbre formule du « Carpe diem »)ni les réprimer systématiquement (c'était plutôt la doctrine stoïcienne qui voulait se garder d'une trop grandejouissance de la vie et par là même des désirs).
Faisons donc confiance à la raison qui, toujours présente, veille ets'avérera notre meilleur guide.
Épicure parle de la "prudence" comme la plus précieuse des vertus:
"Nous disons que le plaisir est la fin de la vie, nous ne parlons pas desplaisirs des hommes débauchés ni de ceux qui consistent dans lajouissance, comme l'imaginent certaines gens, mais nous entendons leplaisir comme l'absence de douleur pour le corps, l'absence de troublepour l'âme.
Car ce ne sont ni des beuveries et des festins à n'en plusfinir, ni la jouissance de jeunes garçons ou de femmes, ni ladégustation de poissons et de bonne chère que comporte une tablesomptueuse, qui engendrent la vie heureuse, mais c'est unentendement sobre et sage, qui sache rechercher les causes de toutchoix et de toute aversion et chasser les opinions fausses, d'oùprovient pour la plus grande part le trouble qui saisit les âmes.
Or leprincipe de tout cela, et par conséquent le plus grand bien, c'est laprudence.
Et voilà pourquoi la prudence est une chose plus précieuseque la philosophie elle-même ; car c'est elle qui donne naissance àtoutes les autres vertus, en nous enseignant qu'il est impossible devivre heureusement sans vivre avec prudence, honnêteté et justice,comme il est impossible de vivre avec prudence, honnêteté et justicesans vivre par là même heureusement." ÉPICURE.
Remarques préliminaires.
Comme il est d'usage en son temps, la doctrine d'Épicure concerne tous les aspects du savoir : à la fois, une théoriede la connaissance (atomisme et sensualisme), une physique (mécaniste) et une morale (hédoniste).
C'est cettedernière qui est encore évoquée aujourd'hui sous le nom d'épicurisme, mais avec un contresens habituel, puisque lanotion d'épicurisme, malgré la vulgarisation qui en est faite par Lucrèce, est généralement associée à l'idée d'unerecherche effrénée des plaisirs.Le texte présenté est extrait de la « Lettre à Ménécée ».L'expression « vie heureuse » apparaît trois fois dans ce texte.
L'objectif d'Épicure est donc de définir les conditionsd'une vie heureuse.
Le lecteur remarquera aussi que le plaisir est ici défini de manière négative comme absence («absence de trouble pour l'âme », « absence de douleur pour le corps »).
C'est à l'entendement de discerner lesvaines opinions (les désirs vains) des vrais.
La vertu la plus haute est donc la prudence permettant l'usage correctde l'entendement.
Modèle.
1) La thèse soutenue par Épicure est que « le plaisir est la fin [au sens de finalité] de la vie.
»2) Encore faut-il s'entendre sur ce qu'est cette notion de plaisir.
Il est absence de douleur pour le corps, absencede trouble pour l'âme.3) C'est à l'entendement d'opérer les bons choix et de chasser les opinions fausses.4) Il y faut de la prudence, chose plus précieuse que la philosophie elle-même, source de toutes les autres vertus,conditions de la «vie heureuse ».
1) La thèse d'Épicure est que « le plaisir est la fin de la vie ».
Cette définition de la fonction du plaisir est uneposition qui ne lui est pas personnelle mais qui renvoie plus généralement à la doctrine philosophique de l'épicurisme(« nous »).
Quant à la « fin » de la vie, il faut entendre la finalité, à la fois le but et l'objet.
Non pas ce qui estlointain, ou ultime, mais qui peut se réaliser dès maintenant, à condition de suivre certaines règles, que prescrit laphilosophie.Ce n'est pas dans un au-delà, mais sur terre que nous pouvons trouver la vie heureuse.
Quand il s'agit de vie, c'estla vie heureuse qu'il s'agit.
Épicure insiste.
Par trois fois il emploie l'expression.2) Que l'objectif d'une vie heureuse ne provoque pas d'objection, cela va de soi.
Mais quant à s'entendre sur lanotion de plaisir, il n'en est pas de même.
D'où, d'abord, la nécessité d'écarter (« nous ne parlons pas ») desconceptions erronées mais pourtant répandues (« comme l'imaginent certaines gens »).
D'abord le plaisir lié à ladébauche –sans doute liée à la sexualité- et marqué par l'excès.
Ni le plaisir lié à la jouissance –sans doute liéstrictement au corps.Ensuite vient la nécessité pour Épicure, de donner sa propre définition du plaisir (« nous entendons par plaisir »).Définition conceptuelle à l'opposé d'une définition empirique –qui ne cherche pas à s'appuyer sur une présence, maisqui, au contraire, se réfère à l'absence : « nous entendons le plaisir comme l'absence »..
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