Expliquer le texte suivant : SARTRE et le langage
Publié le 12/02/2019
Extrait du document
Le mot du langage commun est à la fois trop riche (il déborde de loin le concept par son ancienneté traditionnelle, par l’ensemble de violences et de cérémonies qui constitue sa « mémoire », son « passé vivant ») et trop pauvre (il est défini par rapport à l’ensemble de la langue comme 5 détermination fixe de celle-ci et non comme possibilité souple d’exprimer le neuf). Dans les sciences exactes, quand le neuf surgit, le mot pour le nommer est inventé simultanément par quelques-uns et adopté rapidement par tous [...]. Mais l’écrivain - bien qu’il lui arrive d’inventer des mots - a rarement recours à ce procédé pour transmettre un savoir ou un 10 affect. Il préfère utiliser un mot « courant » en le chargeant d’un sens nouveau qui se surajoute aux anciens : en gros, on dirait qu'il a fait vœu d’utiliser tout le langage commun et lui seulement, avec tous les caractères désinformatifs qui en limitent la portée. Si l’écrivain adopte le langage courant, ce n’est donc pas seulement en tant que le langage peut transmettre un savoir mais aussi en tant qu’il ne le transmet pas.
Sartre
C’est-à-dire qu’il procède à une redéfinition, ou à une définition neuve de ce que sera la liberté dans ses propres textes ; de la sorte, il précise un concept, et en restreint le sens à celui qu’il lui donne. Mais ce concept « neuf» s’inscrit dans une pensée qui cherche à être cohérente, dans un système : il ne fonctionne que relativement aux autres concepts de cet ensemble, ce qui signifie bien que cette redéfinition n’a rien d’arbitraire, elle prend appui sur des analyses et des interprétations qui la justifient. Dès lors, le « neuf » est compréhensible par tout lecteur du système, mais il peut sembler hermétique ou injustifié à celui qui ignore ce dernier (on n’est là. en un sens, pas très éloigné de la situation relative aux vocabulaires scientifiques, même si les termes philosophiques sont des mots de la langue commune). Et ultérieurement, si le système et ses concepts ont été solidement élaborés, le sens « neuf » viendra s’ajouter à la « mémoire » (philosophique) du terme.
«
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Pièges à éviter
- Ne pas négliger (sous prétexte de sa brièveté) l'allusion au langage
dans les sciences.
- Certains passages ct expressions du texte demandent à être lus et
analysés avec soin : ne pas les passer simplement sous silence : que peu
vent être une «détermination fixe » de la langue, ou la « possibilité souple
d'exprimer le neuf» ? Analyser à fond la dernière phrase du texte.
- Essayer d'éviter un plan répétant simplement les trois domaines évo
qués dans le texte.
Ce serait acceptable, mais il y a peut-être plus subùl.
CORRIGÉ
[Introduction] Toute personne peut ressentir périodiquement que le langage dont elle
dispose, bien qu'elle y reconnaisse en général un moyen de communica
tion adapté à ses besoins, ne correspond pas exactemem à ce qu'elle en
attend, comme s'il :s'agissait d'un vêtement mal adapté à ce qu'elle veut
« dire ».
Le vocabulaire étant en effet commun par définition, il peut sem
bler inadéquat, comme l'avait souligné Nietzsche, à l'expression de la sin
gularité authentique : comment y formuler de l'inédit ? Sartre rappelle
qu'un tel problème est vite résolu dans les sciences, ct il souligne ensuite
la situation paradoxale de l'écrivain : travaillant presque uniquement avec
les mots de la langue commune, ce dernier l'adopte aussi comme inca
pable de transmettre un «savoir >> particulier.
(1.
La langue pèse par son passé]
Le vocabulaire d'une langue n'est pas inventé par celui qui l'utilise : il
est un héritage, qui est qualifié par Sartre de manière judicieusement
contradictoire.
Le vocabulaire est à la fois « trop riche » ct «trop pauvre ».
Sa richesse vient précisément de son histoire : chaque mot véhicule une
«mémoire», un «passé vivant» -c'est-à-dire un passé qui demeure
actif, qui n'est jamais là comme du passé achevé, dont le présent du mot
pourrait être séparé.
De la sorte, le mot rassemble de multiples significa
tions, qui ne peuvent toutes être maîtrisées (ni même peut-être recensées
et connues lucidement) par l'utilisateur.
Un exemple très simple en est
celui du mot « révolution ».
Il a d'abord un sens en astronomie, où il
désigne la révolution astrale, avant de prendre une portée politique, qui se
révèle rapidement ambiguë, puisque le terme politique peut avoir, selon
les personnes.
une connotation positive ou négative ; mais ensuite on.
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