Exposé: Réquisitoire de Socrate
Publié le 12/12/2023
Extrait du document
«
Réquisitoire de Socrate
1.
Comment Socrate a été jugé
Nous sommes ici pour représenter la ville d’Athènes et plaider les charges
contre Socrate.
Socrate est accusé d’impiété démontré par son mépris public pour les dieux qui
protègent la démocratie athénienne et de corrompre la jeunesse d’Athènes, leur
apprendre à s’occuper de leur âme au lieu d’exercer des fonctions publiques et de
poursuivre les occupations, à savoir défendre la ville d’Athènes contre les ennemis
internes et externes.
Les deux accusations contre Socrate ont été portées par son compatriote Mélétos
selon les lois de la démocratie athénienne.
À un stade initial (avant procès) l’affaire a
été examiné par le roi Archonte (l’un des neuf archontes de la ville) qui après avoir
entendu les deux parties, c.-à-d.
Mélétos l’accusateur et Socrate le défendeur, et après
avoir examiné les preuves présentées par eux, a décidé de renvoyer l’affaire devant
l’Héliée, le tribunal du jury d’Athènes, composé de 500 jurés, tous citoyens
d’Athènes âgés de plus de trente ans, pris par lot le jour même de l’audience.
2.
Une étrange coalition
Nous, défenseurs de la démocratie athénienne et accusateurs de Socrate, savons
que notre tâche n’est pas facile.
Comment diable quelqu’un (même un maître de l’art
de la persuasion) pourrait persuader les juges ou les jurés d’aujourd’hui de
condamner l’un des philosophes les plus célèbres de son temps ?
En effet, celui qui tente aujourd’hui de parler pour Athènes et contre Socrate fait face
à une étrange coalition de fervent partisans de Socrate.
Les chrétiens voient en Socrate un véritable martyr pré-chrétien qui prêchait la
suprématie de nos âmes sur les joies matérielles de ce monde et affrontait sans crainte
sa possible peine de mort imposée par un État païen.
Les libéraux célèbrent Socrate
comme un libre penseur courageux et un héros de la liberté d’expression illimitée qui
a persévéré sur le droit individuel de communiquer ses idées contre une société
oppressive et intolérante.
Mais même les critiques ou les ennemis déclarés de la démocratie participative citent
la conviction de Socrate comme un exemple éminent de la 'tyrannie de la majorité' et
de l’incompétence des gens ordinaires à exercer leurs fonctions publiques.
Les
opposants au système de jury trouvent dans la condamnation de Socrate la preuve que
les jurés sont lésés et incapables de juger leurs pairs, alors que les opposants à la
peine de mort,qu’il risque, invoqueraient sa condamnation pour démontrer que cette
peine est inacceptable puisqu’elle empêche l’annulation d’une condamnation
manifestement injustifiée.
Quelle est l’explication de cette étrange coalition pro-Socrate de ces groupes de
personnes par ailleurs divergents ? Nous avons l’impression, avec tout le respect que
nous vous devons, que la plupart des partisans de Socrate choisissent parmi ses
enseignements des idées qui, selon eux, leur conviennent.
Pire encore, ils appréhende
le procès de Socrate hors de son contexte actuel, i.e.
ils projettent des concepts
modernes en relation avec l’État laïque et la liberté de religion, la liberté d’expression
et les droits individuels, la séparation des pouvoirs de l’État et la sécurité juridique
dans un temps et une culture totalement différents, celui de la démocratie athénienne.
3.
Le contexte politique et social du procès de Socrate
Hommes d’Athènes nous ne sommes pas ici pour juger Socrate, le philosophe
athénien.
Nous n’avons aucune intention de l’accuser à cause de ses idées.
Nous
sommes ici pour examiner si le citoyen Socrate a commis les actes dont il a été
accusé, c’est à dire d’avoir violer des lois d’Athènes; et qu’il aura, par l’intermédiaire
d’avocats, la possibilité de se défendre.
À cette fin, permettez-moi d’abord de souligner brièvement certains des éléments
politiques fondamentaux, composantes judiciaires et culturelles de la démocratie
athénienne.
Dans ce contexte, nous allons ensuite démontrer que Socrate a un procès
juste dont la possible sentence, reposant sur deux chefs d’accusation, est en harmonie
avec la loi.
Donc, la démocratie a été rétablie à Athènes quatre ans seulement avant ce procès.
Les souvenirs du régime ensanglanté des trente tyrans pro-espagnols qui ont tué 1500
personnes en huit mois sont encore vifs.
Les tyrans ont été dirigés par le notoire
Critias, un élève éminent de Socrate, et parmi eux était Charmides, un élève de
Socrate aussi.
Les tyrans ont été renversés par de braves Athéniens démocratiques
parmi eux Anytos, un des accusateurs de Socrate- et la démocratie a été rétablie.
Une
amnistie, qui a suivi, a ouvert la voie à la pleine récupération des institutions
démocratiques.
Et quelle admirable démocratie ! Il serait juste de dire qu’à aucun autre moment de
l’histoire les gens n’avaient atteint un tel niveau de démocratie directe participative,
où tous les citoyens (masculins) exerce des fonctions publiques en choisissant et en
étant élus par leurs concitoyens pour accomplir les tâches les plus exigeantes.
Il n’y a
pas de pouvoir d’État centralisé à Athènes.
Ses citoyens ne se considèrent pas comme
des individus qui ont besoin d’être protégés par des droits individuels contre un État
puissant et omniprésent.
Il n’y a pas de politiciens, de soldats ou de juges
professionnels.
Chaque citoyen exerce ses fonctions publiques en rotation de façon
continue.
Les Athénien poursuivent leurs activités spirituelles et honorent leurs dieux
conjointement et en public.
Le bonheur est une affaire publique et non privée.
Dans
l’ensemble, la démocratie athénienne est organisée comme un système politique et
social intégré, dans lequel les citoyens sont censés être actifs dans tous les aspects de
la vie civique.
Échapper à la vie privée est considéré comme un comportement non
honorable.
Socrate, cependant, proclame à l’intention des jurés :
« un homme qui lutte réellement pour la justice doit mener une vie privée, et non
publique, même s'il doit survivre pendant une courte période.
»
Les Athéniens de cette époque ne savaient que trop bien à quel point leur démocratie
unique était vulnérable.
Les ennemis de l’intérieur poursuivent toujours la mise en place d’un régime
oligarchique (pro-Spartan), tandis que les ennemis extérieurs saisiraient chaque
occasion de vaincre Athènes et soumettre ses citoyens à l’esclavage et à l’irrespect.
Les Athéniens sont attentifs à ces dangers et sont déterminés à ne laisser personne
détruire une fois de plus les fondements de leur ordre politique et social.
Tôt le matin
avant ce porcès, les cinq cents jurés d’Héliée ont prêté serment sur la colline des
Ardettos en promettant de voter conformément aux lois de l’Assemblée (εκκλησία
του δήμου) et du Conseil (βουλή) et de ne pas voter en faveur de l’oligarchie ou de
tout tyran; de rejeter tout don lié au jugement; de juger l’accusé pour l’acte dont il a
été accusé; et d’écouter également l’accusateur et le défendeur.
4.
Tactiques de procès de Socrate
Ce procès démontrent que les jurés de Socrate n’ont pas violé leur serment.
Socrate bénéficie d’avocats et donc de temps pour se défendre contre les accusations.
Il est même libre d’interroger ses accusateurs.
Il....
»
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