Faire son devoir et rechercher son bonheur sont-ils deux buts incompatibles ?
Publié le 19/05/2013
Extrait du document
«
bien parfois se réunir (prendre soin de ses enfants par exemple est à la fois ce qui rend heureux et un
devoir), mais leurs buts sont clairement distincts : dans le bonheur on pense d’abord à soi (même si
l’intérêt des autres peut en être la condition) ; dans le devoir on pense d’abord aux autres (même si
cela peut procurer un certain plaisir).
C’est ce qui explique qu’on peut très bien, semble-t-il être
heureux, tout en étant immoral ; et inversement malheureux tout en étant quelqu’un de bien.
Le
personnage de Gilliatt dans Les travailleurs de la mer de Victor Hugo l’illustre très bien.
Gilliatt est
la figure même de l’individu qui, bien que faisant preuve d’une moralité exemplaire, a une
existence très malheureuse, car sa promise ne l’aime pas.
Faire le bien ne garantit pas le bonheur ;
de même qu’être heureux n’entraîne pas nécessairement la vertu morale.
Faire son devoir et
rechercher son bonheur sont donc deux buts bien distincts.
2/ L’opposition bonheur / morale.
Ne peut-on pas aller jusqu’à penser que faire son devoir et rechercher son bonheur
s’opposent même radicalement ? Lorsque je recherche mon bonheur (intérêt personnel, particulier),
je ne peux prendre en compte l’intérêt des autres que s’il n’entre pas en contradiction avec mon
intérêt propre (ce qui n’est pas un acte moral, mais intéressé, au mieux inoffensif pour mon propre
bonheur).
Mais dès lors que l’intérêt des autres contredit mon bonheur personnel, je ne les prends
plus en compte (sous peine d’altérer mon propre bonheur).
Inversement, faire son devoir (prendre
en compte l’intérêt collectif, universel) peut être au détriment, au sacrifice de son intérêt propre.
Les
résistants lors de la seconde guerre mondiale se sont battus pour une cause morale, au sacrifice de
leur intérêt propre (il aurait été plus prudent et moins risqué dans leur intérêt de collaborer).
A
l’inverse une partie de ceux qui ont collaboré ont opté pour leur intérêt personnel, plutôt que pour le
devoir moral.
Le « devoir », par définition, implique un certain sacrifice de ses intérêts, une certaine
forme de règle contraignante, difficile, « contre-nature », pénible à réaliser (car étant en rupture
avec la seule recherche égoïste du bonheur personnel).
Faire son devoir et rechercher son bonheur
semblent donc deux buts, non seulement distincts, mais opposés.
3/ La contradiction bonheur / morale.
Rechercher son propre bonheur personnel peut même entrer en contradiction totale avec le
devoir moral.
Un hédonisme radical et débridé pourrait ainsi très bien se représenter le bonheur
comme le plaisir de braver tous les interdits moraux, le plaisir de « transgresser » le devoir moral.
On trouve une illustration éclatante de cette conception chez le marquis de Sade par exemple qui
montre que le plaisir, la jouissance véritables viennent de la transgression des normes morales.
Non
seulement, dès lors, le bonheur n’a rien à voir avec la morale, mais il peut même se construire
contre elle.
Il y aurait alors un certain plaisir à faire le mal.
C’est ce qu’on appelle d’ailleurs, en
référence à Sade justement, le sadisme.
Le bonheur peut ainsi trouver son expression contre le
devoir moral lui-même.
Transition : Mais l’homme, être à la fois sensible (qui recherche son bonheur) et rationnel (capable
d’une action morale), peut-il à ce point dissocier la recherche de son bonheur et la conduite morale
dans sa vie ? N’y a-t-il pas quand même une forme de complémentarité entre bonheur et vertu
morale dans l’existence humaine ? Peut-on vraiment être heureux dans l’immoralité radicale ?
2.
»
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