Faut-il affirmer, avec Spinoza, que « la sagesse est une méditation, non de la mort, mais de la vie » ?
Publié le 25/03/2004
Extrait du document
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« Philosopher , c'est apprendre à mourir »
La mort est notre plus universelle condition ; nous y allons tous aussi certainement, et la vie n'est qu'un longmourir.
Puisque philosopher, c'est apprendre à bien vivre, c'est aussi apprendre à bien mourir.
Je dois mourir ; je ledis ; je le sais ; mais est-ce que je vis ce savoir ? Le but de la vie, c'est le plaisir ; la peur de la mort nous le gâche.
C'est qu'elle vient à son heure, non à la nôtre.Le but est de ne pas se donner de peine de la mort ; le meilleur moyen n'est pas de ne pas s'en occuper.
Bien vivre,c'est aller, dans le sens de la vie, vers la mort ; c'est la voie du sage.
Le vulgaire, qui n'y pense pas, y va àreculons, terrorisé et abattu quand elle approche.
Savoir qu'on doit mourir nous libère de tous les maux ; qu'est-ce qui importe à celui à qui mourir n'importe pas ?Montaigne multiplie les arguments de sagesse ; mais n'est-ce pas paroles en l'air ? Parler est un savoir emprunté ; levrai savoir est celui qui se vit.
« Je remets à la mort l'essai du fruit de mes études.
Nous verrons là si mes discoursme partent de la bouche, ou du coeur.
»
"Le philosophe ne pense à aucune chose moins qu'à la mort et sa philosophie est une méditation de la vie,non de la mort" SPINOZA
La philosophie de Spinoza est une ontologie optimiste : pour lui perfection et réalité, vertu et puissance sont mêmechose.
Le bonheur absolu existe ici-bas dans la communion intellectuelle avec l'essence des choses.
Ni l'erreur, ni lemal, ni la mort n'offrent la moindre prise à une pensée positive ; ils ne se définissent qu'à partir de l'Être dont ilssont défaut, privation ; la pensée de la mort est contradictoire, c'est une pensée folle car prétendre penser le rienrevient très exactement à ne rien penser ; chacun de nous est une essence particulière affirmative qui tendobstinément à « persévérer dans son être »; et il faut bien comprendre que ce « conatus », cet effort vers laplénitude de l'existence n'a rien à voir avec un peureux et douillet instinct de conservation.
LE « CONATUS » OU EFFORT DE L'ÊTRE.
Rien ne va au néant.
Le nihilisme est absurde : « Nulle chose ne peutêtre détruite, sinon par une cause extérieure » (Éthique, III, P.
4).L'essence d'une chose est une manifestation limitée de l'essence de laCause de soi, qui est puissance infinie : « Tant que nous considéronsseulement la chose elle-même, et non les causes extérieures, nous nepouvons rien trouver en elle qui puisse la détruire » (ibid.).De là découle la proposition 6, justement célèbre: « De par son être,chaque chose s'efforce de persévérer dans son être » L'être est désird'être.
« Cet effort, rapporté à l'esprit seul, s'appelle volonté ; mais quand il serapporte à la fois à l'esprit et au corps, il s'appelle tendance (appetitus); la tendance n'est donc rien d'autre que l'essence même de l'homme ;de cette essence découlent nécessairement les actes qui servent à saconservation; et ainsi l'homme est déterminé à les faire.
De plus, entrela tendance et le désir (cupiditas) il n'y a nulle différence, sinon que ledésir se rapporte généralement aux hommes dans la mesure où ils sontconscients de leurs tendances et c'est pourquoi on peut donner la définition suivante : Le désir est la tendance accompagnée de la conscience de cette même tendance.
Ainsi ilest établi que nous faisons effort en vue de quelque chose, la voulons, tendons vers elle, la désirons, non pasparce que nous jugeons qu'elle est bonne : au contraire, nous jugeons qu'une chose est bonne parce que nousfaisons effort pour l'avoir, la voulons, tendons vers elle et la désirons.
» (Éthique, III, P.
9, Sc.).
Ainsi le désir,reconnu par toute la philosophie comme le dynamisme immanent à la nature, exprime directement l'essence del'être fini, ou puissance finie.
Précurseur de Nietzsche et de Goldstein, sur ce point, Spinoza nous dit que « l'homme libre recherche spontanémentce qui lui est utile, c'est-à-dire n'agit pas par crainte de la mort mais désire directement ce qui est bon ».
Agir parpeur du mal, par peur de la mort, agir « pour ne pas » est une perversion de la belle spontanéité ingénue, perversiondue aux dérèglements de l'imagination.
La joie est le sentiment de notre puissance augmentée, la tristesse est toutau contraire l'écho de la diminution de nos pouvoirs.
Chaque être, spontanément.
s'efforce de chasser la tristesse etde conquérir toujours plus de joie.
Et « aucune chose n'a rien en elle par quoi elle puisse être détruite et l'effort parlequel chaque chose s'efforce de persévérer dans son être n'enveloppe aucun temps fini, mais un temps indéfini ».Il est vrai, mais chaque chose prise dans la « concatenato omnium rerum » peut à tout moment être détruite parl'ensemble des autres choses.
L'homme, simple mode fini de la substance infinie, « subit la poussée des causesextérieures comme les eaux de la mer sont soulevées par les vents contraires ».
L'affection qui exprime le rapport leplus fréquent entre les forces extérieures et celles de notre corps — dont notre âme n'est que l'idée — estinévitablement la tristesse.
Comment dès lors échapper à l'imagination du mal et de la mort ?L'optimisme n'est possible que parce que Spinoza renonce à se placer au point de vue de notre individualitéparticulière.
Le moi égoïste et singulier, simple détermination de la substance, n'est qu'une négation.
Ce moi singulierest à tout moment menacé par la mort qui est la négation de cette négation.
En fait, il ne faut pas vivre au point de.
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- « Un homme libre ne pense à aucune chose moins qu'à la mort; et sa sagesse est une méditation non de la mort mais de la vie. » Spinoza, Éthique, 1677 (posth.). Commentez cette citation.
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