Exposé Sur: l’axiologie
Publié le 03/01/2025
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Exposé Sur: l’axiologie
Introduction :
L’axiologie, c’est-à-dire la discipline (logos) ayant pour objet l’étude des valeurs (axio), doit, pour
apparaître pour ce qu’elle est réellement, être soigneusement distinguée de la morale.
On entend
fréquemment dire que le problème des valeurs est un problème moral, que la morale aurait pour tâche
de résoudre.
Ceux qui distinguent morale et éthique, l’une ayant pour but de déterminer quels sont
nos devoirs, l’autre comment atteindre la sagesse ou le bonheur, attribuent parfois également à
l’éthique le soin d’étudier les valeurs.
En fait, l’étude des valeurs ne nous semble pas du ressort de la morale et de l’éthique, parce que
chercher s’il y a quelque chose qui a une réelle valeur n’a probablement rien à voir avec se demander
si nous avons des devoirs, et quels sont-ils, ou se demander comment devenir sage, ou heureux.
On pense certainement que les valeurs concernent la morale parce qu’on parle le plus souvent
de valeurs morales.
Mais il n’y a pas que des valeurs morales.
Par exemple, lorsqu’un critique
dénonce tel ou tel film comme sans valeur, est-il en train d’affirmer que le film ne nous rend pas
meilleur moralement ? Certainement pas.
Lorsque l’esthète loue la valeur du travail qu’a fourni un
créateur de parfum, est-il en train d’affirmer que le parfum en question est moral ? De même, on peut
s’exclamer devant cette pâtisserie, ce qui signifie lui accorder une grande valeur, sans prétendre que
nous ferons notre devoir en la dégustant.
Les valeurs morales ne sont donc, à ce qu’il paraît, qu’une
petite partie des valeurs existantes ; et la meilleure preuve que « valeur » et « morale » ne sont pas
des synonymes, c’est que l’on peut se demander si la morale a une réelle valeur, comme le fait
l’immoraliste, ou même le moraliste authentique.
Si ces deux termes étaient synonymes, la question ne se poserait pas : dire « la morale a une valeur »
serait la même chose que de dire « une voiture est une automobile ».
Mais le fait que la question « la morale a-t-elle une valeur ? » reste une « question ouverte » montre
que la valeur est autre chose que la morale, et que l’attribution de l’une à l’autre est un problème :
le problème des valeurs, qui n’est de ce fait pas un problème moral, mais un problème axiologique.
I)
Le concept de bien
Pour qu’un concept soit abandonné, il faut qu’on montre en lui une imperfection constitutive.
Le
défaut essentiel du concept « bien », c’est son ambiguïté.
Il a été déterminé par Kant que « bien » peut désigner l’agréable ou le bien moral, le Wohl ou le Gut.
« Il est bon de manger une glace » sollicite le concept de bien d’une toute autre façon que « Il est bon
que tu fasses tes devoirs » le fait.
Ce serait pourtant sous-estimer l’ambiguïté du concept de bien que
d’identifier en celui-ci seulement deux sens distincts.
Une ambiguïté qui scinde un concept en deux
sens n’est pas une réelle ambiguïté ; c’est seulement une légère équivoque, vite levée, un simple
retard dans la réflexion, qui n’a pas même à se corriger explicitement -le contexte suffit pour cela.
Il nous semble pour notre part que l’on peut prêter pas moins de six sens à « bien » dans
l’expression « c’est bien ».
Bien peut signifier :
- le bien moral.
« C’est bien » signifie alors « c’est bien moralement », ou « c’est vertueux ».
- l’agréable.
« C’est bien » signifie « cela me donne du plaisir ».
- le bonheur.
« C’est bien » signifie alors : « c’est bon » ou « ça me rend heureux ».
- l’avantageux / l’utile.
« C’est bien » signifie « cela sert mes intérêts ».
- le convenable.
« C’est bien » signifie alors « cela est bien fait/ fabriqué/adapté ».
- la valeur.
« C’est bien » signifie alors : « cela a une grande valeur ».
Le concept de bien est donc « miné » par tous ces différents sens, et lorsqu’on l’utilise pour poser
le problème des valeurs, on court le risque de sombrer dans la confusion la plus grande et le nonsens, puisqu’on ne sait jamais ce qu’il signifie précisément.
Utiliser le concept de « bien » pour poser le problème axiologique (en se demandant, classiquement,
« quel est le souverain bien ? »), c’est donc d’emblée se compliquer infiniment la tâche, dans cette
recherche qui comporte en elle-même les difficultés les plus grandes.
