Expliquez : a. « car les coups se succèdent sans s'enchaîner, sans que les premiers exercent aucune influence sur ceux qui les suivent » ; b. pourquoi « les registres d'une loterie publique » ne forment pas un récit.
Publié le 25/03/2015
Extrait du document
S'il n'y a pas d'histoire proprement dite, là où les événements dérivent nécessairement et régulièrement les uns des autres en vertu de lois constantes', il n'y a pas non plus d'histoire, dans le vrai sens du mot, pour une suite d'événements qui seraient sans aucune liaison entre eux. Ainsi les
5 registres d'une loterie publique pourraient offrir une succession de coups singuliers, quelquefois piquants pour la curiosité, mais ne constitueraient pas une histoire : car les coups se succèdent sans s'enchaîner, sans que les premiers exercent aucune influence sur ceux qui les suivent, à peu près comme dans ces annales où les prêtres de l'Antiquité avaient soin de
10 consigner' les monstruosités et les prodiges à mesure qu'ils venaient à leur connaissance. Tous ces événements merveilleux, sans liaison les uns avec les autres, ne peuvent former une histoire, dans le vrai sens du mot, quoiqu'ils se succèdent suivant un certain ordre chronologique.
COURNOT
Le sens désigne à la fois la signification et le but, la direction. Considérer la trame des affaires humaines comme une « succession « d'événements, c'est déjà lui donner une direction. Mais pour lui conférer une signification, il faut en outre la finaliser, c'est-à-dire l'inscrire dans une progression qui s'assimile soit à un progrès, soit à une décadence. Car l'homme interprète toujours la simple succession. Il y greffe du sens, son sens, qui rend l'histoire significative pour lui. C'est sans doute l'intérêt du choix des événements historiques.
«
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de repérer I'« influence» qui s'exerce de l'un à l'autre.
C'est à la fois le rôle de
l'acteur de l'histoire et de celui qui l'étudie.
• les monstruosités et les prodiges : c'est-à-dire ce qui déroge au cours naturel
et déterminé des choses, aux « lois constantes » évoquées par Cournot au début
du texte.
Or par définition, une succession de productions « hors normes » et
exceptionnelles
ne saurait constituer une histoire liée par un sens.
Il n'y a aucune
« influence » d'une production monstrueuse, ou miraculeuse, à une autre.
INTÉRÊT PHILOSOPHIQUE DU TEXTE
L'intérêt de ce texte est de définir l'histoire comme une succession d'événements
« liés » entre eux par un sens, une « influence ».
Cela évacue la définition de
l'histoire comme pure
chronologie (de là l'intérêt de la question 3), mais égale
ment comme règne du déterminisme.
Cournot, que l'on présente souvent
comme
le penseur du rôle du hasard en histoire, propose donc une conception
très nuancée de
la trame des événements humains.
PROBLÉMATIQUE DE LA QUESTION 3
L'histoire comme succession d'événements désigne à proprement parler la chro
nologie.
C'est l'ensemble des grandes dates et des grands hommes qui la struc
turent,
l'histoire des rois et des batailles, telle qu'elle est pour partie enseignée
à
l'école élémentaire.
Or dans les années 1930, le courant de la « Nouvelle
Histoire»,
chapeauté par F.
Braudel ou encore par M.
Bloch, a remis en question
cette conception
traditionnelle, pour revendiquer le privilège de la « longue
durée » et de la « structure » sur l'événement isolé et ponctuel.
C'est pourquoi
on trouve maintenant
des histoires de l'amour ou de la mode.
Le problème posé
par
le sujet est double : il implique d'une part de savoir ce qu'est un événement
(car
s'il n'y a pas d'événement en soi, comment l'histoire pourrait-elle consister
en une succession de néants?), et d'autre part de savoir si l'on peut constituer
une trame
sensée à partir de phénomènes très ponctuels.
Suffit-il de connaître
la vie de Louis XIV pour comprendre son époque ?
UTILISER SES CONNAISSANCES
On utilisera ses cours sur la définition de l'événement et du sens historique, afin
de mettre
au jour les éventuelles carences de la simple chronologie ou
«succession d'événements ».
• « L'histoire traditionnelle [c'est-à-dire événementielle] attentive au temps bref,
à l'individu, à l'événement, nous a depuis longtemps habitués à son récit précipité,
dramatique, de souffle court
» (Fernand Braudel, « Histoire et sciences sociales :
la longue durée »,in Annales, octobre 1958).
Braudel valorise au contraire la struc
ture et
le temps long, qui donnent à l'histoire ce« liant» dont parle Cournot..
»
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