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Expliquez et discutez cette opinion de Chateaubriand : « On ne peint bien que son propre coeur, en l'attribuant à un autre, et la meilleure partie du génie se compose de souvenirs. »

Publié le 16/09/2014

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chateaubriand

B. Mais, à vrai dire, ce n'est guère son. histoire sentimentale que l'écri­vain met dans ses livres, du moins pas cette histoire sentimentale qu'il commit exactement et dont ses familiers connaissent les grandes lignes. Le coeur humain, en effet, est moins simple qu'il ne parait à première vue. En marge de la vie affective dont nous avons une conscience nette et que, par suite, nous pouvons décrire aisément, un regard exercé dis­cerne une zone plus obscure de sentiments qui ne semblent que virtuels, mais d'une virtualité puissante. L'existence, en effet, réduit singulière­ment les possibilités avec lesquelles nous étions venus à la vie. « On ne peut pas tout faire «, dit le sens commun; il faut choisir et tout choix est nu renoncement. Mais nos désirs n'abdiquent pas pour autant, et cette vie à laquelle les circonstances nous ont amené à renoncer, nous la vivrons en rêve. C'est ce roman sentimental qui court en marge de son histoire plutôt que celle-ci que l'écrivain transpose dans ses créations imaginaires. Sans doute, même alors, le coeur qui bat dans la poitrine de ses héros est une réplique du sien mais il y a une différence essen­tielle : c'est son affectivité de rêve qui, dans le personnage qu'il se subs­titue, devient affectivité réelle, faisant corps avec toute l'histoire qu'il raconte.

chateaubriand

« DE LA LITTÉRATlJHE A LA PSYCHOLOGIE s'en rende compte et parfois malgré lui, chacun se contente d 'appro­ fondir un petit nombre de caractères qui reparaissent avec quelques varian­ tes dans tous ses livres.

C'est que, nous dit CuATEAUBRIAND, " on ne peint bien que son propre cœur »; c'est lui-même et ses expériences que le romancier raconte en sorte que les souvenirs constitueraient la meilleure partie du génie.

Arrêtons-nous à cette pensée pour la bien comprendre et voir ,si elle est parfaitement exacte.

l.

- cc ÜN NE PEINT BIEN QUE SON PROPRE C(llUR.

ll A.

La première affirmation de Chateaubriand semble indiscutable : '' Ou ne peint bien que son propre cœur.

>> Pe11sonne, en effet, ne peut peindre que ce qu'il connait.

Or, en fait de sentiments, que connaissons-nous mieux que ceux que nous éprouvons nous-mêmes ? Sans doute, nous ne sommes pas enfermés en nous au point de ne pouvoir parfois éprouver une vive impression des états d'âme de ceux qui nous sont chers.

~fais même alors c'est en nous, plus que dans leur cœur, que nous les obser­ vons.

Il ne suffit pas en effet de voir un malheureux qui souffre pour que se forme en notre esprit la représentation vivante des sentiments qui l'animent.

Pour avoir l'impression de pénétrer jusqu'au cœur d'un autre, il faut d'abord sympathiser avec lui, partager son état et ses peines; alors seulement, grâce à l'écho en nous des sentiments qu'il éprouve, nous avons l'impression de l'atteindre lui-même dans le mystère de son intimité.

Mais on le voit, c'est notre cœur qui nous révèle son cœur, et si nous pouvons ensuite faire de ses sentiments une descrip­ tion qui frappe par sa vérité, c'est parce que nous nous référons incons­ ciemment à une expérience personnelle.

Il reste donc vrai qu' « on ne peint bien que son propre cœur '" B.

Néanmoins ce n'est pas au moment même où ils les éprouvaient que les meilleurs peintres du cœur humain ont noté leurs sentiments en des termes qui permettent au lecteur de les revivre.

Dans ces minutes de vie intense, ils étaient trop absorbés pour pouvoir se détacher en quel­ que sorte d'eux-mêmes et observer ce qui se passait en eux.

C'est après cowp seulement, et parfois bien plus tard, que, revoyant en imagination une heure émouvante de leur passé, ils ont pu observer les sentiments qu'ils avaient éprouvés, ou plutôt ceux qu 'Hs éprouvent maintenant, en les attri­ buant à celui qu'ils étaient' à l'époque qu'ils se remémorent.

En effet, comme le dit CHATEAUllHJAND, c< on ne peint bien que son propre cœur '" mais, ajoute-t-il, c< en l'attribuant à un autre "· II.

- (( EN L'ATTRIBUA:'IT .1.

UN AUTRE.

)) A.

Sans doute, il est des auteurs qui ont décrit leur vie affective d'une façon heureuse, sans cacher leur histoire derrière les péripéties d'un récit romancé : qu'il nous suffi.se de citer les Confessions de RoussEAU et les nombreux journaux intimes rédigés au jour le jour.

Mais les Confessioris ne sont pas une simple histoire.

Ecrites de lon­ gues années après les é•·énements qu'elles relatent, elles font appel à. »

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