En somme, pour éviter toute ambiguïté, il faut abandonner le concept de bien, ou plutôt l’utiliser
dans un seul sens : le bien moral (et bien prendre soin de préciser toujours « bien moral »).
Le mot «
bien » ne sera donc jamais utilisé -par nous- seul, mais toujours suivi de l’adjectif « moral ».
Seul, il
est toujours trompeur, car cette solitude est illusoire ; il est toujours accompagné secrètement de six
sens différents qu’il mélange allègrement.
Construire une axiologie sur le mot « bien », c’est donc nécessairement la charger du fardeau d’une
discipline auxiliaire : l’herméneutique, qui aura pour tâche de déterminer le sens exact de chaque
jugement axiologique, en essayant de retrouver selon le contexte l’intention de l’auteur.
On retrouve d’ailleurs cette ambiguïté dans l’ancêtre de notre concept de bien : le terme grec
« agathon».
Un problème se pose en effet à nous : nous ne trouvons pas d’équivalent grec du mot français «
valeur ».
Valeur vient en effet, ainsi que le rappelle Lavelle, non du grec, mais du vieux français, où
il était synonyme de vaillance, lui-même dérivant du latin valere : être fort, en bonne santé 1.
Nous ne
trouvons chez Platon et Aristote, que le concept d’ « agathon » (αγαθόν) que l’on a traduit par « bien
».
Une question se pose : peut-on dire que puisqu’il n’y a pas le mot « valeur », il n’y en ait pas la
notion dans la pensée grecque ? Faut-il croire que cette dernière soit restée sourde à toute
considération de valeur ? Voilà qui serait absurde, tant la pensée platonicienne par exemple apparaît
au contraire marquée par le souci de dresser des hiérarchies, ou plutôt de trouver la seule et vraie
hiérarchie ; un regard comme le regard platonicien, orienté comme il l’est vers le « haut », ne peut
qu’être au contraire celui qui prend pour objet principal le problème des valeurs.
Ainsi que le montre
Lavelle, c’est de nos jours seulement qu’on s’est demandé si l’on ne pouvait pas constituer une
science autonome des valeurs à laquelle on a même proposé de donner le nom d’axiologie.
Mais la
recherche de la valeur est aussi ancienne que la réflexion 2.
Néanmoins nous ne devons pas négliger ce fait : il n’y a pas d’équivalent grec du mot français «
valeur ».
Le grec « axion », d’où dérive notre « axiologie », a certes une parenté avec notre « valeur »
au sens contemporain, puisqu’il désigne « ce qui est précieux, digne d’être estimé » 3.
Mais
l’interrogation sur les valeurs s’opère plus dans la pensée antique par le concept d’agathon (bien) que
par celui d’axion : on cherche le « souverain bien », et non la « suprême valeur ».
Or le concept d’agathon est marqué par la même ambiguïté qui caractérise le concept de bien.
Cette ambiguïté est déplorée par Platon lui-même : certains, note-t-il dans la République, disent que
le bien consiste dans l’intelligence… du bien.
Mais qu’entendent-ils par là ? Comment ne serait-il pas
plaisant de leur part de nous reprocher notre ignorance à l’égard du bien, et de nous en parler ensuite
comme si nous le connaissions ? Ils disent que c’est l’intelligence du bien, comme si nous devions les
comprendre dès qu’ils auront prononcé ce nom de bien 4.
D’où vient le désarroi platonicien ? De ce que l’ « agathon » grec a une portée si générale qu’il
regroupe tous les sens du mot « bien »1 (y compris celui de propriété2) .
C’est donc comme le terme
français bien, un terme équivoque, ambigu.
On ne donc sait lequel (ou l’on doit deviner selon le
contexte), lequel de ces six sens est appelé par le mot agathon, lorsqu’on le rencontre.
Mais la
traduction ne pose pas de problème : on traduit l’ambigu « agathon » par l’ambigu « bien » et la
difficulté est simplement repoussée, et laissée à l’appréciation du lecteur : c’est à lui de deviner ce
qu’entend l’auteur par Bien.
Ainsi si l’on ne consulte ne serait-ce que la République, on retrouvera chacun de ces sens, toujours
sous le terme « agathon ».
Par exemple :
- comme « avantageux/utile » : Ce qui détruit et corrompt les choses est le mal ; ce qui les conserve et
leur profite est le bien 3.
De cela il en déduit que le plus grand mal pour une cité est ce qui la....
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