Faut-il aller contre les passions ?
Publié le 03/02/2004
Extrait du document
«
« Les hommes peuvent bien vaincre leurs passions par des passions contraires: ils peuvent vaincre la peur, ou ladouleur, par vanité ...
mais ce n'est pas là vaincre, ce n'est pas là se délivrer de la servitude: c'est peut êtrechanger de maître pour quelque temps...
» Malebranche, De la recherche de la vérité, II, 3ème partie, IV.
« La morale n'est qu'un langage figuré des passions.
» (NIETzscHE.)
• il ne faut pas aller contre, c'est la passion qui donne la valeur à la vie.
Dans le banquet, Platon explique trèsclairement que c'est l'Eros (le désir amoureux) qui nous mène vers la beauté, la connaissance et la vertu.
La passioncesse d'apparaître comme nécessairement opposée au bien et à la raison, elle semble au contraire le moteur versl'accomplissement de notre existence.
Ou bien l'on considère (Kierkegaard, Hegel), que la passion doit accompagnerla vertu pour que la vertu soit grande, la passion fonctionnant alors comme un amplificateur ; ou bien ce sont lespassions positives en elles-mêmes qui nous guident vers le bien (platon, nietzsche).
« Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion.
» Hegel, LaRaison dans l'histoire, 1837 (posth.)
La passion a souvent été méprisée comme une chose qui est plus ou moinsmauvaise.
Le romantisme allemand et, en particulier, Hegel restituent à la passion toute sa grandeur.
Dans une Introduction fameuse (« La Raison dans l'histoire ») à ses « Leçons sur la philosophie de l'histoire » - publiées après sa mort à partir de manuscrits de l'auteur et de notes prisespar ses auditeurs -, on peut lire (trad.
Kostas Papaioannou , coll.
10118):
« Rien ne s'est fait sans être soutenu par l'intérêt de ceux qui y ontparticipé.
Cet intérêt nous l'appelons passion lorsque, écartant tous lesautres intérêts ou buts, l'individualité tout entière se projette sur unobjectif avec toutes les fibres intérieures de son vouloir et concentredans ce but ses forces et tous ses besoins.
En ce sens, nous devons direque rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion. »
L'histoire est en apparence chaos et désordre.
Tout semble voué à ladisparition, rien ne demeure : « Qui a contemplé les ruines de Carthage , de Palmyre , Persépolis , Rome , sans réfléchir sur la caducité des empires et des hommes, sans porter le deuil de cette vie passée puissante et riche ? Cen'est pas comme devant la tombe des êtres qui nous furent chers, un deuilqui s'attarde aux pertes personnelles et à la caducité des fins particulières: c'est le deuil désintéressé d'une viehumaine brillante et civilisée. »
L'histoire apparaît comme cette « vallée des ossements » où nous voyons les réalisations « les plus grandes et les plus élevées rabougries et détruites par les passions humaines », « l'autel sur lequel ont été sacrifiés le bonheur des peuples, la sagesse des Etats et la vertu des individus ».
Elle nous montre les hommes livrés à la frénésie des passions, poursuivant de manière opiniâtre des petits buts égoïstes, davantage mus par leurs intérêts personnelsque par l'esprit du bien.
S'il y a de quoi être triste devant un tel spectacle, faut-il, pour autant, se résigner, y voirl'œuvre du destin ? Non, car derrière l'apparence bariolée des événements se dévoile au philosophe une finalitérationnelle : l'histoire ne va pas au hasard, elle est la marche graduelle par laquelle l'Esprit parvient à sa vérité.
LaRaison divine, l'Absolu doit s'aliéner dans le monde que font et défont les passions, pour s'accomplir.
Telle est: « la tragédie que l'absolu joue éternellement avec lui-même: il s'engendre éternellement dans l'objectivité, se livre souscette figure qui est la sienne propre, à la passion et à la mort, et s'élève de ses cendres à la majesté ».
Ainsi, l'histoire du devenir des hommes coïncide avec l'histoire du devenir de Dieu.
Etats, peuples, héros ou grandshommes, formes politiques et organisations économiques, arts et religions, passions et intérêts, figurent la réalité del'Esprit et constituent la vie même de l'absolu .
« L'Esprit se répand ainsi dans l'histoire en une inépuisable multiplicité de formes où il jouit de lui-même.
Mais sontravail intensifie son activité et de nouveau il se consume.
Chaque création dans laquelle il avait trouvé sajouissance s'oppose de nouveau à lui comme une nouvelle matière qui exige d'être oeuvrée.
Ce qu'était son œuvredevient ainsi matériau que son travail doit transformer en une œuvre nouvelle. »
Dans cette dialectique ou ce travail du négatif, l'Esprit, tel le Phénix qui renaît de ses cendres, se dresse chaque fois plus fort et plus clair.
Il se dresse contre lui-même, consume la forme qu'il s'était donnée, pour s'élever à uneforme nouvelle, plus élevée.
De même que le Fils de Dieu fut jeté « dans le temps, soumis au jugement, mourant dans la douleur de la négativité », pour ressusciter comme « Esprit éternel, mais vivant et présent dans le monde », de même l'Absolu doit se vouer à la finitude et à l'éphémère pour se réaliser dans sa vérité et dans sa certitude.
Dès lors, ce n'est pas en vain que les individus et les peuples sont sacrifiés.
On comprend aussi que les passionssont, sans le savoir, au service de ce qui les dépasse, de la fin dernière de l'histoire: la réalisation de l'Esprit ou deDieu.
Chaque homme, dans la vie, cherche à atteindre ses propres buts, cache sous des grands mots des actionségoïstes et tâche de tirer son épingle du jeu.
Et la passion, ce n'est jamais que l'activité humaine commandée pardes intérêts égoïstes et dans laquelle l'homme met toute l'énergie de son vouloir et de son caractère, en sacrifiant à.
»
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